Dossier : La gauche radicale européenne à un tournant
Par LCR-Web le Mercredi, 11 Juillet 2007 PDF Imprimer Envoyer
Les élections législatives belges ont notamment été marquées par l’échec de présenter une alternative à la gauche de la social-démocratie et des Verts et par les scores une fois de plus modestes de la gauche anticapitaliste. Nous publierons prochainement plusieurs éléments de bilan sur ces résultats afin d’en dégager des perspectives. La LCR poursuit également cette réflexion au sein d’Une Autre Gauche (UAG). Ailleurs en Europe, dans des contextes distincts, les mêmes questions se posent et il est utile de connaître les termes des débats. Car le bilan est pour le moins contrasté à côté d’expériences unitaires réussies, comme au Portugal (voir ici) ou au Danemark (voir ici) d’autres traversent des crises importantes ou peinent à émerger. Dans ce dossier, nous avons rassemblé une série de textes concernant les expériences ou les tentatives dans quatre pays clés européens; l’Etat espagnol, la Grande-Bretagne, l’Italie et la France. Nous publierons également prochainement des analyses sur la fondation de Die Linke en Allemagne.

 

Etat espagnol : Notes pour le débat sur la refondation de la Gauche

Ce texte est issu d’une intervention orale réalisée à Madrid le mardi 26 juin 2007 dans un débat organisé par l’Appel « Refonder la gauche - Construire la République » auquel l’auteur a participé. Jaime Pastor est membre du Conseil confédéral d’Izquierda Unida (IU) et membre d’Espacio Alternativo, organisation qui rassemble les camarades de la IVe Internationale dans certaines régions de l’Etat espagnol et dont une partie des militant/es sont également adhérents à Izquierda Unida.

Par Jaime Pastor

1. Avant tout, je crois qu’il est nécessaire de rappeler, plus que par le passé, la nécessité de regarder les choses avec des « lunettes globales » et de penser aussi globalement dans la période historique dans laquelle nous vivons. En résumé, et à grands traits, on peut affirmer que, malgré la crise de légitimité qui touche le capitalisme néolibéral dans certaines régions et secteurs sociaux du monde, nous nous trouvons toujours dans la période historique ouverte en 1989 : celle d’une hégémonie dominante qui refoule comme non crédible, non viable et non réalisable n’importe quelle alternative de rupture avec la mondialisation néolibérale.

Cependant, la crise de ce « modèle », du moins tel qu’il est promu sous les auspices des néo-conservateurs étasuniens, est pourtant très claire à la lumière des difficultés que l’impérialisme US rencontre aux niveaux géopolitique (Proche-Orient, Amérique latine) et financier (dépendance du commerce extérieur), tout comme par la crise écologique et politique que génère cette nation. Ainsi, notre préoccupation centrale devrait être d’éviter que la crise de cette « globalisaton made in US » ne soit pas résolue par un simple rééquilibrage inter-impérialiste au détriment des travailleurs et des peuples du Sud mais bien par l’aggravation des contradictions du système afin de remettre à l’horizon du possible un projet anticapitaliste et socialiste.

2. Les résistances et les processus de rupture, du moins partiels, auquel est confronté le « nouvel impérialisme » atteignent des niveaux significatifs sur d’autres continents, mais en Europe, ils sont beaucoup plus limités. Notamment à cause de l’écart entre le potentiel anti-systémique de mouvements comme le mouvement altermondialiste d’une part, et leur faiblesse à passer sur le terrain politique afin d’à la fois contribuer à la refondation d’une gauche radicalement distincte de celle qui se limite à accompagner l’ordre dominant et de contre-balancer les projets politiques qu’une droite pure et dure veut imposer actuellement.

Cette absence d’opposition renforce d’ailleurs cette droite à avancer sans complexe. Il faut donc lui opposer une gauche également sans complexe qui fasse front au néolibéralisme, à la « nouvelle guerre permanente » et au racisme, une gauche qui met au premier plan la nécessité d’un changement de cap radical en donnant la priorité aux mouvements sociaux et à ses organisations. Une telle option est nécessaire au regard des résultats de la gauche réformiste qui, en privilégiant la « culture de gouvernement » contre la « culture des mobilisations » a connu une droitisation croissante sans pour autant empêcher ni inverser les rapports de forces entre capital et travail.

3. La ligne de démarcation gauche-droite, liée en termes conventionnels à la question sociale, continue à influencer le comportement électoral, mais d’autres lignes de démarcation acquièrent une importance significative. Celle liée à la nouvelle « culture de sécurité » en conflit avec la population de travailleurs immigrés (économiquement sur-exploitée et socialement et politiquement exclue) ; celle qui lie la croissance économique au « capitalisme populaire » incarné par la bulle spéculative financière et immobilière contre ceux qui se dressent contre les dégradations écologiques et la corruption ; celle, enfin, plus spécifiquement liée au cas espagnol, qui tourne autour de l’identification citoyenne avec l’un ou l’autre nationalisme, qu’il soit espagnol ou « périphérique ». Le poids de ces diverses lignes de démarcations est inégal mais en général elles exercent une influence certaine sur les déplacements à droite d’amples secteurs sociaux tandis que d’autres expriment une grande volatilité entre le vote et l’abstention, ces derniers étant souvent des secteurs se situant à gauche.

4. De plus, dans le cas espagnol se combine l’héritage de la culture « anti-politique » de la dictature franquiste et de l’expérience d’une transition démocratique frustrée. Cette combinaison explique en partie notre déficit par rapport aux plus amples processus de reconstruction de la gauche et des mouvements sociaux dans d’autres pays voisins. La culture anti-franquiste n’a pu cimenter un socle commun tout au long de ces trente dernières années. Si nous ajoutons à cela les transformations socio-économiques récentes, qui ont intégré le pays au « centre » impérialiste », il est facile de comprendre que les tentations de l’auto-identification et du blindage des positions acquises faces aux autres organisations sont très fortes et se soldent, comme c’est le cas aujourd’hui, par un déficit de la solidarité de classe. De là provient également la montée en puissance d’une droite capable, elle, de combiner le néo-conservatisme, le néolibéralisme et des concessions populistes.

Malgré tout, le potentiel de luttes et de résistances dans notre « pays de pays » s’exprime périodiquement avec force. Nous avons tous les exemples en tête ; les mobilisations pour quitter l’OTAN, la grève générale du 14 décembre 1988 ou, plus récemment, les manifestations contre la guerre du 15 février 2003 et du 13 mars 2004. Mais aucune de ces mobilisations de masses n’a connu un débouché en termes organisationnels ou de culture anti-hégémonique.

5. Un de nos grands problèmes est ainsi de chercher un ancrage social parmi les travailleurs et la jeunesse au travers de la reconstruction d’espaces de rencontre et de convergence entre les réseaux informels et formels. Pour cela, il faut à la fois éviter l’électoralisme et l’activisme à tout crin et à court terme, mais encore le réalisme du « moindre mal » et le fondamentalisme sectaire. Il faut voir les choses à moyen et à long terme en élaborant des agendas de recherches et d’action politique collectives. Il faudrait donc « avancer en questionnant » autour d’un projet de refondation d’une gauche anticapitaliste et alternative, étroitement associée au début d’un nouveau cycle de recomposition des mouvements sociaux capable de conquérir de larges secteurs sociaux.

6. Dans le cas espagnol, l’horizon politique que devrait pointer cette gauche devrait être de rendre crédible, viable et réalisable une réponse aux énormes déficits structurels de la transition démocratique. Et, en même temps, d’ouvrir un processus de rupture avec les politiques néolibérales en avançant un projet de socialisation du pouvoir et de satisfaction des besoins sociaux élémentaires.

Dans une telle stratégie, l’axe républicain peut jouer un rôle important à condition que, selon moi, il soit associé à la défense d’un fédéralisme de libre adhésion respectueux de la réalité plurinationale – et donc du droit à l’autodétermination des peuples qui le demandent - ainsi que par le choix d’une démocratie participative à tous les niveaux de la société. Ensemble avec ces thématiques, nous devrions nous efforcer de donner aux questions socio-écologique une centralité dans la lutte pour changer le panorama politique actuel. Autour de ces questions, et d’autres encore, il faudrait dégager des programmes d’action qui permettent d’articuler les campagnes et les initiatives entre mouvements politiques et mouvements sociaux.

