Contre l'Europe des patrons: Oser la crise!
Par LCR-IVe Internationale le Mardi, 27 Juillet 2004 PDF Imprimer Envoyer

Un spectre hante l'Europe: le libéralisme. Il aura fallu quelques décennies pour que les aspirations de paix et de prospérité des peuples au sortir de la seconde guerre mondiale soient définitivement récupérées et dévoyées par l'idéologie libérale. Teinté au départ de valeurs humanistes, sociaux et démocratiques, le projet européen n'a en fait été qu'une progressive formation d'un espace de libre-échange créé avec la complicité des Etats.

Dès la fondation, les Etats européens ont mis comme valeurs fondamentales les caractères économiques et financiers, la politique agricole. Au départ, l'Europe c'était la communauté du charbon, de l'acier, de l'atome. Puis avec l'acte unique de 1986, l'Europe un espace économique européen, puis avec les traités de Maastricht et Amsterdam, c'est le pacte de stabilité, l'euro et la Banque centrale européenne. Cette hégémonie de l'économie sur toute la société, c'était croire au vieux maxime des idéologues libéraux que le marché assurerait la paix, la prospérité et la satisfaction des besoins des populations.

Pourtant 50 après, cette Europe avec ses 50 millions de pauvres, ses 15 millions de chômeurs, son modèle productiviste, sa régression sociale, sa faillite démocratique, sa domination sur le Sud, sa fracture écologiste et son aventurisme guerrier ne convainc personne.

La construction européenne s'est accélérée ces dernières années pour à la fois devenir un vrai marché unique mais également un appareil d'Etat à part entière. C'est cette double dimension que nous devons combattre, comme nous devons dénoncer l'usurpation de l'Europe sur les valeurs d'humanisme et de démocratie. Nous devons répondre aux violences du projet libéral concernant les services publics, la mondialisation ou les immigrés. Mais nous devons également répondre sur la façade démocratique de l'Union européenne, ses institutions, la Constitution ou encore son élargissement à de nouveaux pays.

Nous ne sommes pas opposés à l'idée d'une organisation des peuples à l'échelle européenne, ni même à l'échelle mondiale. Mais ce projet devra reposer non pas sur les valeurs du marché et du libéralisme mais sur le bien commun, la démocratie, les droits sociaux. Cela passe par une rupture avec la construction actuelle de l’Europe, tant sur les plan institutionnel que socio-économique.

Nous sommes partisans d'une extension radicale de la démocratie qui ferait de chaque citoyen le véritable acteur de sa vie. Et la condition sine qua non pour sa réalisation, c'est l'appropriation collective des moyens de production à commencer par les services publics. La donne a changé depuis la fin des années 90. Les maîtres du monde et de l'Europe ne peuvent plus nous imposer leurs projets et leur pensée unique libérale comme ils l'entendent. Seattle, Gènes, Prague, Nice, Florence, Porto Alegre, Evian, Larzac, Cancun, et Paris/Saint-Denis … sont autant d'étapes et de jalons vers la reconquête de l'espace public, vers l'élaboration d'alternatives et vers une autre Europe, un autre monde possibles

Une Constitution pour l'Europe: La constitutionnalisation de l'Europe libérale

La construction politique de l'Europe s'accélère. Depuis le 6 octobre 2003, à Rome, une Conférence intergouvernementale discute du projet de Constitution de Giscard d'Estaing. Une accélération dans le déficit démocratique et du contenu libéral de la construction européenne.

De la Convention à une Constitution pour l'Europe

Après quinze mois de débat et de laborieux travaux, Valéry Giscard d'Estaing, le président de la Convention a rendu sa copie à Thessalonique au nom des 105 conventionnels triés sur le volet. La présentation de son projet de Constitution pour l'Europe est le résultat d'un long processus débuté au sommet de Bruxelles en décembre 2001. Ce texte, loin d'être le résultat d'un processus constituant de l'ensemble des citoyens européens, n'est en fait que le produit du déficit démocratique de l'Europe. Ce traité constitutionnel a été élaboré par un club très fermé de politiciens et d'eurocrates, où la part belle a été faîte aux coups de force et aux arrangements au sommet - avec en coulisse la pression des puissants lobbies des multinationales et des banques. La consultation des acteurs de la société civile n'aura été qu'un alibi démocratique pour un projet qui cherche depuis le début une légitimité populaire.

