Succès de la conférence-débat Lesoil sur la dette à Liège
Par Denis Horman le Dimanche, 30 Octobre 2011 PDF Imprimer Envoyer

Mercredi 26 octobre, la Formation Léon Lesoil (asbl culturelle de la LCR) organisait, dans les locaux de la FGTB liégeoise, une conférence-débat sur un sujet d’une brûlante actualité : « Contre la dictature de la finance, Pour la redistribution des richesses ». Quelque 80 personnes étaient au rendez-vous. Il faut dire que l’actualité politico-sociale y était pour quelque chose : avec le récent rachat, par l’Etat, pour 4 milliards d’euros, de Dexia, la banque privé en faillite ; avec ce nouveau plan d’austérité que nous concocte notre formateur Elio Di Rupo, avec ses partenaires libéraux et chrétiens, dans une  belle « union nationale » ; avec le coup de force d’ArcelorMittal qui décrète la fermeture de la phase à chaud de la sidérurgie liégeoise…

Faut dire également – et cela été d’emblée souligné par la modératrice-animatrice de la conférence, Vicky Goossens, militante dans le mouvement ATTAC-, que cette soirée, à l’initiative de la F. Léon Lesoil, était le fruit d’une collaboration remarquable avec plusieurs organisations et non des moindres : la FGTB de Liège-Huy-Waremme et Verviers, la CNE de la Province de Liège, la CADTM, Attac, les Equipes Populaires, le CNCD, les Amis du Monde diplomatique, dans oublier la LCR/la Gauche.

Briser l’engrenage de la dette publique !

Eric Toussaint, président du CADTM, allait commencer en force. Trois ans après le sauvetage des banques belges, c’est toujours le même breuvage empoisonné qu’on nous sert. En octobre 2008, l’Etat a volé au secours des banques belges : Fortis, Dexia, KBC et l’assureur Ethias. Et pour ça, l’Etat  a dû emprunter auprès des banques et s’endetter pour plus de 20 milliards d’euros et, cela pour « sauver » des banques, des gros actionnaires qui, pendant tout un temps, ont engrangé des bénéfices considérables, profitant de la détresse de la population de pays précarisés, tels que la Grèce, pour des placement juteux. Mais, en même temps, ces mêmes banques prenaient des risques considérables à spéculer sur des titres risqués, « toxiques ». Aujourd’hui, on nous refait le coup avec Dexia. L’Etat emprunte, à nouveau, 4 milliards d’euros, pour reprendre cette banque en faillite, tout en prévoyant l’indemnisation de ses gros actionnaires privés.

On peut estimer qu’environ 45% de l’augmentation de la dette publique sont imputables au sauvetage des banques par l’Etat. Qui va éponger cette dette publique ? A qui va-t-on demander de payer la facture du sauvetage des banques ? A qui va-t-on demander les  25 milliards d’euros qui manquent pour combler les déficits d’ici 2015 ? Ah ! La dette, voilà un bon prétexte pour faire  payer la population, pour réduire les dépenses publiques,  pour bloquer les salaires, pour une baisse des allocations de chômages, pour des coupes dans les dépenses de soins de santé… Alors que ce n’est que justice que ce soient les responsables de la crise qui paient, ceux-là mêmes  qui profitent des intérêts juteux de la dette publique. Alors, Eric Toussaint hausse le ton : «  C’est aux dirigeants de Dexia et aux ministres responsables du sauvetage des banques en 2008 et 2011 de rendre des comptes devant la justice pour les préjudices qu’ils ont causés ».

Prenant à son tour la parole, Céline Caudron de la LCR appuie les propositions avancées par le CADTM : l’exigence d’un moratoire sur le paiement de la dette publique, la mise en place d’un audit citoyen sur la dette, organisé et porté par les organisations syndicales et associatives : d’où vient la dette ? A-t-elle été contractée dans l’intérêt général ou bien au bénéfice de minorités déjà privilégiées ? Qui détient ses titres ? Quels sont  les mécanismes par lesquels le capital financier pille la collectivité avec la complicité des gouvernements ? Peux-on alléger son fardeau autrement qu’en appauvrissant les populations, etc… ? Le but de l’audit est, entre autre, de pointer les dettes qui sont particulièrement illégitimes  et d’exiger leur annulation.

« Y a-t-il alors des dettes légitimes », demande un des intervenants dans le débat ?

Bien sûr, souligne Céline Caudron, toutes les dettes peuvent être considérées comme illégitimes, car la dette publique et son engrenage ne sont en fait qu’un vaste transfert de richesses du travail vers le capital. Mais la démarche de l’audit – ce qu’a très bien  expliqué également un autre intervenant dans le débat- et la dénonciation des  dettes particulièrement illégitimes constituent un excellant levier pour ouvrir une brèche dans l’austérité. Prétendre qu’on n’aurait pas besoin de ce levier, que la masse des exploité-e-s serait prête à exiger directement la répudiation pure et simple de toutes les dettes, c’est prendre ses souhaits pour des réalités. C’est prendre une posture radicale, pas être radical en pratique.

Redistribuer les richesses !

A la tribune, deux responsables syndicaux : Philippe Deceukelier, secrétaire principal CNE (Centrale chrétienne des employés) de la Province de Liège et Daniel Richard, secrétaire interprofessionnel de la FGTB de Verviers.

Philippe Deceukelier allait faire le lien entre l’annulation des dettes illégitimes et la nécessité de « prendre l’argent là où il est » pour qu’il aille « là où il doit aller », qu’il serve à (re)financer le secteur public, l’emploi, les besoins sociaux, à rétablir une protection sociale digne de ce nom.