7. Pour parler plus concrètement d’Izquierda Unida, le bilan de sa trajectoire depuis quelques année doit être très critique: à mon avis, IU a connu une mutation croissante qui l’a transformé en une force subordonnée à la « culture de gouvernance » et au gouvernement Zapatero, malgré quelques efforts isolés pour s’en détacher sur certaines matières. Dans des régions comme l’Euzkadi (Pays Basque, NDT), cette orientation a eu comme variante une adaptation à l’hégémonie du PNV (parti bourgeois nationaliste), ce qui a amené sa direction à traduire cette subordination y compris au niveau des municipalités (ce qui provoque la résistance de quelques conseillers d’IU). Cependant, le plus préoccupant est que, malgré les quelques effets électoraux (et médiatiques) que peuvent donner cette orientation, la crise d’orientation d’IU en tant que projet collectif anticapitaliste, rouge-vert-violet et républicain est chaque fois plus visible. Parce que tous ces objectifs qui fondaient son identité initiale ne sont plus aujourd’hui que pure réthorique ; qu’ils ont été remplacés par le seul instinct de survie institutionnel devenu une fin en soi au lieu d’être un moyen afin d’impulser des politiques transformatrices des rapports de forces.

L’identité d’IU comme un « mouvement politico-social » n’est également plus crédible ; la vie interne se limite presque partout aux seules instances de direction et à la recherche de majorité de circonstance dans les luttes contre les minorités contestatrices dans les différentes Fédérations. La crise des Asturies (*) est simplement l’expression maximale de ces tensions. Bien entendu, je ne peux affirmer que tout est absolument perdu dans IU, mais je peux par contre affirmer que la mutation qu’a connue cette formation politique a été tellement loin qu’on ne peut plus espérer une refondation de gauche au sein d’IU. Aujourd’hui, la centralité de cette tâche doit être dans la reconstruction des mouvements sociaux, dans la recherche de nouvelles formes de rapports entre le social et le politique, entre la gauche sociale et la gauche politique et dans des formes d’organisation qui permettent le dialogue et le partage dans la diversité mais avec l’objectif conscient de trouver un chemin différent de celui de la subordination à la social-démocratie et au social-libéralisme.

8. Pour cela, il sera nécessaire d’avancer vers une convergence entre les secteurs critiques à l’intérieur d’IU face à l’orientation de la direction fédérale et ceux qui, de l’extérieur de cette organisation, prennent le pari de refonder une autre gauche. Pour l’instant, je ne pense pas que cet objectif puisse se concrétiser formellement mais on peut par contre impulser des forums et des espaces de réflexion, toujours en rapport avec le travail militant commun vu que, comme un représentant des nouvelles générations l’a fait remarquer ; « on apprend beaucoup plus avec les manières et les styles de faire les choses qu’avec les textes et les discussions ». Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de nous étendre sur l’urgence de tout cela.

(*) NDT : La direction régionale d’IU – qui soutien le gouvernement asturien du PSOE - a exclu plusieurs centaines de membres contestataires, notamment suite à des affrontements physiques pour le contrôle des locaux dans la capitale des Asturies, Oviedo. IU-Asturies porte également une lourde responsabilité dans la condamnation à trois ans de prison de deux syndicalistes de combat. Voir ici

Paru dans Viento Sur

Traduction par LCR-Web


Grande-Bretagne: Opportunités perdues pour construire RESPECT

En Angleterre, une coalition socialiste et pluraliste a été fondée en janvier 2003 à Londres, à l’issue d’un congrès regroupant près de 1500 militants. Son nom: Respect — the Unity Coalition. R.E.S.P.E.C.T. est aussi un acronyme, il signifie : Respect, Égalité, Socialisme, Paix, Environnementalisme, Communauté et Trade unionism (syndicalisme). Aux élections locales de mai 2006, Respect a gagné 17 élus. Dans cet article, les camarades du journal (et du courant) Socialist Resistance , évoquent les difficultés de développer Respect comme une véritable organisation politique.

Par Socialist Resistance

L’investiture de Gordon Brown et de sa nouvelle équipe gouvernementale à la fin du mois de juin clôture une période de débats intéressants sur l’état de la classe ouvrière et de la politique en Grande-Bretagne. Mais il représente également une nouvelle opportunité perdue par la direction de Respect, qui a été passive et absente vis-à-vis de ce processus.

La Coalition Respect, qui est née afin de mener à bien la construction d’une large alternative politique à la gauche du blairisme, n’a pas été capable de saisir cette extraordinaire opportunité.Elle a ainsi perdu une occasion idéale d’amplifier son profil et de se présenter comme une alternative crédible face aux secteurs de gauche du New Labor Party et des syndicats qui avaient d’abord soutenu la campagne de John McDonnell (pour la direction parti travailliste, NDT) afin de donner une impulsion de gauche dans ce parti.

Il est vrai que McDonnell a participé à des débats organisés par Respect et qu’il a reçu un appui formel dans sa campagne, mais le fait que le changement de direction dans le Labor n’était pas à l’agenda de la réunion du Conseil National de Respect du 12 mai - et la joie avec laquelle des participants à cette rencontre ont évoqué le peu d’écho de la campagne de McDonnell, tout en annonçant pour la Xième fois la mort de la gauche travailliste – révèle toute l’indifférence qui règne dans cette direction par rapport à la tâche politique de gagner le meilleur qui existe dans cette gauche travailliste en faveur de Respect.

Dans cette réunion, les demandes et les propositions de membres et sympathisants de Socialist Resistance ont été ignorées. Ces demandes concernaient la nécessité que Respect produise un journal de type tabloïde élaboré spécialement afin d’intervenir dans le processus de changement à la tête du Labor et dans les débats à l’intérieur des syndicats (pour rappel, en Grande-Bretagne, la plupart des syndicats sont affiliés au Labor Party puisque ce sont eux qui ont historiquement créé ce parti, NDT). Il y a eut également des propositions de réunions et d’autres initiatives afin de définir le profil de Respect et d’êtres plus crédibles comme alternative. Mais le Conseil National les a ignorés et ne se réunira pas avant septembre.

Cet échec face à la nécessité de répondre à la nouvelle situation ouverte n’est pas accidentel. Il reflète les objectifs étroits et limités qu’imprime dans Respect la force politique la plus importante en son sein, à savoir le Socialist Workers Party (SWP).

Nous assistons à l’étrange spectacle d’une organisation qui a été délibérément confinée au niveau d’une « coalition » par un parti afin d’en faire un espace plus large que ce dernier mais qui est aujourd’hui rejetée par ce même parti comme n’étant pas suffisamment « large ».

De plus, tandis que les dirigeants nationaux de Respect se sont regardé le nombril depuis les élections locales (où Respect a obtenu quelques très bons scores, NDT), d’autres organisations de gauche ont pris des initiatives afin de s’adresser à une gauche travailliste désorientée afin de lui proposer des débats politiques. Dans ces débats il n’y pas eu l’ombre d’une intervention ni d’une réponse de la part de Respect.

« Compass », un conglomérat d’universitaires de centre-gauche pro-travaillistes, de députés, d’analystes et d’intellectuels, a rassemblé plus de 1.000 personnes dans une conférence nationale qui s’est tenue le 9 juin et intitulée “Shaping our global world”. Ce débat fait partie des initiatives prises par le réseau de militants qui continuent à considérer et à parier sur la nature de gauche du Labor Party.

Respect n’est pas intervenu, ce qui est une erreur vu que cette plate-forme offre un niveau très élevé de dialogue politique et qu’il pouvait servir de tribune pour ses politiques alternatives. Le problème de ces absences est que dans tous ces débats participent des secteurs de la gauche qui doivent êtres gagnés à la construction d’une nouvelle alternative politique. Le fait d’esquiver cette tâche ne permet pas de renforcer Respect ni de la construire parmi les activistes non organisés.

La page web de Respect démontre également cette orientation et cette faiblesse : la section « Evénement » contient seulement trois thèmes : une campagne de charité patronnée par le conseiller municipal de Respect Oliur Rahman ; une exposition d’art qui a débuté en juin et une exposition de BD!