Désormais ce projet, adopté "dans l'euphorie" par le sommet européen de Thessalonique servira de "base" aux discussions d'une Conférence intergouvernementale (CIG) qui a ouvert ouvrir ses travaux le 6 octobre 2003. La signature officielle n'interviendrait qu'après l'entrée des 10 nouveaux membres de l'UE, le 1er mai 2004. Elle devrait avoir lieu à Rome, par référence au traité fondateur de 1957. Après avoir été entre les mains de politiciens professionnels et d'eurocrates, l'avenir de ce texte est à présent entre celles des Etats.

Enfin 340 des 460 articles de ce projet de Constitution - la partie III portant sur les politiques et le fonctionnement de l'Union - n'ont donné lieu à aucune discussion durant les travaux de la Convention.

La constitutionnalisation de l'Europe libérale, impérialiste et militariste

La citation de Thucydide, historien grec du Ve siècle av JC qui figure dans le préambule de la Constitution apparaît alors comme un affront à tous les citoyens d'Europe: "Notre Constitution ... est appelée démocratie parce que le pouvoir est non entre le main d'une minorité mais du plus grand nombre."

Mais quelle légitimité peut avoir ce texte dont ni les rédacteurs, ni les décideurs n'ont reçu un mandat des peuples et du suffrage universel? Les quelques 450 millions d'Européens issus de 25 pays seront-ils appelés à ratifier par référendum la Constitution européenne le dimanche 13 juin 2004, jour des élections européennes? Rien n'est moins sûr. Pourtant l'enjeu est de taille. Cette constitution européenne sera supérieure aux constitutions nationales qui devront être révisées pour entrer en concordance avec les législations européennes, comme c'est la règle depuis l'approfondissement de la construction européenne. Le contenant et le contenu nous concernent tous.

Sur le fond, cette constitution est prisonnière du dogme libéral. Dans son préambule, elle assoit comme règle absolue l'économie de marché: "L'Union dispose d'une compétence exclusive pour établir les règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur" (article I-12; partie I - titre III). Puis à plusieurs reprises de manières récurrentes, le dogme libéral est asséner dans toute sa brutalité. dans l'article 3, on apprend que l'Union "offre à ses citoyens […] un marché unique où la concurrence est libre et non faussée."

Elle s'appuie sur la Charte des droits fondamentaux adoptée à Nice en 2000, dont les principes concernant les droits sociaux et la laïcité, entre autre, sont en retrait par rapport aux textes existants.

Ce projet légitime le dumping social et fiscal.

Dans son volet institutionnel, le traité constitutionnel ne bouleverse pas l'architecture générale, ni les rapports de forces entre les différents pôles de pouvoir. La Banque Centrale Européenne totalement orientée vers les marchés financiers reste en dehors de tout contrôle; ses pouvoirs et de ses missions ne sont pas remis en cause. Le Parlement reste sans pouvoir législatif et la Commission de Bruxelles sans contrôle. A la marge, le texte propose quelques nouveautés renforçant les exécutifs non-élus. L'UE se dotera à l'avenir d'un président de l'Europe élu pour deux ans et demi par le Conseil européen et renouvelable une fois. Le président de la Commission sera élu par le Parlement européen. Le vote à l'unanimité sera restreint par l'extension du vote à la majorité qualifiée.

