Une politique fiscale au service du capital privé
Par Lio Buenafonte le Mercredi, 27 Décembre 2006 PDF Imprimer Envoyer

Début septembre, on apprenait que l'Administration fiscale, à la suite d'une erreur informatique, avait surévalué les recettes fiscales de près de 900 millions d'euros ! Pas de quoi s'inquiéter selon le ministre des Finances, qui annonce que le budget 2006 et le budget 2007 seront en équilibre. Mais comment ces "beaux" équilibres seront-ils atteints ? Malgré des discours rassurants, il apparaît clairement que ce seront une fois de plus les travailleurs qui devront se serrer la ceinture et mettre la main à la poche. Dans le même temps, les cadeaux fiscaux pour les nantis se multiplient.

Une petite erreur isolée ? 

Très rapidement après que le "scandale" du trou de 900 millions d'euros dans le budget 2006 soit révélé, les discours officiels se sont voulus rassurants en rappelant que les pouvoirs publics belges ne perdent pas d'argent dans cette "affaire" (argent indûment réclamé) et en parlant d'une "petite" erreur informatique sans grandes conséquences pour le contribuable belge.  

Mais plus qu'une bourde informatique, il s'agit surtout d'une énorme erreur dans l'évaluation des rentrées fiscales. Le bel équilibre budgétaire présenté en juillet dernier est remis en question et il faudra, d'une manière ou d'une autre, corriger cette surévaluation. 900 millions d'euros, ce n'est pas rien, surtout quand il s'agit de boucler le budget 2006 et de réaliser celui de 2007 pour mi-octobre. A cet instant, on peut rappeler que  la nouvelle régularisation fiscale - consistant à donner la possibilité au contribuable d'effectuer une déclaration spontanée, relative à des revenus qui n'avaient pas été déclarés et donc favorisant les fraudeurs - a rapporté moins de 10 millions d'euros à l'Etat, alors que la prévision était de l'ordre de 250 millions d'euros de rentrées pour 2006 ! Cette erreur n'est donc ni petite, ni isolée. 

Une erreur sans conséquences ?  

C'est avec une certaine nonchalance que Didier Reynders annonce que pour atteindre l'équilibre, il suffira de vendre quelques biens immobiliers de plus. Si ce choix est un moyen efficace pour trouver des ressources supplémentaires à court terme, vendre un bien public pour le louer par la suite est totalement inefficace et incohérent dans une perspective à plus long terme. Cela signifie que chaque mois, et ad vitam, l'Etat et donc les contribuables belges, devront payer un loyer aux nouveaux propriétaires des immeubles. Bref, ce choix revient tout simplement à faire payer aux travailleurs une rente supplémentaire aux détenteurs de capitaux.  

Mais cette "erreur" va également signifier la compression de certaines dépenses publiques.   Freya Van den Bossche, ministre du Budget a demandé à chacune des entités du pays de faire preuve de responsabilité budgétaire, en ne dépensant pas l'entièreté des moyens qui leur ont été accordés. Ainsi, le département Santé publique devra dépenser 20% de moins que ce qui avait été initialement budgétisé. Une erreur sans conséquence, ben voyons !  

Une logique fiscale au service du capital privé  

Inlassablement, on nous rappelle que les impôts sont trop élevés et qu'ils sont responsables de la crise économique et du chômage. Pour stimuler les investissements, la croissance et donc l'emploi, il faut absolument réduire les impôts. Mais on n'oublie de dire que les baisses d'impôts choisies profitent essentiellement aux couches les plus aisées: diminution de la progressivité de l'impôt des personnes physiques, diminution de l'impôt sur les bénéfices des entreprises, aucun impôt sur les plus values boursières et quasi inexistant sur les fortunes, régularisation fiscale, amnistie fiscale, etc.

Par ailleurs, cette tactique est bien connue et largement appliquée par les néolibéraux. Dans un premier temps, on diminue les impôts (pour les riches), mesure assez "facile" à faire passer car l'idée générale est que tout le monde va un peu en profiter. Dans un deuxième temps, après avoir créé le déficit par cette diminution d'impôts, on dramatise la situation en affirmant que la population vit au dessus de ses moyens. Dans l'impossibilité de recourir à l'endettement public, critères de Maastricht obligent, il est alors impératif d'appliquer l'austérité budgétaire et de diminuer fortement les dépenses publiques. Conséquence directe, les services publics sont sous financés et fonctionnent "mal", ce qui augmente fortement la pression à leur privatisation, pour le plus grand plaisir des capitalistes.

Cette logique, encore présente dans les déclarations récentes de Didier Reynders concernant le Budget 2007, poursuit l'objectif politique de la marchandisation du monde et d'une constante diminution du rôle de l'Etat dans l'économie. Cette logique profite doublement aux capitalistes. Ces derniers voient leurs impôts diminuer et leurs opportunités de profit augmenter via le rachat d'entreprises publiques. Dans le même temps, les travailleurs voient diminuer leur accès à des services publics de qualité tout en contribuant de plus en plus à la socialisation de la richesse produite.

Alors que le gouvernement belge met en place des régularisations fiscales qui récompensent les fraudeurs, la régularisation des sans-papiers quant à elle, se fait toujours attendre. Une liberté totale pour les capitaux privés, et des centres fermés pour les victimes de la mondialisation, telle est la logique du gouvernement en place.

Voir ci-dessus