Ce qui ressemble le plus à une réponse au débat au sein du Labor Party est un communiqué du 17 mai de George Galloway, peu après l’échec de la campagne de McDonnell. Galloway, de manière correcte, souligne qu’ « Il doit être clair pour tous dans la gauche que le principal terrain pour reconstruire une politique progressiste est en dehors du Labor Party. Au cours des prochaines semaines, nous allons tenter de débattre avec des personnes représentatives dans les syndicats, dans la gauche du Labor et dans le camp progressiste et devrions prendre des initiatives afin de réunir et unifier nos forces. Respect aspire à la construction de la gauche dans son ensemble et se considère comme partie intégrante de cette dernière. »

Mais, mis à part quelques contacts privés avec quelques leaders syndicaux pour impulser une série de meetings de « syndicats combatifs », il est évident que l’intervention dans les syndicats se mène sans conviction. Un bon communiqué sur la grève organisée par le syndicat CWU a été publié sur le site le 7 juin mais il ne traduit pas vraiment la volonté d’entrer en contact politique avec la gauche syndicale qui s’est rassemblée autour de McDonnell tandis que les grands leaders syndicaux se sont agenouillés devant Gordon Brown.

Socialist Resistance continue d’affirmer que Respect est toujours la seule base possible sur laquelle on peut construire à court et moyen terme une alternative large et active au blairisme. Mais la résistance obstinée du SWP à développer Respect comme une coalition qui agit et lutte comme un parti est en train de mettre en péril les acquis obtenus jusqu’à aujourd’hui, ce qui entrave le développement de l’organisation.

Nous sommes toujours convaincus que pour construire une authentique alternative politique large à la gauche du « New Labor », nous avons besoin de quelque chose qui aille plus loin que l’échec et la démoralisation de la gauche du travaillisme : nous avons besoin d’un leadership actif assumé par Respect afin d’intervenir et de mobiliser pour construire l’organisation.

Cela signifie qu’il faut saisir toutes les opportunités pour promouvoir les débats et les dialogues politiques avec les secteurs du mouvements syndical et des travailleurs qui sont les plus proches de nous, mais cela signifie aussi qu’il faut développer des politiques réelles et une vie politique réelle dans Respect.

Il reste à savoir si le SWP aura suffisamment de clairvoyance que pour affronter ce défi. Malheureusement, jusqu’à présent, sa vision étroite et limitée risque de réduire Respect à la marge de la politique britannique.

Traduction par LCR-Web


Italie : Nouvelle phase de la gauche

Par Salvatore Cannavò

La crise du gouvernement Prodi au mois de mars 2007 a joué un rôle d'accélérateur de la réorganisation de la gauche italienne. Nous présentons ici les principaux projets de la gauche italienne en cours de réalisation, qui vont la transformer fondamentalement au cours des prochaines années, si ce n'est en quelques mois. Cet article a été publié dans Inprécor, mai-juin 2007.

Parti démocrate

La naissance future du Parti démocrate est maintenant connue. Son lancement ne risque pas d'échouer sur les multiples contradictions internes qui le traversent, car il se nourrit de la poussée « unitaire » et de l'accord fondamental autour de la vision « libérale ». L'unité, aussi abstraite que profondément réclamée par une large part de l'électorat de centre gauche, qui craint surtout la droite et le « retour de Berlusconi » constitue en effet l'ingrédient essentiel permettant d'achever l'acte de transformation de la gauche provenant du Parti communiste italien.

Avec la naissance du Parti démocrate — dont le projet sera approuvé par les congrès des Démocrates de gauche (DS, issus de la majorité de l'ex-PCI) et de la Marguerite (démocratie chrétienne du centre-gauche) les 20-21-22 avril — les démocrates de gauche vont clore le processus d'adaptation au capitalisme, entamé depuis longtemps et sanctionné de manière symbolique avec la liquidation du PCI décidé par Occhetto en 1989.

Aujourd'hui on en arrive « finalement » au lancement de cette force libérale-démocrate, disposant d'une coloration progressiste, dont il est question depuis plus d'une décennie. Une force totalement social-libérale, disposant des votes d'une grande partie du monde du travail, sans que ce dernier en constitue l'axe central, car cette force sera sous la tutelle des intérêts d'une partie consistante de la bourgeoisie italienne, celle représentée par les grandes entreprises et les banques à vocation européenne.

Nouveau Parti de la gauche

L'autre projet, mois visible mais déjà en cours, finira sans doute par adopter le nom de « Parti de la gauche », version socialiste ou néo-social-démocrate. Il s'agit d'un projet encore peu connu, dont la grande presse commence seulement maintenant de parler, mais qui a déjà connu un début de réalisation au sein des groupes dirigeants de la gauche et qui, outre qu'il compte « gagner » l'espace libéré par la disparition des DS, sert à résoudre les trois crises différentes largement entrelacées.

La première crise provient de la défaite de l'aile gauche des DS. Au dernier congrès, le secrétaire Fassino l'a emporté sans mal avec le soutien de près de 75 % des mandats, alors que la gauche ne dépassait pas les 15 %. Ceux qui étaient opposés au projet du Parti démocrate ont été laminés et ne furent pas capables de trouver une riposte adaptée.

La seconde crise est celle du Parti de refondation communiste (PRC, appelé aussi Rifondazione), qui a trouvé dans ce projet un point d'appui — comme l'a clairement indiqué Fausto Bertinotti dans une interview à Liberazione (2) et comme la conférence d'organisation du PRC tenue fin mars l'a relancé — pour masquer l'impasse dans laquelle le PRC s'est fourvoyé lors de la crise du gouvernement Prodi, une crise qui a mis en évidence la faillite de la stratégie adoptée lors du dernier congrès de Venise.

Après Vicenza (une manifestation de plus de 100 000 personnes contre l'élargissement de la base militaire étatsunienne), après le vote sur l'Afghanistan (qui a vu le gouvernement Prodi l'emporter au Sénat, avec le soutien de la droite, malgré le vote contraire de Franco Turigliatto (3) et la non-participation de plusieurs autres sénateurs de la gauche), après près d'un an de gouvernement Prodi, les trois hypothèses qui étayaient le projet majoritaire lors du congrès n'ont pas été vérifiées :

— l'idée que les rapports de forces pouvaient permettre un gouvernement de « Grande Réforme » a été pulvérisée par le résultat électoral du 9 avril 2006, qui a fait apparaître un pays coupé en deux et dans lequel les forces de gauche sont clairement marginalisées (ne représentant que 26 % à 27 % de l'électorat) ;

— l'idée que le centre-gauche avait changé depuis 1996 (l'année du premier gouvernement Prodi, avec exactement les mêmes forces politiques — à l'exception de Rifondazione — et quasiment les mêmes hommes) a été immédiatement démentie par l'action du gouvernement (qui a appliqué la recette libérale classique du financement des entreprises, réalisé des coupes sombres dans les budgets sociaux et augmenté les dépenses militaires) ainsi que par la formation du Parti démocrate que nous avons déjà mentionné ;

— l'idée de la « perméabilité » au conflit social du gouvernement Prodi a été finalement définitivement enterrée le soir du 17 février, lorsque face à l'énorme manifestation de Vicenza contre la construction de la nouvelle base militaire étatsunienne Prodi a répondu « la base se fera de toute façon».

La faillite du gouvernement

La troisième crise, c'est la crise gouvernementale. Apparue au grand jour du fait des facteurs différents, tels le conflit autour de la base militaire de Vicenza et le comportement des vieux démocrates-chrétiens comme Andreotti et Cossiga, elle prend sa source dans les désillusions et le désenchantement de l'électorat du centre-gauche.

Le gouvernement Prodi a très rapidement balayé de nombreuses attentes que sa victoire avait suscitées. Nous avions pu voir un certain degré de désillusion dès les sifflets de Mirafiori (4). Mais le cas de Vicenza, avec l'attitude sourde et aveugle de Prodi et de d'Alema, a clairement manifesté la prise de distance.

Aucune des composantes du futur Parti de la gauche n'a pour autant voulu tirer un bilan de cette réalité. Elles ont fait le choix d'appuyer inconditionnellement le gouvernement, y compris en ce qui concerne ses missions de guerre, et ont redécouvert la valeur de la « realpolitik » et de la survie de la classe politique au détriment des attentes et des espoirs jaillis à Porto Alegre et à Gênes (5).