Il est prévu de créer un poste de ministre des affaires étrangères, à la fois mandataires du Conseil et vice-président de la Commission. Par ailleurs le projet prévoit que "la politique de sécurité et de défense commune sera compatible avec la politique […] arrêtées dans le cadre de l'OTAN". L'OTAN serait donc partie constitutive de l'identité de l'Europe. Par ailleurs article 40 de la partie I, il est spécifié que "les Etats membres s'engagent à améliorer progressivement leur capacité militaire": cette obligation impose à chaque Etat membre de contribuer à une force d'intervention pour l'Union européenne. Enfin, le droit d'initiative populaire sera instauré et donc la possibilité pour 1 million de citoyens d'exiger l'Europe de légiférer sur tels ou tels points.

Pour un NON de gauche à la Constitution

Cette constitution nous entraîne toujours plus dans une vision technocratique et autoritaire de l'Europe. Nos droits politiques, démocratiques et sociaux acquis au cours des siècles et d'expériences historiques le plus souvent de haute lutte vont se faire broyer par leur projet de "gouvernance européenne", à l'opposé de l'extension de la démocratie, des droits sociaux, du bien commun et des services publics. Une autre Europe, une autre Constitution s'imposent. Il faut mettre en échec ce projet de Constitution à commencer par l'exigence d'un référendum le même jour dans toute l'Union.

Nous proposons:

* l'organisation d'un référendum sur la Constitution simultanément sur l'ensemble du territoire européen

* la mobilisation de toutes les forces progressistes pour rejeter par tous les moyens ce projet de Constitution, y compris par l'expression d'un NON de gauche anticapitaliste en cas de référendum

* un autre processus basé sur les citoyens et les peuples d'Europe pour une autre Constitution basée sur la démocratie, la paix, les droits sociaux, les services publics et la propriété collective. Pas d'institutions européennes qui ne soient l'expression de la souveraineté populaire!

L'Europe contre les services publics

En pleine négociation autour de la Constitution européenne et de l'accord général sur le commerce des services (AGCS), la Commission propose par la présentation d'un livre vert de relancer le débat sur la libéralisation des services publics en Europe.

Sans avoir tiré les conséquences du fiasco des libéralisations précédentes, la Commission a rédigé un nouveau brûlot libéral où figurent tous les poncifs sur la supériorité du marché et de la propriété privée: modernisation, baisse des coût, efficacité, etc...

Jusqu'à présent, l'Union européenne avait libéralisé les services publics de réseaux secteur par secteur. Le Conseil de Lisbonne de 2000 et de Barcelone en 2002 avaient ainsi donné l'impulsion pour la libéralisation des services postaux, des télécommunications, de l'énergie, des transports ferroviaires, des services portuaires.

Avec pour objectif d'élaborer une directive-cadre (loi européenne), le livre vert de la Commission propose principalement d'étendre la gamme des secteurs concernés, de changer le statut social des entreprises et des personnels qui assurent les missions de services publics et enfin d'insérer la notion de services d'intérêts général dans la future Constitution. Ainsi dans le traité constitutionnel, les services publics sont considérés comme des "dérogations" aux sacro-saintes règles de concurrence (article III-6).

Du service public au service d'intérêt général

Le projet des eurocrates est simple. Les services publics, tels que nous les connaissons en France et en Europe, n'entrent pas dans le modèle "social" européen. Ils sont une entrave au marché unique et à la libre concurrence, et donc, doivent, pour ces raisons, disparaître. En parallèle on reconnaît l'existence de missions de services publics. Mais ces dernières devraient systématiquement être soumises aux lois du marché et non pas être automatiquement assurées par des entreprises publiques dépendantes directement de l'autorité publique et garantissant à ses salariés des statuts protégés.

Le livre vert définit comme services d’intérêt général les «services marchands et non marchands que les autorités publiques considèrent comme étant d’intérêt général et soumettent à des obligations de service public». Le livre vert étend ainsi la notion de services d'intérêt général en recouvrant désormais un large éventail d'activités: services postaux, transport, services de santé, éducation, énergie... Sont désormais concernés tous les secteurs et non plus uniquement les grandes industries de réseaux (énergie, transports, télécommunication...).