Et de souligner le fait que la justice fiscale est bien au centre de cette redistribution des richesses. A ce propos, le syndicaliste de la CNE allait rappeler quelques revendications portées par le mouvement syndical : la levée du secret bancaire et, à partir de là, l’établissement d’un cadastre des patrimoines financiers ; un impôt sur la fortune ; la taxation des plus-values boursières ; la globalisation des revenus (revenus professionnels et financiers) pour que chacun-e paie au prorata de tous ses avoirs… En ce qui concerne l’impôt des sociétés, Philippe Deceucelier allait dépeindre, en quelques chiffres, une réalité se passant de tous commentaires : alors que le taux d’imposition officiel des sociétés sur les bénéfices est toujours de 33,99%, en 2009, les entreprises, qui ont réalisé 94 milliards d’euros de profit avant imposition en Belgique, n’ont payé que 11 milliards d’euros d’impôt, soit un taux de 11,8%! Faut pas chercher très loin une des causes du déficit budgétaire !

Daniel  Richard allait surtout évoquer la campagne de la FGTB wallonne : Où est passé l’argent ? Dans la poche des actionnaires ! A ce propos, la FGTB de Verviers a lancé, en juin dernier, une mini opération Vérité, au grand dam du patronat local.  Se penchant sur les bénéfices des 15 sociétés verviétoises classées dans le Top 200 des entreprises les plus performantes de la région liégeoise, la FGTB montrait – chiffres officiels à l’appui- que plus de 60% des 58 millions d’euros de bénéfices sont tombés directement dans la poche des actionnaires…au détriment des salaires, de l’emploi et des investissements dans les entreprises. Pour la FGTB Wallonne : « les actionnaires doivent rendre aux travailleurs l’argent qui leur revient et payer la crise ». Comment ? « En limitant le revenu des actionnaires, les salaires des grands patrons et de traders… » et en augmentant les salaires bruts, dans le cadre d’une autre répartition des richesses produites par les travailleurs. Une augmentation sur les salaires bruts, « car, c’est sur base du salaire brut que sont financés les services publics, via les impôts prélevés sur les revenus du travail, mais aussi la sécurité sociale, via les cotisations sociales ».

La FGTB et la CNE - cela a été rappelé - ont rejeté le dernier accord interprofessionnel, surtout à cause de l’imposition de la « norme salariale » : une aumône salariale de 0,3% d’augmentation des salaires en …2012 ! Les conventions sectorielles et d’entreprises pouvaient être une bonne occasion pour arracher des augmentations de salaire brut. Daniel Richard allait rappeler la situation paradoxale dans le secteur des carrières, où patrons et syndicats marquaient leur accord pour une augmentation de 1% des salaires (dépassant la norme salariale !), et où le Ministère de l’Emploi faisait savoir son opposition.

Mais, dans la plupart des cas, les conventions sectorielles et d’entreprises ne se sont pas concrétisées par des augmentations de salaires bruts. Et pourquoi donc ?

Mobiliser sur un programme « d’urgence sociale » !

Bien évidemment, la question du prochain plan d’austérité en débat chez les futures partenaires gouvernementaux  fut évoquée.

Daniel Richard allait attirer l’attention sur une série de points de la note du formateur, ouvrant d’emblée la porte à la régression sociale.

Philippe Deceukelier annonçait la préparation d’une concentration de militants syndicaux, den front commun syndical, pour le 15 novembre, bien conscient que cela ne devait être qu’une première étape.

« A Verviers, souligne Daniel Richard, nous avons, depuis quelques temps déjà, programmé une action par mois. Cela mobilise surtout des militant-e-s. On a difficile de toucher les affiliés. Je ne me sens pas débordé par la base ».

Le débat s’anime. « Comment ça », s’écrie un intervenant. « Quand il y a des appels à mobilisation, à manifester, les affiliés savent répondre. Souvenez-vous, il  y a quelques mois, de la manifestation des enseignants à Liège. Ce matin même, à Seraing, il y avait entre 8000 et 10 000 manifestants pour dire non à la fermeture de la phase à chaud de la sidérurgie. Le problème, c’est que presque toujours, ces manifestations sont sans lendemain. Elles ne se situent pas dans un vrai plan de mobilisations crescendo et sur des revendications claires, précises, offensives ». Et à la longue, cela provoque le découragement ».

Céline Caudron allait, à son tour, rappeler la manifestation des « Indignés » à Bruxelles le 15 octobre. Contre toute attente, 8000 personnes étaient dans la rue, criant leur révolte contre la crise, la dette, les spéculateurs, l’austérité…

S’adressant aux deux représentants syndicaux à la tribune, Céline Caudron rappelait également cet Appel à la résistance sociale (www.resistancesociale.be), lancé par des syndicalistes de la FGTB et CSC, de différente centrales, à travers tout le pays, et qui a déjà récolté 1500 signatures. Un appel, soutenu par la LCR, et qui s’adresse au mouvement syndical.

Les trois revendications de cet appel transparaissaient, d’une manière ou d’une autre, dans la conférence-débat :

  • que les syndicats remplissent leur rôle et retrouvent leur place, dans la rue, sans s’inquiéter de gêner leurs « amis » politiques ;
  • que les syndicats organisent en front commun une opération vérité sur ce qui a été volé aux travailleurs et les conséquences sur leurs vies ;
  • nous ne nous contenterons plus de manifestation-promenades et de grèves d’avertissement sans lendemain. Nous voulons un plan d’action pour des mesures anticapitalistes d’urgence, sociales et écologiques.

Voilà un bon questionnement, un sujet de débat à poursuivre dans des rencontres telles que celle qui fut organisée, ce mercredi 26 octobre, entre différentes organisations et associations, entre les militant-e-s de ces organisations qui poursuivent un objectif commun : construire ensemble une véritable alternative anticapitaliste !


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