Ceux qui se sont soustraits à ce schéma et à cette logique politique (comme c'est le cas de Franco Turigliatto), ont été immédiatement classés dans la catégorie de « politique de témoignage », « pure et dure » mais incapable de quelque efficacité. Ils démontrent pourtant, par contraste, la dégénérescence dans laquelle est entrée la gauche actuelle.

Une autre gauche

A notre avis, si la gauche alternative veut répondre à cette crise, elle doit rester ancrée dans les valeurs fondatrices et ne doit pas renoncer à la radicalité anticapitaliste. Ceux qui disent que le refus des compromis et des médiations favorise le retour de la droite et de Berlusconi (6) se fourvoient. En réalité c'est en favorisant les politiques guerrières et antisociales qu'on facilite vraiment la revanche de la droite. D'ailleurs, un an seulement après la victoire électorale de 2006 contre la droite, beaucoup des sondages indiquent que si les élections avaient lieu aujourd'hui, la droite l'emporterait avec 55 % des suffrages.

Nous nous opposons donc, et nous l'avons exprimé publiquement, au énième réarrangement des classes politiques, toujours pareilles et ne changeant jamais. Nous ne sommes pas disponibles pour notre part à reprendre la route du « compromis social » en faveur duquel le futur Parti de la gauche s'est déjà prononcé, tentant de clore l'anomalie que représentée par Refondation communiste sur la carte politique italienne. Il s'agit d'une clôture tant sur le plan du contenu que sur celui du centre de gravité que l'on veut donner à la gauche : enfermée dans la perspective du gouvernement, fondée sur une logique de médiation, incapable de penser une alternative à la gauche libérale. Si le Parti démocrate veut définir un bloc moderne de la bourgeoisie démocratique et progressiste, visant à gouverner avec des votes populaires, le Parti de la gauche (nom qui fait référence au Die Linke allemand) qu'imaginent Bertinotti et Mussi (7), Diliberto (8) et Boselli (9) ressemblera à une nouvelle social-démocratie au sein de laquelle cohabiteraient les socialistes « réformistes » et les socialistes « maximalistes » (10), comme au début du XXe siècle.

Pour notre part, nous disons non à cette perspective et nous nous disposons à relancer la construction d'une Gauche alternative. Alternative face à aux droites, mais aussi alternative face au centre-gauche de gouvernement, au centre-gauche modéré, au centre-gauche qui vote en faveur du compromis social.

La Gauche alternative devra être avant tout opposée à la politique actuelle, celle de la guerre et du libéralisme. Cela signifie qu'elle ne votera pas la guerre. Qu'elle ne votera pas la « contre-réforme » des retraites, qu'elle ne votera pas les grandes œuvres de destruction de l'environnement ; de même elle ne s'abaissera pas à des compromis avec les revanchards de la hiérarchie vaticane. La gauche alternative est « sans si et sans mais » (11). Nous avons tenté de la représenter au cours de ces derniers mois au Parlement, ce qui a provoqué un grand débat et nous a valu des mesures disciplinaires — comme l'expulsion de Franco Turigliatto du PRC — mais a aussi provoqué une discussion et une grande clarification au sein du PRC.

Seule une Gauche alternative prend pour point de départ les luttes et les mouvements sociaux et c'est sur cette base qu'elle entend reconstruire un projet de recomposition sociale, et donc de recomposition politique.

Dans l'immédiat, parler de la Gauche alternative signifie construire « l'opposition sociale » au gouvernement Prodi. La décision d'accorder au Sénat une « confiance technique » à ce gouvernement (alors qu'à la Chambre nous ne l'avons pas voté) ne signifie nullement un recul mais une accentuation de cette attitude. L'Italie de gauche vit actuellement dans une paranoïa du retour de la droite et de la revanche de Berlusconi : une force de gauche conséquente ne peut pas devenir le paratonnerre de cette situation et peut, sans faire des calculs, choisir le gouvernement auquel s'opposer. C'est cette ligne qui nous a guidés lorsque nous avons annoncé « l'appui extérieur », en indiquant clairement que le gouvernement sera jugé sur chaque mesure et sur chaque acte qu'il fera. A commencer par le vote contre le financement de la « mission » militaire en Afghanistan, que nous avons exprimé le 27 mars, lorsque au Sénat Franco Turigliatto fut le seul à gauche à refuser d'appuyer le projet militaire.

Nous devons donc affronter aujourd'hui de manière constructive une nouvelle phase, à commencer par la consolidation de l'Association Gauche Critique en tant qu'instrument pour entamer un nouveau processus de recomposition et pour reconstruire dans ce cadre une gauche anticapitaliste alternative à la gauche existante.

La fin du cycle de Rifondazione

Tout cela ouvre évidemment un énorme problème au sein de Rifondazione comunista, qui s'apprête à changer sa propre perspective politique.

Nous pensons que le cycle de Rifondazione s'achève et que ce parti a épuisé son parcours. La décision de dépendre des choix du gouvernement, de voter la guerre, de recourir à l'ancienne méthode des expulsions et des épurations (et aussi du lynchage politique et moral), celle d'entamer en même temps la constitution d'un nouveau sujet politique, dont la fondation de la Gauche européenne ne constitue que la première étape, sont les caractéristiques indiquant la fin de ce cycle. Une nouvelle phase est ainsi ouverte.

Certes, Rifondazione n'a pas été le sujet révolutionnaire que nous voulons construire. Ce fut plutôt un processus de résistance sociale et politique en mesure de faire décanter une phase nouvelle. C'est ce qui s'est produit en partie. Mais en partie seulement.

Le Parti de la refondation communiste peut se revendiquer d'un mérite historique. Celui d'avoir maintenu une perspective communiste dans une phase caractérisée par la dépression et les abandons de la part des vieilles avant-gardes du mouvement ouvrier. Mais il n'a pas réussi à renverser la tendance, et cela même en s'engageant de manière importante dans le mouvement contre la mondialisation capitaliste. Il n'a pas réussi à non plus à réaliser un saut qualitatif dans son enracinement social qui lui aurait permis de devenir le sujet des victoires sociales, ne serait-ce que partielles, de manière à incarner une contre-tendance, un symbole du possible renversement des rapports de forces sociales. Cette limite-là est bien visible au travers de son absence d'influence syndicale. Rifondazione ne sort pas renforcé de cette période de résistance — il suffit de voir le niveau de son activité militante, sa capacité de mobilisation, l'état de ses cercles, la diffusion de son journal, etc.

Le projet de la refondation communiste a subi une défaite aussi à cause de sa fragilité et parce que les différents groupes dirigeants de ce parti — depuis Magri (12) jusqu'à Cossutta, sans oublier Bertinotti — n'ont jamais été capables de rompre avec leur ancrage réformiste. Au cours de ces quinze années, la direction du parti a cherché son inspiration dans les conceptions de l'aile gauche, « ingraiane » (13) du vieux Parti communiste italien. Même l'idée d'un politique « mouvementiste » — liée aux syndicats et aux associations importantes en vue de développer les luttes sociales — était comprise par la majorité de la direction du PRC comme devant aboutir à la perspective d'un gouvernement réformiste intégré dans l'État capitaliste. Leur conception de l'unité de la gauche était également conçue dans le cadre de cette perspective stratégique. Avec le gouvernement Prodi, cette hypothèse est revenue avec force et constitue maintenant le fondement du projet du nouveau parti de gauche, malgré le refus de Prodi de toute réforme progressiste…

Le PRC ne semble pas être capable, s'il ne se dépasse pas lui-même, de proposer une nouvelle phase. Aux yeux de la majorité du parti, c'est justement ce dépassement que doit permettre son principal projet, c'est-à-dire la Gauche européenne qui n'est qu'une étape vers le nouveau Parti de la gauche. Ce projet est présenté comme la poursuite de l'esprit de la refondation.

Mais cette nouvelle étape-là a cessé d'être anticapitaliste de manière conséquente et n'est plus une alternative envers la gauche libérale. La logique du gouvernement — le véritable obstacle dans cette phase à la construction d'une gauche de classe — a introduit une série de compromissions qui constituent une rupture avec la tradition et l'histoire du PRC.

La Gauche critique pour une gauche alternative

Si Rifondazione a conclu son cycle et s'il a, substantiellement, échoué dans son but de recomposer une gauche de classe et anticapitaliste, nous en tirons aujourd'hui la conclusion que cet objectif doit être recherché en suivant de nouveaux chemins.