C'est la première fois que la Commission s'engage dans un réexamen complet de ses politiques en matière de services d'intérêt général. Dans son livre vert, la Commission reconnaît qu'il est nécessaire d'organiser un débat ouvert sur le rôle global de l'Union dans la définition des objectifs d'intérêt général poursuivis par ces services et sur la manière dont ils sont organisés, financés et évalués. Dans le même temps, elle réaffirme "la contribution significative apportée par le marché intérieur et les règles de la concurrence à la modernisation et à l'amélioration de la qualité et de l'efficacité de nombreux services publics, au bénéfice des citoyens et des entreprises d'Europe". Le livre vert tient également compte de la mondialisation et de la libéralisation, et soulève aussi la question de savoir s'il convient de créer un cadre juridique général au niveau communautaire pour les services d'intérêt général.

Au vue des résultats des libéralisations déjà effectuée et des motivations mercantiles et idéologiques qui guident la Commission, le projet de directive, s'il voit le jour, sera sans aucun doute une attaque fatale contre les services publics.

Nous proposons:

* l'arrêt de toutes les libéralisations et déréglementions des services publics

* la création d'euro-services publics rénovés, modernisés et placés sous le contrôle des citoyens

* l'exclusion des services publics de toute logique marchande et de toute négociation commerciale.

* Il faut reconnaître ces services comme bien public indispensable pour la satisfaction des besoins fondamentaux des populations.

L'Europe forteresse

Alors que les Quinze se réunissaient confortablement à Porto Carras près de Thessalonique en juin dernier, deux navires transportant plusieurs centaines d'immigrés originaires d'Afrique sombraient coup sur coup en Méditerranée au large du port de Sfax en Tunisie et de l'île italienne de Lampedusa causant la disparition de la majorité d'entre eux. Une fois de plus au péril de leurs vies, des hommes victimes de la pauvreté, de la répression politique, de conflit armés ou des inégalités générées par la mondialisation capitaliste ont tenté leur ultime chance pour un avenir meilleur.

Depuis les sommets de Tampere en 1999 et de Séville en 2002, l'Union européenne (UE) sous la pression d'une extrême droite xénophobe et sécuritaire s'est lancée à corps perdu dans une traque des immigrés et des demandeurs d'asile au mépris des droits de l'homme et des conventions internationales. La présidence grecque n'aura pas dérogé à cette pensée dominante. Ainsi, durant ce dernier semestre, on aura vu s'intensifier le recours au "vols groupés" par charters affrétés par plusieurs pays européens pour expulser des immigrés extracommunautaires.

Mais le fond de la doctrine européenne réside dans le principe d'externaliser les questions migratoires aux portes de l'Europe forteresse en créant des "zones de protection régionale" qui se trouveraient au plus près des pays de départ ou encore des "centres de transit" dans des pays limitrophes de l'UE où seraient refoulés et maintenus les candidats à l'immigration. C'était le sens des propositions soumises à Thessalonique par l'Angleterre, l'Espagne, l'Italie, le Danemark et les Pays-Bas.

Mais du fait des réserves de l'Allemagne et la Suède, ces propositions n'ont pas été concrétisées lors du sommet de Thessalonique. Par ailleurs les Quinze ont approuvé la création d'une base de données communes pour les visas au nom de la lutte contre l'immigration clandestine. Le système d'information des visas (VIS) recensera tous les visas délivrés par les Etats de l'Union et intégrera de données biométriques (empreintes digitales, iris de l'œil) dans tous les documents. La Commission a été autorisée à débloquer jusqu'à 140 millions d'euros sur la période 2004 - 2006 pour le développement de cette base de données et pour les projets de coopération aux frontières - formation des garde-frontières, harmonisation de leur équipement - et de rapatriements des clandestins.

