Résolution politique
Par LCR le Jeudi, 20 Avril 2006 PDF Imprimer Envoyer

Thèses adoptées par le XVe Congrès national du POS, avril 2006

1) Le POS estime que le problème politique central en Belgique reste l'absence d'une force politique de gauche capable de défendre sur le terrain politique les revendications et les luttes des mouvements sociaux contre le néolibéralisme. Une telle force doit se former d'emblée autour de l'objectif de principe de présenter une alternative électorale à la social-démocratie et aux verts. Les syndicats et les mouvements sociaux de toutes sortes exigent à travers leurs luttes une rupture plus ou moins forte avec la logique néo-libérale (pacte de génération, chasse aux chômeurs, le " non " à la Constitution européenne, contre Bolkestein, la lutte des sans papiers, contre le changement climatique, etc.). Ils se heurtent toutefois systématiquement à un véritable " mur du pouvoir " parce qu'ils ne disposent pas de relais politique. Ce blocage fait qu'il n'existe en Belgique aucune voix anti-néolibérale et anticapitaliste au sein des institutions parlementaires. La seule manière de résoudre ce problème est la construction d'une nouvelle force politique, large, pluraliste et anti-néolibérale au sein de laquelle la gauche anticapitaliste peut pleinement jouer son rôle.

2) Du fait de l'absence d'une telle force d'opposition anti-néolibérale, c'est l'extrême droite qui réussit à se présenter comme la seule force " alternative " à la politique dominante. Comme les Verts et la social-démocratie ne font aucune rupture avec les postulats et la politique néo-libérale, ils seront incapables de stopper l'extrême droite et d'arracher des secteurs significatifs de l'électorat d'extrême droite vers la gauche. Les exemples dans nos pays voisins (Linkspartei en Allemagne, Sp-Hollandais ou la gauche révolutionnaire en France) démontrent que la meilleure arme contre la montée de l'extrême droite est de construire une opposition de gauche crédible contre le néolibéralisme.

3) En Belgique, la construction d'une nouvelle force politique de gauche est également la clé qui doit permettre à la gauche anticapitaliste de sortir de son impuissance et de la situation extrêmement problématique dans laquelle elle se trouve aujourd'hui. Il est impossible de prédire avec précision comment la construction d'une telle nouvelle force pourrait se dérouler dans notre pays. Cependant, il est clair qu'elle ne peut se résumer à la simple addition des partis de la gauche radicale existants. Au contraire, tout comme dans d'autres pays européens, cette nouvelle force sera le résultat d'un véritable réalignement politique dans le camp de la gauche, de ruptures dans les partis verts et sociaux-démocrates d'une réorientation politique de secteurs syndicaux et du passage vers le terrain politique de militants du mouvement social. Nous pouvons en ce sens partir des expériences et des succès relatifs constitués par Gauches Unies ou le BSV anversois.

4) Comme c'est le cas dans d'autres pays européens, la construction d'une nouvelle force politique de gauche sera déterminée et facilitée par la lutte sociale. Le Linkspartei en Allemagne a grandi dans le feu de la lutte contre la politique d'austérité du gouvernement Schröder-Fisher. La coalition " Respect " en Angleterre est né dans la lutte massive contre la guerre de Bush et Blair en Irak. La gauche révolutionnaire en France a le vent en poupe grâce aux vagues de grèves et de luttes importantes qui s'y déroulent depuis la deuxième moitié des années '90 et suite à la victoire contre la Constitution européenne qui a vu émerger d'une large campagne unitaire des possibilités conséquentes pour un avenir politique proche. En Belgique également, nous avons pu constater comment la lutte contre le pacte de génération a immédiatement débouché sur un débat quant à la nécessité d'une alternative politique. La lutte sociale pousse à la clarification politique et élargit sensiblement la base pour une recomposition politique à gauche.

5) Suite à la lutte contre le pacte de génération et à la poursuite des politiques néolibérales par le gouvernement violet, deux initiatives ont tout récemment émergé en Belgique en faveur d'un nouveau mouvement politique. En Flandre, ensemble avec l'ancien président de la FGTB Georges Debunne, deux anciens parlementaires Sp.a, Jef Sleeckx et Lode Vanoutrive ont lancé un Comité pour autre politique. En Belgique francophone, un appel affirmant qu'une " autre gauche est nécessaire " a été publié dans La Libre Belgique, à l'initiative de notre camarade Freddy Dewille et d'Alain Van Praet. L'appel a obtenu le soutien de quelques syndicalistes de gauche, d'académiciens et de militants politiques. Bien que les deux initiatives souffrent encore aujourd'hui de limites et d'un impact encore restreint, le POS a décidé de les soutenir. Le POS y participe pleinement et fera des propositions dans le cadre de ces initiatives afin de pouvoir faire des pas en avant.