Il s'agit d'un objectif très difficile à atteindre, et il est rendu encore plus ardu du fait de la faillite de la refondation que nous venons de connaître. A ce propos, il ne faut pas se faire d'illusions : une défaite de la gauche produit des nouvelles démoralisations et des reculs en particulier en absence d'une alternative claire. Être en mesure de maintenir une perspective de construction d'une gauche anticapitaliste est néanmoins indispensable si nous voulons conserver des références et des pratiques offrant à l'anticapitalisme conséquent son point d'appui.

Les formes que prendra cette nouvelle phase ne sont pas prévisibles. Elles suivront probablement le cheminement traditionnel de la gauche. En ce qui nous concerne, nous pensons que la réorganisation doit d'abord se produire sur les mots d'ordre centraux et sur les contenus, avant de se doter de formes organisationnelles. Ce qui est certain, c'est que nous n'entrerons pas dans une force néo-social-démocrate et que nous maintiendrons en vie l'option d'une gauche anticapitaliste, écologiste, féministe, internationaliste. C'est l'axe du travail de construction que nous nous donnons. En construisant le mouvement et les luttes sociales, en accumulant des expériences, vers une avant-garde en positif, autour d'un projet partagé.

C'est pour cette raison que nous avons pris la décision de fonder la nouvelle association Gauche critique qui lors de sa dernière coordination est devenue « La Gauche critique, une association pour la Gauche alternative ». La Gauche critique a été un courant anticapitaliste né dans la bataille du dernier congrès du PRC. Sa construction en tant que sujet politique constitue aujourd'hui notre priorité, mais nous aspirons à pouvoir réaliser un projet d'une gauche plus large, qui n'existe pas encore, qui sera une véritable alternative de classe face au néolibéralisme.

Car la construction d'un nouveau moyen d'initiative politique — d'un « sujet politique » comme nous aimons dire en Italie — ne signifie pas que l'espace de la gauche anticapitaliste se réduise à cela. La difficulté de la phase sociale, les limites du mouvement, la stagnation du conflit entre les classes, la poursuite de la crise du mouvement ouvrier imposent toujours la nécessité d'agir sur le terrain de la recomposition politique. Le fait que cela soit plus difficile aujourd'hui que dans le passé n'exclut pas que notre axe de travail soit encore l'affirmation d'une gauche anticapitaliste, vaste, plurielle, démocratique, féministe, environnementaliste et internationaliste.

Centralité de la recomposition sociale

Il s'agit d'un projet qui concerne toute la gauche en Europe, délaissée par la Gauche européenne et par sa stratégie d'alliance organique avec la social-démocratie, en sachant que la recomposition nécessaire doit avoir, plus clairement qu'au début des années 1990, une marque de classe anticapitaliste très nette. Immédiatement après la chute du mur de Berlin et la décomposition de l'URSS l'idée dominait qu'il fallait « résister » et rassembler les avant-gardes communistes liées à une dimension de classe et désireuses d'entamer un processus de clarification politique et programmatique. Cette phase est achevée.

Aujourd'hui le processus de recomposition peut se servir de certaines expériences importantes — l'italienne, la brésilienne et sur d'autres terrains les cas français et anglais (il vaut la peine de noter qu'il s'agit là des quatre pays les plus engagés et influents dans le mouvement altermondialiste). La question du gouvernement dans un pays capitaliste et/ou impérialiste apparaît comme décisive : la sous-estimer après ce qui est arrivé au Brésil et en Italie peut être mortel ! C'est ce débat que devra affronter la gauche anticapitaliste européenne — que Rifondazione n'a pas quittée par hasard — en ayant aujourd'hui l'occasion de faire un saut qualitatif, non tant sur le terrain du débat mais surtout sur celui de l'initiative politique et sociale. La Gauche critique sera heureuse de se mettre à disposition pour cela.

De la faillite du projet refondateur émerge cependant la centralité d'un processus de recomposition sociale rénovée. Et la question syndicale est sur ce terrain la plus ouverte. Nous devons avoir une réflexion adéquate à ce sujet, car sans un projet ne serait-ce que partiel d'enracinement et de recomposition sociale il n'y aura pas de reconstruction d'une gauche de classe. Il faut aussi poursuivre la réflexion sur le mouvement altermondialiste, sur la crise particulière qui se manifeste aujourd'hui entre la politique organisée, souvent composée des classes politiques professionnelles, et la société, de manière à mieux définir ce que devraient être des avant-gardes politiques et sociales. Il s'agit d'un processus de réflexion qui rend nécessaire pour la gauche révolutionnaire une nouvelle phase « d'apprentissage social » en vue de reconstruire l'enracinement et l'intégration dans ces processus.

Salvatore Cannavò est député, membre du Comité International de la IVe Internationale, et un des animateurs de l'Association Sinistra Critica (Gauche Critique) en Italie. Traduit de l'italien par J.M.

Notes :

1. Fausto Bertinotti, qui a laissé la place du secrétaire du PRC en devenant président de la Chambre des députés, continue à diriger le parti. Liberazione est le quotidien du Parti de la refondation communiste (PRC).

2. Franco Turigliatto, sénateur de la Gauche critique, a été expulsé du PRC après avoir refusé de voter au Sénat en faveur de la guerre menée en Afghanistan et en faveur de la nouvelle base militaire étatsunienne à Vicenza. En solidarité avec lui, Salvatore Cannavò a annoncé son auto-suspension de la direction du parti.

3. Les ouvriers de Fiat ont sifflé les dirigeants des trois confédérations syndicales — la CGIL, la CISL et l'UIL — après que ces centrales syndicales eurent signé un accord avec le gouvernement sur la réforme des retraites et après le soutien des confédérations à la loi de finances.

4. Allusion aux premiers Forums sociaux mondiaux et à la grande manifestation internationale contre le G-8 à Gênes en juillet 2001, manifestation où les militants du PRC ont joué un rôle dirigeant.

5. C'est devenu une véritable obsession de la gauche « officielle » italienne, confirmée par la réponse donnée par Bertinotti aux étudiants qui l'ont contesté à l'université de Rome : « qui se met en dehors du compromis, se met en dehors de la politique » a-t-il péroré.

6. Fabio Mussi est le leader du principal courant de la gauche des DS. Ministre de l'Université et de la recherche depuis mai 2006.

7. Oliveiro Diliberto est actuellement secrétaire du Parti des communistes italiens (PdCI), un parti fondé par Armando Cossutta après que ce dernier a quitté le PRC en octobre 1998, lorsque la direction du PRC (avec le soutien des camarades qui fonderont bien plus tard la Gauche critique) décida de retirer son soutien au premier gouvernement Prodi, le faisant ainsi tomber.

8. Enrico Boselli est président et leader national du petit parti socialiste, les Socialistes démocratiques italiens (SDI), et fut membre du groupe socialiste au Parlement européen en 1999-2004.

9. Les maximalistes furent un courant du socialisme italien fondé en 1919 par Giacinto Menotti Serrati. Il soutenait verbalement les objectifs anticapitalistes et révolutionnaires du socialisme, mais dans les faits menait une politique réformiste privilégiant l'activité parlementaire.

10. Allusion aux slogans du mouvement pacifiste, particulièrement massif en Italie, exigeant le retrait inconditionnel — c'est-à-dire sans « si » et sans « mais » — des troupes italiennes de l'Irak et de l'Afghanistan...

11. Lucio Magri, journaliste et homme politique italien, collaborateur du quotidien Il Manifesto, a fait partie du PRC de 1991 à 1995, lorsqu'il l'a quitté pour fonder le Mouvement des communistes unitaires.

12. Du nom de Pietro Ingrao, qui fut après la seconde guerre mondiale l'indiscutable référence du courant « marxiste-léniniste » au sein du PCI, puis le dirigeant de son aile gauche officielle. Après être passé du PCI au PDS en 1991 en suivant la majorité, il a fini par adhérer au PRC en 2004.

Site internet de l’Association Sinistra Critica, courant de Gauche critique semi-autonome dans le PRC animé par nos camarades italiens : http://sinistracritica.org


Refondation communiste : repères chronologiques

— Novembre 1989 : Trois jours après la chute du mur de Berlin, le secrétaire du Parti communiste italien (PCI), Achille Occhetto, annonce qu'il faut un nouveau parti à la place du PCI.