Des mesures et des moyens qui n'empêcheront pas de nouveaux candidats à l'exil mais qui les criminaliseront toujours plus. L'Italie qui a en charge la présidence de l'Union depuis le 1er juillet s'est engagé à poursuivre dans la même voie: lutte contre l'immigration clandestine grâce au renforcement d'Europol; contrôle constant et coordonné des frontières extérieures; la limitation du droit d'asile et des visas.

Nous proposons

* l'ouverture des frontières, la libre circulation et la libre installation pour tous les immigrés à droits égaux

* l'arrêt des politiques de criminalisation des immigrés et le respect du droit d'asile

* l'obtention d'une citoyenneté de résidence pour les résidents permanents "extra-communautaires" soit prés de 12 millions de personnes en Europe

L'Europe impérialiste dans la mondialisation

L'Union européenne n'est ni une alternative aux Etats-Unis, ni une protection contre la mondialisation capitaliste. Au contraire, l'Europe depuis longtemps acquise aux thèses de la mondialisation libérale en est un relais et un moteur dans tous les domaines de notre vie.

Une politique libérale au service de la mondialisation capitaliste

Il n'y a pas de bonne mondialisation européenne contre une mauvaise mondialisation étasunienne. Il n'y qu'un même système qui impose ses logiques, son idéologie à l'ensemble de la planète. L'Europe, loin de subir la mondialisation, est au contraire l'un des acteurs les plus actifs dans ce partage du monde, dans cette volonté d'imposer ses lois aux plus pauvres dans son propre espace comme aux pays du sud et l'est.

Les institutions européennes et la Commission en particulier sont toutes acquises aux thèses ultralibérales et poursuit une lutte acharnée contre toute forme de propriété collective tels que les services publics ou tous systèmes de redistribution sociale tel que les retraites ou la protection sociale. Ainsi en 2002, au sommet de Barcelone, les chefs d'Etat et de gouvernement européens décidaient de reculer de cinq ans l'âge moyen de départ à la retraite en 2010, d'accélérer l'ouverture à la concurrence des services publics, notamment le secteur de l'énergie et enfin de réaliser dès 2004 l'équilibre budgétaire prévu par le Pacte de stabilité et de croissance signé à Amsterdam en juin 1997 ouvrant ainsi durablement à des politiques d'austérité budgétaire.

L'Europe comme le monde est une marchandise. L'Europe a une place prépondérante dans les grandes institutions internationales comme le FMI, la banque mondiale, l'OCDE ou encore l'OMC. Chacun aura constaté l'attitude arrogante du commissaire Lamy, mandaté par l'Union européenne lors de la 5ième conférence de l'OMC à Cancun au Mexique en septembre dernier pour défendre le modèle productiviste et pour imposer aux pays du sud la domination des pays développés dans le secteur agricole et des services.

Une Europe, l'autre puissance impérialiste

La puissance impériale américaine ne doit pas relativiser celle de l'Europe. L'Union européenne est aussi prédatrice que les Etats-Unis. Les accords commerciaux et les soutiens politiques sont tout aussi intéressés. L'Europe a mis en commun l'héritage colonial de ces membres au premier rang desquels, la France. Les mêmes rapports de domination continuent à exister vis-à-vis de l'Afrique, de certains pays d'Amérique du Sud ou encore de l'Océanie. L'Union européenne soutient les régimes dictatoriaux, autorise l'ingérence dans ses anciennes colonies et l'intervention armée comme en Côte d'Ivoire.

Enfin le processus d'élargissement de l'Union européenne à 10 nouveaux pays d'Europe centrale et orientale s'assimile plus à une annexion à un grand marché qu'à une volonté de coopération en vue de satisfaire les besoins des populations. Ce sont principalement les entreprises européennes qui s'accaparent les marchés des pays de l'Est entraînant une dégradation de la situation économique et sociale pour des pans entiers de la population.

