Les dessous cachés du cirque européen contre Chavez
Par Maxime Vivas le Mercredi, 30 Mai 2007 PDF Imprimer Envoyer

Le 15 mai 2007, une alliance majoritaire entre les partis de la droite européenne, PPE, ALDE, UEN avec l’ITS (groupe politique fasciste, notamment de Jean-Marie et Marine Le Pen) a obtenu, contre l’avis de tous les autres partis, qu’une "Résolution du Parlement européen sur le Venezuela" soit inscrite à l’ordre du jour, pour un vote.

Cette résolution affirme que le non renouvellement de la licence hertzienne de la chaîne de télé RCTV condamne ce média qui emploie 3 000 salariés à disparaître, que la « fermeture de ce média » contrevient au droit de la presse à jouer son rôle de contre-pouvoir, que le gouvernement vénézuélien doit garantir une information pluraliste et faire respecter la liberté d’expression, Elle appelle au dialogue entre le gouvernement et RCTV. Enfin, elle demande au Tribunal supérieur de justice vénézuélien d’annuler dans les plus brefs délais le décret entérinant la fin de la licence de diffusion de RCTV.

Cette résolution de la droite et extrême droite parlementaire européenne (groupes majoritaires) est bourrée d’erreurs puisque RCTV ne va pas disparaître (elle sera privée de la voie hertzienne), que les salariés garderont leur emploi, que le pluralisme de l’information est garanti au Venezuela comme nulle part en Amérique latine. De plus, les incessantes invitations au dialogue en 2005 et 2006 lancées par la CONATEL (équivalent de notre CSA) se sont heurtées à des fins de non recevoir de RCTV.

Cette résolution n’est soutenable que si l’on accepte trois postulats :

1. une chaîne de télévision privée qui a obtenu une licence pour 20 ans bénéficie en fait d’une licence à perpétuité.

2. une chaîne de télévision privée qui appelle à un coup d’Etat contre un président élu, qui bafoue les lois (publicité clandestine, fraude fiscale, non respect des quotas de production nationale, introductions d’images subliminales dans des émissions pour la jeunesse (1) etc.), qui refuse tout dialogue avec les Autorités peut EXIGER ce renouvellement.

3. Le Tribunal supérieur de justice vénézuélien ne doit pas se prononcer en son âme et conscience, en organisme indépendant (y compris de l’Europe), en application de la législation de son pays, mais « annuler » la décision de non renouvellement.

Cette motion est lacunaire puisque RCTV peut émettre librement via le câble, le satellite, Internet. Les centaines de chaînes qui, à travers le monde, émettent ainsi NE SONT PAS FERMEES.

Cette résolution fait preuve d’une sollicitude, pour d’hypothétiques licenciés vénézuéliens, dont la droite nous prive trop souvent pour des licenciés européens d’entreprises qui ferment VRAIMENT, de par la seule volonté de leur patron.

Cette résolution nous rappelle qu’on n’a pas lu de motion analogue quand, durant le coup d’Etat d’avril 2002, des médias vénézuéliens dont la licence n’était pourtant pas caduque ont été brutalement fermés, complètement, sans préavis, tandis que des journalistes étaient arrêtés, voire torturés, puis quand l’information disparut des écrans pour masquer l’échec du putsch.

Cette résolution nous interpelle sur ce qui se passerait demain si une télé française appelait l’armée à renverser Sarkozy, propageait les plus gros mensonges pour y aider, organisait une marche sur l’Elysée, s’acoquinait avec ceux qui tirent des coups de feu dans la rue, approuvait ceux qui ont dissous le gouvernement, le parlement et la plupart des Institutions étatiques, interdit les syndicats, démis tous les hauts fonctionnaires, pourchassé les journalistes non putschistes. Si tout cela se produisait, nos parlementaires signataires se battraient-ils pour que soit accordé à cette télé le droit de démontrer, pendant 20 ans de plus, son amour si particulier pour la démocratie ? Dans le cas inverse, ils indiqueraient que ce qu’ils admettent pour le Venezuela leur paraît indigne pour la France, faisant ainsi montre d’un esprit néo-colonial.

Cette résolution nous suggère que, puisque nos médias nos télévisions privilégient un certain courant de pensée (le directeur adjoint de la campagne de Sarkozy étant coopté par la direction de TF1), il serait utile d’en voter une autre, pareillement soucieuse de la liberté d’expression et du pluralisme et destinée à l’Europe.