— Mars 1990 : Au XIXe congrès du PCI, l'orientation d'Occhetto obtient 67 % des mandats. Il s'agit de passer du PCI à une sorte de parti progressiste dont l'orientation serait de « ne pas opposer les anti-démocrates-chrétiens aux anti-communistes » mais de les unir. Deux tendances opposées apparaissent ; l'une autour d'Ingrao et de Natte obtient 33 % en refusant le changement de nom et l'autre, autour d'Armando Cossutta, plus radicale et revendiquant la tradition communiste (mais non le stalinisme), obtient 3 %.

— Janvier 1991 : Le congrès du PCI adopte le changement de nom et la fondation du Parti démocratique de gauche (PDS). Une minorité, conduite par Cossutta et Sergio Garavini, comptant 11 sénateurs et 3 députés, scissionne et s'engage dans la formation du Mouvement de refondation communiste.

— Mai 1991 : Premières assises nationales du MRC. Aux élections locales ses candidats obtiennent en moyenne 2,6 %, mais sans être présents dans l'ensemble des localités. Dans certaines agglomérations ouvrières, le score du MRC dépasse les 10 % et dans une sa liste dépasse celle du PDS.

— Octobre 1991 : Une manifestation nationale du MRC contre la loi de finances réunit 50 000 personnes à Rome, « l'opposition est de nouveau dans la rue » affirme le MRC.

— Décembre 1991 : Congrès de fondation du Parti de la refondation communiste, auquel participent outre les militants issus du PCI, ceux provenant de Démocratie prolétarienne, des diverses organisations trotskistes, etc. 1 178 délégu-é-s (un délégué pour 100 membres), dont 532 sont d'anciens membres du PCI et 113 d'anciens membres d'autres partis.

— Avril 1992 : Aux élections, le PRC obtient 5,6 % de voix pour la Chambre des députés et 6,5 % des voix pour le Sénat (il faut avoir dépassé les 25 ans pour pouvoir voter aux sénatoriales, c'est donc un électorat plus âgé). Avec 35 députés et 20 sénateurs, le PRC va compter sur la scène politique italienne. Aux élections européennes de 1994, le PRC obtiendra 6,1 % des suffrages.

— Mars 1995 : Quinze députés du PRC votent la loi de finances néolibérale du gouvernement « technique » de Lamberto Dini (qui parvient à commencer la contre-réforme des retraites !), ce qui provoque une crise dans le parti. En juin 1995 ils scissionnent avec Garvini et Lucio Magri pour fonder le Mouvement des communistes unitaires, qui intégrera le PDS.

— Avril 1996 : Pour faire face à une loi électorale qui n'autorise l'élection à la proportionnelle que d'un quart des députés, le PRC passe un accord de désistement avec l'Olivier (une coalition formée par le PDS et le centre démocrate-chrétien notamment). Il obtient 8,6 % des suffrages, 35 députés et 11 sénateurs. Ses élus soutiennent de l'extérieur le gouvernement de centre-gauche dirigé par Romano Prodi. Mais dès fin juin 1996 ils se considèrent comme partie prenante de la majorité parlementaire…

— Décembre 1996 : Au congrès du PRC un texte d'opposition — qualifié de « trotskiste » même si la moitié des dirigeants qui l'ont signé proviennent de la tradition du PCI — obtient 15 % des mandats.

— Octobre 1997 : Le PRC refuse de soutenir le projet de budget du gouvernement Prodi, provoquant une crise gouvernementale. Après une démission de Prodi, des négociations s'ouvrent et finalement aboutissent à un accord : le PRC soutiendra le gouvernement pendant un an en échange de la promesse d'un projet de loi sur les 35 heures… pour l'an 2000.

— Octobre 1998 : Après avoir préparé le parti depuis plusieurs mois, Fausto Bertinotti prend l'initiative de refuser le vote du budget du gouvernement Prodi, contre Armando Cossutta (qui faisait partie de la majorité au congrès précédent), mais avec le soutien d'une partie de la minorité (Maitan, Turigliatto…), ce qui fait tomber le gouvernement. L'autre partie de la minorité (Ferrando, Grisolia…) présente une motion séparée allant dans le même sens, mais ne constituant pas une majorité permettant de rompre avec le gouvernement Prodi. Mis en minorité, Cossutta scissionne, forme le Parti des communistes italiens (PdCI), soutient le gouvernement de centre-gauche de D'Alema (qui remplace Prodi) et reproche au PRC d'avoir remplacé « une majorité Cossutta-Bertinotti » par « une majorité Bertinotti-Maitan ». Commence en effet un tournant à gauche du PRC qui le conduira à prendre toute sa place dans le mouvement altermondialiste et à jouer un rôle central dans la grande mobilisation contre le G-8 en juillet 2001 à Gênes, puis dans le mouvement contre la guerre. Si aux européennes de 1999 le PRC n'obtient que 4,3 % des voix (et le PdCI 2 %), aux régionales de 2000 et aux législatives de 2001, malgré un recul généralisé de la gauche, il se stabilise à 5 % des suffrages. Notons que la direction du parti n'hésite pas à confier à Gigi Malabarba, militant connu de la IVe Internationale, la charge de chef du groupe du parti au Sénat.

— Avril 2002 : Au congrès le PRC adopte une orientation de construction des mouvements sociaux et d'une alternative de gauche. Une minorité conduite par Ferrando et Grisolia obtient 16 % des mandats, alors que les militants de la IVe Internationale choisissent d'amender l'orientation majoritaire et de construire une direction de parti unitaire.

— Juin 2003 : Plus de dix millions de personnes (87,3 % des suffrages exprimés) votent lors d'un référendum d'initiative populaire en faveur de l'élargissement des droits des travailleurs, en particulier dans les petites entreprises. Mais la participation n'atteint pas les 50 % qui obligerait le gouvernement Berlusconi à adopter une loi issue de ce vote. Car la campagne référendaire ne fut menée que par le PRC et les mouvements sociaux, avec un soutien tardif et sans mobilisation de la part de la direction de la CGIL, principale confédération syndicale, et une attitude négative du centre-gauche. Pour Bertinotti, c'est la preuve de l'échec de l'orientation adoptée en 2002. A la veille d'une réunion de la direction nationale, il annonce dans la presse une inversion de la ligne du parti vers un accord programmatique avec l'Olivier en vue des élections de 2006. Aux européennes de 2004, le PRC obtient 1 926 000 voix (6,1 %), bénéficiant encore de son orientation gauche.

— Février 2005 : Le PRC intègre la coalition de centre-gauche appelée Unione (Union). Le leader de cette coalition devant être élu lors d'une élection primaire, c'est Romano Prodi qui l'emporte haut la main avec les trois quarts de voix, en octobre 2005 (Bertinotti arrive en second, avec 14,7 %).

— Mars 2005 : Au congrès du PRC Bertinotti s'assure une majorité de 59,17 %. Quatre courants minoritaires combattent son orientation : « Être communiste », s'inspirant de la tradition de Palmiro Togliatti, a obtenu 26 %, « Projet communiste » animé par Ferrando et Grisolia (qui s'est divisé avant de quitter le PRC en plusieurs vagues avant les élections d'avril 2006) a obtenu 6,5 %, « Gauche critique » a obtenu 6,5 % et « Faucille et Marteau », lié au courant trotskiste international du britannique Ted Grant, a obtenu 1,6 %.

— Avril 2006 : L'union remporte difficilement les élections législatives, ne disposant au Sénat que d'une voix de majorité. Le gouvernement Prodi, pléthorique (101 membres en comptant les vice-ministres et les sous-secrétaires) compte un ministre du PRC : Paolo Ferrero au ministère de la solidarité sociale.

— Juillet 2006 : Première crise lors du vote des crédits de missions militaires extérieures, car si Prodi retire les troupes d'Irak c'est pour renforcer la présence militaire italienne en Afghanistan. De plus, Prodi présente la motion de confiance sur ce vote, pour forcer l'ensemble de la gauche à voter en faveur de la guerre en Afghanistan ou faire tomber le gouvernement à peine élu. Le mouvement pacifiste se remobilise lentement, les élus de la Gauche critique — Salvatore Cannavò à la Chambre, Gigi Malabarba (qui laissera sa place dès le mois d'août à Mme Haidi Giuliani, dont le fils Carlo a été assassiné par la police lors de la manifestation de Gênes en juillet 2006) et Franco Turigliatto prennent l'initiative d'une pétition contre la guerre signée par 16 sénatrices et sénateurs qui annoncent voter cette fois-ci encore la confiance — et donc la guerre — mais ne plus voter une seconde fois pour la guerre.