6) L'initiative lancée par le Comité Jef Sleeckx vise explicitement à une participation aux élections parlementaires de mai de 2007. Ces élections sont effectivement un événement politique important puisqu'il s'agira de faire le bilan des politiques des Verhofstadt-Reynders-Onkelinckx-Vandenbossche. Elles peuvent être une occasion de sanctionner les politiques néolibérales, telles que le pacte de génération, etc.. Il serait donc très important pour une nouvelle force politique de gauche d'être présent dans ces élections avec des listes crédibles. Mais ceci dépendra nécessairement de l'élargissement que les deux initiatives parviendront à atteindre au cours des prochains mois. Le POS n'est pas partisan que ces initiatives participent à tout prix à ces élections sans tenir compte d'une série de conditions. Dans les mois qui viennent, il est nécessaire pour ces initiatives de tester le terrain, de vérifier leur impact et leur capacité d'élargissement avant de prendre une décision au sujet de la participation ou non aux élections de 2007. La situation objective plaide cruellement en faveur d'une alternative gauche, également sur le terrain électoral, mais nous devons correctement oeuvrer afin de réunir également les conditions subjectives pour qu'une telle nouvelle force politique émerge de façon crédible.

7) Tandis que l'initiative en Belgique francophone fonctionne avec des Assemblées générales, des groupes de travail etc, le fonctionnement de l'initiative flamande est moins transparent. L'initiative flamande repose essentiellement sur Jef Sleeckx avec autour de lui quelques personnalités ayant un certain rayonnement et notoriété dans la société. Le fonctionnement du Comité pour une autre politique doit être très rapidement et clairement discuté. Le POS plaide pour une coordination nationale ouverte qui, dans l'attente d'une structuration démocratique plus stricte, permette de progresser. Les deux initiatives devraient viser à l'organisation commune d'une grande activité nationale, avec un programme varié de débats, et à laquelle tous les sympathisants et partisans d'une nouvelle force politique de gauche sont les bienvenus. Cette activité sera une bonne occasion de tester, égalerment numériquement, l'écho et l'attente existants pour une telle initiative.

8) Nous constatons qu'au sein des deux initiatives, il existe une forte volonté de construire un mouvement unitaire " belge ". Cette attitude est dans le meilleur des cas une manifestation de la volonté de s'opposer à la division du mouvement ouvrier et des luttes sociales menées par le pouvoir afin d'affaiblir les résistances sociales et d'imposer plus facilement la politique néo-libérale. Dans certains cas - comme pour Jef Sleeckx - il y a également des raisons qui relèvent d'un certain belgicisme. Le POS est pour qu'une certaine coordination entre les deux initiatives soit mise sur pied. Mais la réalité politique et sociale est devenue très différente entre la Flandre et la Belgique francophone pour qu'il soit encore possible d'établir un programme, un cahier de revendications et donc un mouvement politique strictement identique au Nord et au Sud du pays. La culture et les traditions politiques différents sensiblement. Les problèmes sociaux se manifestent d'une manière différente et la situation politique n'est pas du tout la même. En voulant à tout prix élaborer une démarche strictement similaire, les deux initiatives ne feront que s'imposer à elles-mêmes des difficultés insurmontables. Dans la pratique, cela ne mènera systématiquement qu'à de mauvais compromis qui ne satisferont jamais les uns et les autres.

9) Le POS estime qu'il est nécessaire, afin de bâtir une nouvelle force politique, de la définir dans une première phase comme un " mouvement politique " de convergence des gauches. Un tel mouvement politique doit élaborer son propre dynamisme et stratégie et est donc toute autre chose qu'une conjugaison des organisations de la gauche radicale. Le LSP-MAS participe aux réunions des deux initiatives, mais plaide pour construire un mouvement à l'intérieur duquel la gauche radicale existerait en tant que fractions préservant une apparition publique et une organisation autonome très élevées. Le POS ne pense pas qu'une telle approche fractionnelle mènera à de bons résultats. Les militants de la gauche radicale peuvent jouer un rôle important dans la direction et dans le développement du nouveau mouvement politique, mais à condition qu'ils ne partent pas en premier lieu des intérêts de construction de leur propre organisation. Si les groupes de la gauche radicale sont dominants au sein du mouvement ou, plus grave encore, si une lutte acharnée s'y déroule entre eux, cela constituera un obstacle pour le développement ultérieur du mouvement. Le POS propose que les partis de la gauche radicale qui soutiennent ces initiatives se mettent autour de la table afin d'arriver à un accord mutuel quant au rôle et à la place que doivent occuper la gauche radicale au sein du nouveau mouvement. Il faut établir des règles visant à empêcher qu'une organisation monopolise le débat ou arrache la majorité dans une direction. De telles règles sont appliquées avec succès et depuis plusieurs années déjà dans le Bloc gauche au Portugal.

