Grèce : une coalition prometteuse
Par Georges Mitralias le Samedi, 29 Septembre 2007 PDF Imprimer Envoyer

Notre confrère « Rouge » s’est entretenu avec Georges Mitralias, membre de la direction de Kokkino - organisation ayant statut d’observateur à la IVe Internationale -, qui a participé à la campagne des législatives grecques dans le cadre d’une coalition large, Syriza (5 % des voix, quatorze députés).

Les élections législatives du 16 septembre marquent-elles la fin du bipartisme grec ?

Georges Mitralias - Les deux grands partis néolibéraux de droite et de gauche, qui alternent au pouvoir depuis un quart de siècle, en sortent ébranlés, perdant 6 % de leur force électorale. Cette crise du bipartisme grec profite surtout à deux formations de gauche, le très sectaire et stalinien Parti communiste (KKE) et la Coalition de la gauche radicale (Syriza), qui obtiennent respectivement 8,15 % et 5,04 %, soit une augmentation de 4,35 % par rapport à 2004. Ces deux formations refusent les avances du Pasok et rejettent catégoriquement tout gouvernement de centre gauche ! Les élections du 16 septembre marquent un net virage à gauche de la société grecque.

Pourtant, la droite de Nouvelle démocratie a pu sauver les meubles et reste au pouvoir...

G. Mitralias - Sans doute, mais elle ne dispose que d’une très courte majorité parlementaire, avec seulement 152 députés sur 300. Une première conséquence sera l’abandon de la révision (néolibérale) de la Constitution. Pour le reste, tout dépendra des mouvements et des partis à la gauche du Parti socialiste (Pasok) qui, étant donné la paralysie de ce dernier, assument le rôle d’opposition politique et sociale au gouvernement.

Et la social-démocratie dans tout cela ?

G. Mitralias - Le Pasok est le grand perdant des élections. Il est plongé dans la plus grave crise de son histoire, sans qu’il soit possible de prévoir si et comment cette crise pourra être dénouée. Encore une fois, tout dépendra de la capacité de la gauche radicale grecque, et surtout de Syriza, à offrir à la base populaire du Pasok des perspectives immédiates de lutte contre les politiques néolibérales du gouvernement, mais aussi une alternative politique crédible et radicale.

Parlons donc de Syriza, dont ton organisation, Kokkino, fait partie.

G. Mitralias - Notre très jeune organisation a joué un rôle déterminant pour « ressusciter », contre vents et marées, cette coalition totalement inédite d’un parti réformiste comme Synaspismos, avec une bonne partie de l’extrême gauche grecque, quand Syriza paraissait cliniquement morte, juste après son éclatement lors des dernières élections européennes. Sa percée confirme que sa radicalisation antilibérale, ainsi que son refus catégorique de toute alliance avec la social-démocratie, sont payants, même en termes électoraux. Syriza fait ses meilleurs scores là où se manifestent les plus grandes résistances aux politiques libérales, dans la jeunesse (12 %) et les grands centres urbains, comme la ville d’Athènes ou sa grande périphérie populaire et prolétaire, où elle fait 10 %, faisant pratiquement jeu égal avec le Parti communiste.

Est-ce que Syriza va continuer ? Et si oui, comment et avec quelles perspectives ?

G. Mitralias - Il y a, venant des profondeurs du « peuple de gauche », une telle pression en faveur de l’approfondissement et de l’élargissement de Syriza, qu’on peut considérer comme acquise sa prochaine consolidation (conférence nationale de ses organisations de base avant la fin de 2007). Cela, et l’élaboration d’un programme de revendications transitoires capables d’unir autour d’elles de larges secteurs des salariés, constituent la condition pour qu’elle devienne l’outil organisationnel et politique dont on a besoin. Sans oublier son élargissement ultérieur, tant aux secteurs de la base du Pasok prêts à rompre avec leur parti, qu’aux organisations d’extrême gauche, qui commencent à faire le bilan de leur sectarisme, qui les a conduits à des résultats électoraux sans commune mesure avec leur capacité de mobilisation. Le moment est propice pour le regroupement quasi général des forces anticapitalistes au sein d’une Syriza unitaire, et de plus en plus radicalisé, qui rejette catégoriquement toute tentation de centre gauche.

Paru dans Rouge n° 2220 du 27 septembre 2007. Propos recueillis par Léonce Aguirre.

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