— Février 2007 : Cent mille personnes manifestent contre l'agrandissement de la base militaire étatsunienne de Vicenza. Franco Turigliatto du PRC-Gauche critique, ainsi qu'un sénateur du PdCI, Fernando Rossi, ne vote pas cette fois-ci en faveur de la guerre en Afghanistan et de la base de Vicenza. Sa voix manque à la majorité Prodi et c'est la crise gouvernementale. Turigliatto présente sa démission du Sénat. La direction du PRC l'expulse du parti.

— Mars 2007 : A l'initiative de la Gauche critique, plus de mille personnes participent aux réunions des « incompatibles avec la guerre et le néolibéralisme » qui se déroulent dans tout le pays en solidarité avec les choix politiques de Franco Turigliatto : 400 personnes à Turin (où F. Turigliatto est élu), 350 à Rome, plusieurs centaines à Brescia, Milan, Riccione, Bari…

- 14 avril 2007 : rassemblement national et manifestation à l'initiative de la Gauche critique à Rome.


France: La LCR s’engage pour la création d’un nouveau parti anticapitaliste

La Direction nationale (DN) de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) s’est réunie les 30 juin et 1er juillet 2007. L’un des principaux points à l’ordre du jour était la perspective de construction d’un nouveau parti anticapitaliste en France. Une question qui sera au coeur du prochain congrès de la LCR qui devrait se réunir à la fin de l’année. Nous reproduisons ci-dessous le rapport introductif à la discussion présenté à titre personnel par Pierre-François Grond, membre du Bureau politique, ainsi que la résolution adoptée à une large majorité par la DN.

Par Pierre-François Grond

Le prochain congrès ne peut pas être un congrès refermé sur nous-mêmes, classique, se fixant comme tâche principale de régler les comptes des désaccords autour de la candidature à la présidentielle.

L’enjeu principal est de discuter l’espace politique et les bases d’un nouveau parti dans une situation politique renouvelée et avec une LCR dotée par le score de la présidentielle d’une responsabilité réelle.

Cette proposition prend place dans une phase dominée par la victoire de Sarkozy qui représente une défaite politique pour le monde du travail. Il faut en comprendre les bases et les ressorts et, sans doute, également les limites :

  • D’un point de vue capitaliste il existe un « retard » français d’adaptation à la mondialisation capitaliste, alimenté par une campagne idéologique sur le « déclin »
  • Le sens profond du sarkozysme est de tenter de remodeler la société française en brisant ses résistances.
  • C’est donc un programme de confrontation politique et sociale ce qui n’exclue pas des opérations d’anesthésie, d’ouverture, d’association des directions syndicales aux attaques.
  • Le choix des deux premières cibles est symbolique et politique : les agents des transports publics, les étudiants ce qui correspond à cette volonté d’en découdre et d’effacer des défaites passées de la droite.
  • L’absorption de l’électorat lepéniste est une donnée des importantes. Elle a permis de dégager une majorité claire, d’affaiblir le FN, de récupérer des électeurs et de lever une hypothèque qui a pesé lourdement sur la droite classique.
  • En retour la droite UMP est redevable de l’apport de ces électeurs, ce qui se traduit politiquement (quotas d’expulsion, ministère de l’identité nationale...) mais également rend possible l’existence d’une base politique susceptible d’accepter des solutions autoritaires en cas de crise.
  • Cette victoire est également celle du MEDEF dont les exigences se voient confortées. La confusion et le désarroi qui se sont exprimés dans cette campagne sont également le fruit des effets produits par les attaques et les restructurations capitalistes dans la conscience du monde du travail et de la population.

Mais cette victoire ne saurait s’expliquer sans mettre en lumière l’incapacité du PS à répondre, à mobiliser, à s’opposer à une droite cohérente dans son projet. La droitisation du PS, sa mutation social-libérale, lui aliène les classes populaires sans produire d’effets suffisants dans les « classes moyennes supérieures » lui permettant d’emporter une élection centrale. Il est désormais à la recherche d’alliance avec le MoDem, tandis que ses anciens alliés gouvernementaux affaiblis (Verts et PC) dépendent plus que jamais de lui et sont déportés également vers la droite.

La victoire politique de Sarkozy est politique, électorale, elle traduit des éléments décisifs du rapport de force, mais ne résume pas l’ensemble de ceux-ci. Pour l’heure il n’y a pas de défaite sociale, les éléments de résistance n’ont pas été brisés et ne demandent qu’à s’exprimer. D’autant que l’arrogance de la droite et du patronat, l’incapacité qu’ils auront à répondre à la question décisive du pouvoir d’achat, sur laquelle ils ont battu le PS par défaut, peuvent nourrir des mobilisations importantes. Le second tour des législatives, on le sait, sonne comme un avertissement.

Dans cette situation, où se mêlent des éléments de dégradation mais aussi des potentiels de résistance, il s’agit pour nous d’examiner les possibilités de construction du nouveau parti anticapitaliste que nous appelons de nos voeux depuis des années : en s’appuyant sur la campagne Besancenot, le programme défendu, les meetings, l’impact dans l’opinion et le million cinq cent mille voix qui s’est porté sur notre candidature, phénomènes qui expriment un potentiel anticapitaliste et un élargissement de notre audience.

Un des éléments structurants de la situation est l’adaptation et la mutation du mouvement ouvrier à la donne capitaliste : une évolution constante vers la droite, phénomène mondial (le PT brésilien, et européen). L’évolution social-libérale des PS et du PS français libère des espaces. La crise du PCF également, de même que le positionnement de la plupart des directions syndicales. Deux lignes de force apparaissent : une gauche gestionnaire qui court vers le centre et se détache des classes populaires ; une gauche de rupture avec le système qui se cherche, qui s’exprime dans les mobilisations, mais qui n’a pour l’heure pas de traduction organisée. Ce qui ne revient pas à théoriser un désert politique entre le PS et les forces anticapitalistes (dont nous-mêmes), mais de constater deux lignes de force, deux cohérences. D’ailleurs, les courants se positionnant à gauche du PS se voient immédiatement poser le problème stratégique de leur rapport à celle-ci en terme d’alliance institutionnelle locale ou nationale. C’est ce qui vient de percuter Refondation communiste, intégrée au dispositif prodiste ; c’est la question qui se pose à Die Linke en Allemagne. C’est également la question qui a fait exploser le cadre politique du 29 mai en France.

Derrière les questions de relation au PS sont posées des questions fondamentales : le rapport aux institutions et aux élus, les alliances parlementaires et gouvernementales. Ainsi est apparu clairement dans la dernière année le caractère à la fois institutionnel et manipulateur de la direction du PCF. Institutionnel : un parti qui ne voit son avenir que dans le maintien de ses positions gestionnaires. Manipulateur : instrumentaliser le 29 mai afin d’asseoir l’hégémonie du PCF sur la gauche du PS. A vouloir tout tenter, l’échec est au rendez-vous et ouvre une nouvelle phase de la crise du PCF.

Dès lors deux attitudes sont possibles : – Maintenir une ligne de recomposition, de réorganisation du mouvement ouvrier tel qu’il est. Ce qui revient à réduire le rôle de la LCR à un simple catalyseur des recompositions, spécialiste des appels en tout genre, aux regroupements de forces et d’individus qui, par ailleurs, viennent de montrer toutes leurs limites. – Ou se situer dans la perspective de reconstruction d’une gauche anticapitaliste, globale, sociale et politique, ce qui implique en ce qui nous concerne des initiatives en termes de nouveau parti.

Dans le cadre d’une situation inédite : existent l’espace, les expériences, les équipes militantes, susceptibles de construire un nouveau parti anticapitaliste. En même temps, il s’agit de constater l’absence de partenaires nationaux susceptibles de construire avec nous une nouvelle représentation politique. Dès lors, deux dangers peuvent nous guetter :

  • L’immobilisme : sans partenaire, pas de parti...
  • Ou l’auto-affirmation et le déguisement de la LCR en nouveau parti. La seule garantie que nous pouvons donner est de montrer que nous sommes prêts à un véritable processus constituant, qui met toutes les questions sur la table et dont l’objectif est l’appropriation par plusieurs milliers de militants du programme, de la stratégie, du fonctionnement démocratique, de l’orientation et de l’intervention du nouveau parti. C’est la condition de la réussite.