10) Nous constatons que l'initiative pour une autre politique se focalise surtout sur la classe ouvrière et ses intérêts. Il s'agit d'une évidence, étant donné le fait que cette initiative s'est lancée sur base de la lutte contre la constitution Européenne et le pacte de générations. Néanmoins, il est important de mettre également à l'agenda les questions posées par un bon nombre de mouvements sociaux. Ainsi, les questions écologiques et féministes restent un peu trop absentes dans le discours de ces mouvements en formation. Le POS plaide pour l'intégration de ces questions au coeur du programme du nouveau mouvement politique.

Il existe également un " déficit " et un " dysfonctionnement " énormes, et qui n'ont cessé de croître ces dernières années suite aux politiques néolibérales, en matière de démocratie, de citoyenneté, de prestation de services publics, etc.. Il s'agit là de thèmes qui ont été traités au cours de ces dernières années essentiellement par le mouvement alterglobaliste, mais aussi pour certains d'entre eux par le " mouvement blanc " pendant la deuxième moitié des années '90. La démocratie participative, longtemps incarnée par le modèle de Porto Alegre, les mouvements pour une consultation démocratique sur la Constitution européenne, les campagnes pour une Taxe Tobin, les exigences pour faire face à la nécessaire redistribution sociale, contre le démantèlement des services publics dans le cadre de l'AGCS et de Bolkestein... sont autant de thèmes qui sont également parvenus au cours de ces dernières années à mettre en Belgique pas de mal de monde en mouvement et même à constituer de nouvelles alliances entre les mouvements sociaux et les syndicats. Il est également frappant que c'est aussi autour de ces thèmes que ces mouvements se heurtent sans exception au Mur du pouvoir et à l'absence de relais politique..

La lutte des sans papiers et contre la politique actuelle d'asile occupe tout autant une place à part. Depuis la création des centres, les expulsions forcées, et la situation des " clandestins ", nous voyons périodiquement, avec des hauts et des bas, émerger des mouvements importants qui se mobilisent autour de ces questions. Il existe actuellement des comités contre les centres fermés, les expulsions et de solidarité. Mais un fait nouveau majeur a fait son apparition : la création et la construction de l'UDEP en tant que mouvement auto-organisé des sans papiers eux-mêmes et qui les rassemble pour la première fois dans tout le pays et de toutes origines. La problématique des sans papiers est directement reliée à la globalisation néo-libérale et à la politique des gouvernements belges successifs qui représente un danger pour les libertés civiles. Aucun thème n'est resté aussi fortement et politiquement sans réponse que la question des sans papiers. Pour le POS, il est donc d'une extrême importance que les initiatives de recomposition établissent des liens avec ces différents mouvements.

11) Dans toute l'Europe, nous constatons l'existence au sein de la gauche d'une contradiction entre une gauche social-libérale et une gauche antinéolibérale. D'un côté, il y a les partis qui sont prêts à entrer dans des gouvernements qui se conforment entièrement au cadre néolibéral de l'Union Européenne. Ces partis de gauche collaborent de cette façon au démantèlement de la sécurité sociale, à la privatisation des services publics, à la commercialisation rampante de toute la société et à la redistribution inversée des richesses au profit des plus riches. Presque dans toute l'Europe existent à côté de ces partis social-libéraux des partis qui s'opposent à la politique néolibérale et qui préconisent une politique de redistribution sociale. Dans ce dernier camp figurent tant des partis anticapitalistes (tels que le Bloc de Gauche, L'Alliance Rouge-Verte, la LCR, le Parti Socialiste Ecossais…) que des partis antinéolibéraux (Parti de Gauche (allemand), SP-Pays bas, Respect…). Mais ces partis anticapitalistes aussi connaissent une percée sur base de la résistance contre la politique néolibérale et d'un programme alternatif orienté sur l'emploi, la sécurité sociale, la redistribution, services publics, etc. Le POS estime que les deux initiatives en Belgique doivent s'adresser à tous les gens qui désapprouvent la politique néo-libérale et souhaitent une toute autre politique. Les discussions autour de l'anticapitalisme ou de l'anti-néolibéralisme ne doivent pas paralyser le mouvement. Il s'agit avant tout aujourd'hui d'organiser les gens sur base d'une plate-forme d'exigences alternative au néolibéralisme. La manière dont cette nouvelle force politique déterminera plus précisément son programme sera clarifié au cours de son développement ultérieur.

12) Le POS réaffirme qu'il continuera à faire le nécessaire pour développer ses propres forces. Néanmoins, le POS s'intégrera activement dans les prochains mois dans ces deux initiatives. Nous mobilisons nos militants pour élargir ces initiatives et y coopérer aux campagnes et aux activités concrètes. Nous leur accorderons une attention particulière et tout l'espace nécessaire dans La Gauche et sur notre site Web. La direction du POS développera et diffusera une déclaration publique sur ces questions sur base de la présente résolution.

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