Nous proposons

* l'abolition de toutes les organisations internationales antisociales et antidémocratiques telles que l'OMC, le FMI, la Banque mondiale et l'instauration de nouvelles organisations au profit des peuples et placées sous le contrôle des citoyens

* l'interdiction du dumping social, écologique et commercial, le droit à la souveraineté alimentaire et à la protection pour les peuples et la mise au ban des paradis fiscaux

* l'annulation de la dette du tiers-monde et la mise en œuvre d'une taxe sur les capitaux spéculatifs (type Tobin)

* le retrait de toutes les armées européennes des anciennes colonies et le respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes

* l'arrêt du soutiens aux régimes dictatoriaux, le gel de leurs avoirs et la mise à disposition à la justice de leur pays

L'Europe élargie de 15 à 25

Lors du somme de Copenhague de 2002, les chefs d'Etat et de gouvernement ont arrêté la liste des 10 pays d'Europe centrale et orientale qui entreront dans l'Union européenne le 1er mai 2004. Un défi difficile à relever pour l'Europe si elle reste prisonnière du dogme libéral.

Massivement les populations des 10 nouveaux pays, victimes des attaques libérales sauvages depuis une décennie, ont ratifié l'adhésion à l'Union européenne (UE). Ce nouvel élargissement, conçu comme une quasi annexion, remet en cause fondamentalement l'édifice européen aussi bien sur le plan institutionnel, social que politique.

L'Europe des Quinze si elle ne veut pas entrer en crise devra profondément changer ses orientations et ses méthodes. Mais à l'image de la construction de l'Europe libérale, cette intégration de 75 millions de citoyens est organisé dans une opacité technocratique totale, sans information et sans contrôle aussi bien des populations membres que des populations entrantes. L'élargissement illustre une nouvelle fois le déficit démocratique et le profond décalage entre les élites politiques et économiques, et les populations concernées.

Vers une Europe à 2 vitesses

Il était de règle jusqu'à présent dans l'Union européenne que les pays membres soient égaux en droits et en devoirs. La Commission de Bruxelles demande aux pays candidats d'appliquer "l'acquis communautaire", les textes et les directives déjà adoptées par l'UE. Autrement dit, les Quinze leur demandent de prouver leur capacité à faire face à la concurrence et l'ouverture au marché tout en accélérant la destruction de leurs secteurs publics. Outre l'assimilation de "l'acquis communautaire", il est demander aux candidats de se plier aux critères de convergence en vue d'intégrer la zone euro.

Or, ces critères prennent en compte uniquement les aspects économiques et non pas leur ancrage démocratique, le respect des droits de l'homme, les conditions de vie et de travail des populations ou encore le niveau de leurs acquis sociaux. Dans ce cadre libéral, élargir revient à exiger des populations des pays d'Europe centrale et oriental (PECO) des nouvelles vagues de libéralisation et de privatisation de leurs services publics ainsi qu'une politique prolongée d'austérité budgétaire d'une part, un nivellement par le bas des politiques sociales pour les populations des Etats membres d'autre part.

Pour mener à bien le processus d'élargissement la Commission de Bruxelles a proposé de consacrer 40,1 milliards d'euros au total et les subventions agricoles représenteront la part essentielle du coût budgétaire pour l'élargissement, soit 5,6 milliards d'euros en 2004. La politique agricole commune est la pierre angulaire de la construction européenne. Mais sur le volet agricole, les 10 pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne ne percevront pas le même niveau d'aides agricoles que les 15 pays membres. L'alignement des PECO sur l'Union européenne ne sera que très progressif. Pour la première année, 2004, il est prévu que les subventions n'atteignent que 25% du niveau versé aux Quinze. Elles n'atteindront un taux plein que en 2013.