Cette résolution s’est alimentée d’informations portées à Strasbourg par Marcel Granier, patron de RCTV, appuyé par Robert Ménard de RSF. C’est le socialiste français, Jean-Pierre Cot, ancien président du groupe socialiste qui a fait inviter Marcel Granier au parlement européen il y a deux mois. Dans un premier temps les socialistes européens ont demandé l’inscription de cette question à l’ordre du jour puis, divisés, ils ont flotté pour ensuite se prononcer contre l’inscription de la motion à l’ordre du jour des urgences des droits de l’homme, et au final pour se rallier au compromis de gauche et voter contre la motion de la droite.

Jean-Marie Cavada a beaucoup insisté officiellement auprès des instances du parlement européen pour que le cas de RCTV soit inscrit à l’ordre du jour des urgences des droits de l’homme du Parlement européen (au même titre que les massacres, les disparitions forcées ou la torture). Le 21 mai, le député Vert français Alain Lipietz proposait une motion, moins marquée que celle du PPE, mais en retrait sur ses déclarations passées après un voyage au Venezuela où il avait pu visiter des studios de télévisions (dont Vive TV) et se faire un juste opinion dont il avait honnêtement rendu compte. Sa motion regrettait que cette décision établisse « un précédent » et il sollicitait que le cas de RCTV soit examiné au sein des délégations et commissions compétentes du Parlement européen.

De Paris, le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon, ami du Venezuela, informait les parlementaires socialistes français et européens. D’un peu partout, d’autres amoureux de la vérité et de la liberté interpellaient des responsables socialistes (dont Fabius, qui ne souffla mot).

Le groupe de gauche GUE/NGL (qui regroupe les communistes et les Verts nordiques), a présenté une résolution insistant sur le droit souverain du gouvernement vénézuélien de réguler son espace audiovisuel et de son obligation constitutionnelle de ne pas permettre des monopoles et des concentrations des médias.

En fin de compte, après une intense activité de ce groupe, un compromis put être signé sur une motion alternative incluant le GUE/NGL, le PSE (groupe du parti socialiste européen) et les Verts.

Ce compromis considère que le non renouvellement de la licence de diffusion VHF de RCTV par l’organe régulateur de l’espace hertzien vénézuélien a été justifié par l’appui de cette télévision à la tentative de coup d’Etat militaire de 2002, au blocage pétrolier de 2003 et par son comportement partial lors du référendum révocatoire de 2004, ainsi que par des violations répétées de la législation sur la protection de l’enfance, de la protection de l’image des femmes et des indigènes à la télévision ; Il note que la question du pluralisme et de la liberté d’expression dans l’Amérique latine et (notez la malice) aussi dans l’Union européenne devrait être traité dans le cadre d’un dialogue constructif avec les structures de coopération parlementaires existantes entre l’UE et l’Amérique Latine ainsi qu’avec les représentants des gouvernements et de la société civile ; demande par conséquent aux délégations et commissions compétentes du Parlement européen de se saisir de cette question. Il demande aux autorités du Venezuela, au nom de l’impartialité de l’Etat, de veiller à la non concentration des médias, la qualité, au pluralisme de l’information, et au respect des normes en vigueur.

Il appelle les médias vénézuéliens privés et publics au traitement objectif et impartial de la vie politique vénézuélienne ; soutient les médias qui assurent le pluralisme et la légalité démocratique. Il prend note de l’annonce du gouvernement vénézuélien qu’il assumera strictement les décisions du pouvoir judiciaire au sujet de la RCTV ; il demande à toutes les parties de faire de même.

Ce dernier point est important : le Tribunal suprême de justice s’est prononcé le 23 mai en rejetant le recours de RCTV. La suppression d’un des canaux d’émissions d’une télé putschiste est donc non seulement légitime, mais légale au Venezuela. La distinction est faite entre le rôle de contre-pouvoir et celui d’incarnation du pouvoir.

Sentant le vent venir, les groupes de droite avaient in extremis modifié leur résolution dans un « compromis final » qui n’appelle plus le tribunal à trancher, mais qui déclare par avance sa décision nulle au prétexte qu’il « n’a pas respecté le délai légal pour statuer ».

Autre version chez Reporters sans frontières dont un communiqué, « déplore » la décision du Tribunal car « la licence est valable jusqu’en 2022 », fable inventée par Marcel Granier, qu’aucun parlementaire européen n’a jugé utile de reprendre. RSF précise en outre qu’elle a envoyé au Venezuela des représentants pour soutenir RCTV et rencontrer les médias et les autorités concernées.