Nous voulons construire un parti lutte de classe qui considère les luttes, les grèves, les mobilisations sociales et politiques comme l’arme décisive du rapport de force et de la transformation sociale. . Un parti ancré dans le monde du travail, dans les quartiers populaires, disposant d’un ancrage social et multiculturel supérieur à l’actuelle LCR. . Un parti qui prône la transformation révolutionnaire de la société, qui ne se bat pour la rupture avec le capitalisme, qui ne considère pas son combat politique comme l’addition progressive de conquêtes de positions institutionnelles. . Un parti anticapitaliste, qui laisse ouvertes les différentes interprétations de la rupture et de la révolution, qui lie le combat émancipateur du monde du travail aux luttes contre toutes les formes de domination et d’aliénation. Un parti féministe, écologique, internationaliste. . Un parti dont la jeunesse, scolarisée ou les couches les plus jeunes du prolétariat, est une des priorités ce qui implique d’associer dès le départ les JCR au processus. . Un parti qui s’appuie sur le capital de la Quatrième Internationale pour travailler au regroupement international des forces anticapitalistes tout en redéfinissant ses rapports à elle. . Un parti plus large, associant différents niveaux d’engagement, moins élitiste dans son fonctionnement et ses exigences militantes que les groupes d’extrême gauche, mais qui doit rester fondamentalement une force militante. . Un parti qui proposera les bases stratégiques et programmatiques à la discussion à partir de ses positions les plus actualisées : plan d’urgence, manifeste.

Cela implique un large rassemblement de la LCR, un accord profond dans l’organisation et donc une discussion approfondie. Il ne s’agit ni d’un coup, ni d’un « relooking », mais d’un engagement qui doit, s’il est confirmé par l’organisation, déboucher sur la construction de l’outil politique dont nous avons besoin dans cette nouvelle période.

La DN, par le texte (PF1, 2, 4 et 5) qu’elle vient d’adopter, enclenche positivement le processus et met en difficulté une plate forme 3, en mal d’une alliance avec le PCF impossible à tenir, et du coup, dans une position conservatrice.

A nous, au plan local et dans la discussion, de débloquer cette situation, de convaincre et d’entraîner le maximum de camarades dans ce projet.


La motion sur la construction d’un nouveau parti anticapitaliste adopté par une large majorité de la DN de la LCR

Afin de lancer le débat sur la perspective d’un nouveau parti anticapitaliste, d’abord parmi les militantes et les militants de la LCR, puis parmi tous ceux et toutes celles qui pourraient être intéressé(e)s par ce projet, la Direction nationale a adopté la motion suivante. Elle ne préjuge évidemment pas des suites d’une discussion qui ne fait que commencer et qui va maintenant se poursuivre dans les mois qui viennent...

Pour la fondation d’un nouveau parti anticapitaliste

1/ L’injustice n’a pas régressé dans le monde. Bien au contraire, elle continue à frapper des milliards d’être humains. Cette injustice multiforme est l’inévitable conséquence d’un système d’organisation de la société, le capitalisme, dont le moteur demeure la recherche de la satisfaction de la soif de pouvoir et de profits d’une toute petite minorité. Ici, les profits exorbitants du CAC 40, les parachutes dorés, les salaires faramineux des dirigeants s’accompagnent d’un accroissement des inégalités, souvent de la détresse. C’est la course folle au profit, accentuée encore par les politiques libérales qui dominent la globalisation capitaliste, qui génère la misère, le mal logement, la précarité et creuse les inégalités sociales, qui détruit les services publics et les protections sociales, qui provoque des guerres et le pillage du tiers-monde, qui met en danger toute l’humanité par un gestion catastrophique des ressources et de l’énergie. La logique de la concurrence de tous contre tous, de la privatisation du monde, et celle des solidarités, du partage des richesses, de la démocratie la plus large sont inconciliables. Pour en finir avec la dictature des actionnaires, de la propriété privée capitaliste, il faudra des mobilisations puissantes, généralisées, des grèves, des manifestations, des occupations. L’avenir de la société est entre les mains des classes exploitées, des salariés qui produisent toutes les richesses.

2/ Au nom de la rupture, la politique de Nicolas Sarkozy, s’inscrit en réalité dans la continuité et l’approfondissement des politiques capitalistes, libérales et antisociales. Le gouvernement Sarkozy - Fillon est au service des plus riches et des gros actionnaires. Cette droite-là, c’est aussi un programme profondément dangereux pour les libertés publiques, le droit d’expression, les droits des immigrés, les droits des femmes, les jeunes victimes des discriminations. Il faut mettre en échec Sarkozy et le MEDEF par la mise en place de larges fronts unitaires.

3/ Nous ne pouvons pas compter sur le PS pour conduire une opposition digne de ce nom. Converti au libéralisme, miné par les ambitions, de plus en plus obnubilé par l’alliance avec les centristes, le PS ne peut pas conduire un changement de politique qui permette concrètement d’améliorer le sort de millions de personnes. Il a abdiqué de toute velléité de contestation de l’ordre établi pour se plier à la logique de la mondialisation financière et impérialiste. Quant à la direction du parti communiste, elle n’offre aucune perspective indépendante du PS et s’enferme dans sa propre crise. Toute alliance institutionnelle avec le PS est vaine, source de nouvelles désillusions. Il faut rompre avec les politiques menées par tous les gouvernements successifs. Une page est tournée. Celles et ceux qui entendent lutter sans concession contre la politique de ce gouvernement, instrument du MEDEF, celles et ceux qui veulent défendre un programme d’urgence anticapitaliste à l’image de celui qu’a porté Olivier Besancenot à la Présidentielle ont besoin d’un nouveau parti qui défende les intérêts des travailleurs et des travailleuses, de tous les opprimé-e-s, de tous les exploité-e-s. C’est pourquoi nous proposons que se rassemblent tous les anticapitalistes dans un nouveau parti, implanté dans la jeunesse, les entreprises, les services publics, les quartiers populaires pour construire les mobilisations d’aujourd’hui qui, pour nous, doivent préparer un changement radical, révolutionnaire, de la société. Nous ne partons pas de rien. D’imposantes luttes ont eu lieu ces dernières années et on sent la résistance, rejointe par une nouvelle génération, s’organiser face aux attaques du nouveau pouvoir.

4/ Concrètement, nous souhaitons un débat commun avec toutes celles et tous ceux, individus, équipes militantes, courants politiques :

  • qui veulent défendre un programme anticapitaliste dans les luttes et aux élections ;
  • qui se situent dans la plus stricte indépendance avec le PS et refusent de cogérer les institutions avec celui-ci, voulant centrer leur activité sur la lutte des classes, la mobilisation sociale et politique ;
  • qui veulent se regrouper dans un cadre politique organisé, militant, national et démocratique, un parti tissant des liens internationaux avec les forces qui défendent une telle perspective.

5/ Dans un premier temps, nous proposons que s’organise dès la rentrée de septembre, des réunions dans le plus grand nombre de villes, de quartiers, d’entreprises, de facs et de lycées possible. Il s’agira de débattre à la fois des formes et des moyens de la riposte indispensable aux mesures prises par le gouvernement, du programme et du fonctionnement démocratique du parti que nous voulons créer, de la présentation, dans un maximum de villes pour les prochaines échéances municipales, de listes anticapitalistes totalement indépendantes du PS et de ses alliés. La constitution de ces listes participera de la démarche pour le nouveau parti. Dans le cadre du congrès national, qui est d’ores et déjà lancé, nous ferons un bilan d’étape du processus et ferons de nouvelles propositions pour aller plus loin et rendre possible la convergence de toutes et de tous dans un nouveau parti. Ensuite, nous envisageons la tenue d’assises départementales vers un congrès national de fondation de ce nouveau parti anticapitaliste, féministe, écologiste, internationaliste, et socialiste. Résister, se mobiliser et s’organiser, agir, débattre et décider, c’est ce que nous proposons de faire ensemble, à égalité.

LCR (France)

Voir ci-dessus