Au bout du compte, l'Union européenne laisse croire que tous ces pays pourraient être membres s'ils se réforment suffisamment, mais le budget de l'Union européenne n'est pas modifié en conséquence. Pour rappel, l'absorption de la RDA par la RFA avait coûté 70 milliards d'euros par an entre 1990 et 1996. Et pourtant les disparités entre Allemands de l'est et de l'ouest persistent 10 ans après. L'UE glorifie la "réunification du continent" comme un enjeu politique et historique mais elle exclue la libre circulation des personnes et elle impose aux pays candidats qu'ils dressent eux-mêmes de nouvelles frontières vers l'Est. L'UE parle de démocratie et de pluralisme, mais les buts et les moyens des transformations imposées notamment en Europe de l'Est - conditionnant les crédits et les aides - relèvent de dogmes qui sont porteurs de régression sociale. L'élargissement est dans ces termes une vaste mystification.

Le défi pour la gauche anticapitaliste européenne est désormais d'élargir les solidarités et les luttes à tout le continent. La présence de délégations d'Europe de l'est à ce FSE est porteur de ces espoirs.

Présidence italienne : Berlusconi, un parrain à la tête de l'Europe

Depuis le 1er juillet 03, l'Italie assure la présidence de l'Union européenne. Sous la férule de Silvio Berlusconi, le président du Conseil italien n'en finit plus de provoquer de l'opinion publique tout en avançant ses projets ultralibéraux et racistes pour l'Europe.

Protégé par une loi d'immunité votée par le Parlement italien, Silvio Berlusconi, le magnat de l'audiovisuel, du sport et des affaires n'en finit pas de provoquer l'Europe. Dès le départ, cet archétype du populisme s'était fendu de quelques phrases insultantes. Il avait d'abord traité en séance plénière au Parlement européen un député social-démocrate allemande de Kapo, puis son sous-secrétaire d’Etat italien au tourisme Stefano Stefani pour ne pas être en reste avait proféré des propos calomnieux envers les Allemands. Enfin début septembre le Cavaliere déclarait au quotidien italien "La voce di Rimini" que "Mussolini n'a jamais tué personne. Mussolini envoyait les gens en vacances aux confins".

Gaffes, déclarations intempestives? Pas si sûr lorsque l'on sait que Berlusconi accusé de corruption et de conflit d'intérêt entre son rôle politique et d'entrepreneur dirige l'Italie avec le soutien des mouvements post-facistes et racistes, l'Alliance nationale de Fini et de la Ligue du Nord de Bossi.

Un programme de régression démocratique et sociale

Dans ce contexte, le programme de la présidence italienne intitulé "Europe: citoyens d'un rêve commun" tourne bien au cauchemar. Car derrière les invectives de Berlusconi, la tâche principale de cette présidence sera de faire adopter une Constitution pour l'Europe. Le projet, après avoir été entre les mains des 105 Conventionnels sous la houlette de Giscard d'Estaing est désormais entre celles des chefs d'Etat et gouvernement.

A partir du 13 octobre, en dehors de tous processus citoyen constituant, ils travailleront à finaliser dans le cadre de la Conférence intergouvernementale (CIG) un texte constitutionnel de référence, supérieur aux constitutions nationales. La signature officielle n'interviendrait qu'après l'entrée des 10 nouveaux membres de l'UE, le 1er mai 2004. Elle devrait avoir lieu à Rome, par référence au traité fondateur de 1957 avant d'être l'un des enjeux des élections européennes de 2004.

La seconde priorité de cette présidence ne dérogera pas à la règle de la soumission des lois du marché. Il s'agit d'insérer les orientations politiques dans la stratégie de Lisbonne "qui vise à faire de l'économie européenne, l'économie la plus dynamique du monde d'ici 2010". Tous les lieux communs du libéralisme sont ensuite déclinés: "la modernisation des marchés du travail pour garantir la compétitivité des entreprises" ou encore "la promotion de l'esprit d'entreprise". Comme pour répondre aux mouvements sociaux de France, d'Autriche ou d'Allemagne, la présidence italienne s'emploiera à "assurer la viabilité des systèmes des retraites" en augmentant "le taux d'emploi des travailleurs plus âgés" et en réduisant "les mesures d'incitation à prendre une retraite anticipée".