Cette décision de Justice a de quoi laisser muets nos parlementaires européens, qui l’étaient déjà lors de la suppression par notre CSA de la licence de TV6 en 1987 et d’Al Manar, en 2004, par la mise en demeure par le CSA, le 21 mai 2007, d’Eutelstat de ne plus diffuser Al Jazeera, par la révocation en Espagne de la concession de TV Laciana en 2004 et de TV Catolica en 2005, la fermeture de TeleAsturias en Mars 2007 par la révocation au Royaume-Uni de la licence de One TV, d’Actionworld et de StarDate TV.24 en 2006, de Look 4 love 2 en 2007.

Mais, s’il s’agit d’observer leur vigilance relative à l’Amérique latine, on risque de déplorer un tri sélectif : en avril 2007, le Pérou a fermé deux chaînes de télévision pour infraction à la réglementation. En 2003, Le Salvador a révoqué la concession de Salvador Network. Plus au Nord sur le continent américain ? En 1999, le Canada révoque la concession de Country Music Television (CMT). En 1969, les Etats-Unis révoquent la concession de WLBT-TV, en 1981 de WLNS-T, en 1998 de Daily Digest et en 1999 de FCC Yanks Trinity License.

La résolution de la droite du parlement européen contre le Venezuela, a été votée sournoisement le 24 mai, sans quorum, en détournant la procédure des urgences pour les droits de l’homme, conçue pour des sujets consensuels de défense des libertés fondamentales.

Sur 785 députés, 65 seulement étaient présents. Le vote a été acquis par 43 voix contre 22.

Jean-Marie Cavada n’a pas daigné descendre de son bureau à l’hémicycle pour assister au débat ou participer au vote des résolutions..... Parmi les rares députés français présents pour le vote, on remarquait Pervenche Bérés (PSE) et le communiste Francis Wurtz (GUE/NGL).

Ce vote est bien, ainsi que le reconnaissent sans difficulté des parlementaires de droite dans les couloirs de Strasbourg, « un vote politique ».

L’objectif est en effet de punir un pays qui prétend récupérer ses richesses naturelles, aider les autres pays de la région à se soustraire à la misère et à l’Empire, qui vient de se retirer du FMI et de la banque mondiale, qui projette de créer une banque du Sud.

A la tête de ce pays, un homme qui gagne élections sur élections, porté par son peuple, malgré la violence de médias appartenant pour l’essentiel à l’opposition.

PS : La résolution finale de la droite et extrême droite ne parlait plus de « condamnation » à disparaître pour RCTV mais de « risque » de disparition. Longue est la route qui serpente devant les vérités évolutives. Au moment où j’écris ces lignes (25 mai, 10 heures à Caracas), je ne suis pas en mesure de connaître la liste nominative des députés qui ont voté cette résolution. Nul doute que les lecteurs l’obtiendront et l’ajouteront en commentaire à cet article.

(1) J’ai pu personnellement vérifier, dans des extraits passés au ralenti, la présence de ces images. Entre juin et décembre 2006, RCTV s’est rendue coupable de 652 infractions diverses.


Venezuela - Réponse aux mensonges concernant RCTV

Depuis que le Président du Venezuela a annoncé que son gouvernement ne renouvellerait pas la licence de la chaîne de télévision RCTV, une campagne hystérique a été lancée, dans la presse capitaliste internationale, accusant Hugo Chavez de s’en prendre à la liberté d’expression dans le but de « museler l’opposition ».

Il n’est pas difficile de réfuter les arguments de tous ceux qui font mine de s’inquiéter pour la « liberté de la presse » au Venezuela, car ces arguments reposent sur une montagne d’hypocrisie et de mensonges – purs ou par omission. Voici nos réponses à quatre des allégations les plus courantes, concernant cette affaire.

« Hugo Chavez a fermé RCTV »

Hugo Chavez n’a pas fermé RCTV. RCTV avait l’autorisation de diffuser ses programmes par le biais de fréquences TV qui sont propriété publique, et que le gouvernement ouvre à des chaînes pour une période donnée. Le 28 mai, date d’expiration de la licence de RCTV, celle-ci ne sera pas renouvelée. La loi vénézuélienne – qui prévaut également dans la plupart des pays – ne stipule pas que le gouvernement accorde des droits de diffusion à telle ou telle chaîne pour une durée indéfinie. RCTV sera d’ailleurs remplacée par une nouvelle chaîne publique : TVes (photo).