Les questions de politique étrangère et de défense commune seront également à nouveau sous les projecteurs suite aux traumatismes des divisions européennes dues à la guerre en Irak. Berlusconi, ami des Etats-Unis de Bush a annoncé ses intentions de renforcer les relations transatlantiques.

Enfin, les questions d'immigration et de droit d'asile seront à nouveau traitées dans les pires des conditions. L'Italie comme de nombreux autres pays européens est sous la pression de l'extrême droite. Berlusconi avait donné des garanties à ses alliés de la Ligue du Nord et de l'Alliance nationale en faisant voter en juillet 2002 la loi Fini-Bossi. Ce décret-loi ne permet l'entrée sur le territoire italien que des personnes munies d'un permis de travail et prévoit l'expulsion des étrangers en situation irrégulière.

De plus Umberto Bossi a proposé publiquement fin juin 03 l'usage du canon pour lutter contre l'immigration clandestine. Les signaux inquiétants déjà donnés aux sommets européens de Séville et de Thessalonique ne vont certainement pas s'arrêter au courant du semestre, notamment par le renforcement d'Europol et les restrictions en matière de visas.

Globalement cette présidence italienne ne marque pas une rupture dans la construction libérale de l'Europe mais une aggravation dans son ampleur. Les attaques sont concertées par les chefs d'Etats et de gouvernements européens. Aux mouvements sociaux et syndicaux de relever le défi pour "européaniser" les luttes, les grèves et les revendications.

Une autre Europe est possible: Osons la crise!

Deux faits majeurs ont marqué la planète ces derniers mois: la guerre anglo-étasunienne illégitime et illégale contre l'Irak et l'échec des négociations de la 5ième Conférence de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à Cancun au Mexique. Ces deux événements ont précipité la crise des organisations internationales telles que l'ONU ou l'OMC. Sommes-nous à la fin de ce "nouvel ordre mondial" proclamé par Georges Bush père lors de l'effondrement du bloc soviétique et inauguré sous son règne par la première guerre du Golfe menée sous mandat de l'ONU en 1991? Pourquoi est-ce la fin des notions de droit international, de communauté internationale, dotée de ses propres instruments de régulation-domination comme l'OMC, le FMI, la banque mondiale? La réponse est pourtant simple.

Le monde ne supporte plus la domination des Etats-Unis et de l'Union européenne générant des contradictions entre puissances et entre les peuples et leurs gouvernements. La guerre en Irak aura été l'occasion de révéler les oppositions entre les Etats-Unis et certaines puissances européennes comme la France et l'Allemagne. En parallèle, ce conflit a fait émerger une opinion publique mondiale se mobilisant par millions contre ces mêmes Etats-Unis et contre les gouvernements les soutenant.

Quant à l'échec des négociations l'OMC à Cancun, c'est l'hégémonie économique des Etats-Unis et de l'Union européenne qui auront été contesté par les pays en voie de développement, derrière le Brésil, l'Inde ou le Pakistan et par les puissants mouvements sociaux et paysans mobilisés contre le libéralisme.

La nouveauté est que désormais on ose la crise et que l'on préfère rejeter un accord plutôt que d'accepter un mauvais compromis. Et cette crise est génératrice d'alternative. Il en va de même pour le projet européen à bout de souffle. L'euro, le pacte de stabilité, les orientations libérales sont massivement désavoués par les populations. Il est temps que ce projet soit rediscuté par les citoyens européens, qu'il sorte des huis-clos de l'eurocratie et des politiciens professionnels. Parce que nous sommes des "altereuropéens", la Constitution doit être soumis au référendum et un non de gauche anticapitaliste et européen doit s'exprimer. Parce que nous sommes des altereuropéens, nous sommes en faveur d'un processus constituant citoyen basé sur la démocratie, la paix, les droits sociaux, les services publics et la propriété collective. Il faut oser la crise pour qu'une autre Europe-socialiste- soit possible!

Voir ci-dessus