« RCTV est l’une des rares chaînes de TV privées » 

C’est évidemment faux. D’après un rapport de juin 2006, la vaste majorité des grands médias vénézuéliens (Chaînes TV, stations de radio et journaux) sont entre les mains de propriétaires privés. En ce qui concerne la télévision, 90% du marché est contrôlé par quatre compagnies : RCTV, Globovision, Televen et Venevision. Le propriétaire de RCTV, Marcel Garnier, possède également 40 chaînes de télévisions locales à travers le pays. 79 des 81 chaînes de télévisions sont privées. La situation est sensiblement la même en ce qui concerne les autres médias : 706 des 709 radios et tous les journaux sont privés.

« RCTV était un obstacle au projet populiste de Chavez »

Le projet politique de Chavez n’est pas l’objet de cet article. Ceci-dit, il faut quand même souligner que les médias bourgeois ont tendance à qualifier de « populiste » tout projet politique qui ne repose pas sur le principe de l’exploitation capitaliste.

Dans quelle mesure RCTV était-elle un obstacle au projet politique du gouvernement bolivarien ? De fait, RCTV était directement et ouvertement impliquée dans le coup d’Etat du 11 avril 2002 contre le gouvernement démocratiquement élu d’Hugo Chavez. Cette implication de RCTV était tellement flagrante qu’un membre de la direction de la chaîne, Andres Izarra, qui était opposé au coup d’Etat, démissionna en toute hâte de façon à ne pas être partie prenante de ce crime. Dans un témoignage officiel adressé à l’Assemblée Nationale vénézuélienne, Izzara a raconté que le jour même du coup d’Etat, le patron de RCTV lui avait demandé de ne pas diffuser la moindre information, pendant plusieurs jours, sur Chavez, son personnel, ses ministres et l’ensemble de l’entourage du président.

C’est exactement ce qui s’est passé. Le jour du coup d’Etat, RCTV a diffusé l’information mensongère selon laquelle Chavez avait démissionné. Et lorsque, deux jours plus tard, des millions de Vénézuéliens sont descendus dans la rue pour réclamer le retour de Chavez à la tête du pays, RCTV ne programma que des dessins animés !

Il existe un excellent documentaire sur le coup d’Etat d’avril 2002. Il a été réalisé par deux journalistes irlandais qui ont filmé les événements principaux de ces journées décisives, y compris à l’intérieur du palais présidentiel. Son titre est significatif : La révolution ne sera pas télévisée.

« Fermer RCTV, c’est réduire au silence l’une des seules sources d’informations qui ne dépendent pas directement de l’Etat »

Comme nous l’avons déjà montré, ceci est absolument faux. La plupart des médias, au Venezuela, soutiennent ouvertement l’opposition au gouvernement de Chavez. C’est d’ailleurs l’une des contradictions flagrante de la situation, dans le pays : alors que les deux-tiers de la population soutiennent le gouvernement (d’après le résultat des élections de décembre 2006), la vaste majorité des médias, eux, mènent une campagne active et systématique contre Chavez.

En 2002, même l’organisation Human Rights Watch, qui fait pourtant campagne contre le gouvernement vénézuélien, avait dû admettre que « loin de diffuser des informations précises et justes, les médias cherchent à provoquer le mécontentement populaire et une opposition radicale au gouvernement ». (Human Rights News, le 9 octobre 2002)

Malgré cela, le gouvernement vénézuélien a fait preuve d’une grande tolérance – trop grande, à notre avis –, en ne fermant aucune chaîne TV, aucune radio et aucun journal de l’opposition. Ce n’est qu’aujourd’hui, cinq ans après le coup d’Etat soutenu par RCTV, que le gouvernement décide de ne pas renouveler sa licence. Nous posons la question : quel autre régime « démocratique » tolèrerait qu’une chaîne de télévision ayant ouvertement soutenu un coup d’Etat poursuive son activité au lendemain de l’échec du coup ? Dans quel autre pays le propriétaire de la chaîne ne serait pas poursuivi par la justice pour son implication dans le coup d’Etat ?

Non seulement le patron de RCTV n’a pas été poursuivi, mais sa chaîne n’a pas cessé de se livrer à la propagande la plus outrancière à l’encontre de Chavez – y compris en le qualifiant de « fou » et en diffusant des appels à son assassinat. Elle a systématiquement appelé à son renversement par la force.

Simon Bolivar disait qu’une peuple ne serait jamais libre sans liberté d’expression. C’est parfaitement exact. Mais la liberté d’expression n’est pas assurée dans un système où les grands médias sont contrôlés par une poignée de multi-millionnaires qui s’en servent pour promouvoir leurs intérêts – contre ceux de la grande majorité de la population.

Alessandro Villari (Pas touche au Venezuela !, en Italie)

Voir ci-dessus