26 Novembre 2002, 5 ans après les événements, les dossiers sont ouverts
Par Dyab Abou Jahjah le Dimanche, 02 Décembre 2007 PDF Imprimer Envoyer
Lundi 26 novembre, il y aura cinq ans que Mohammed Achrak était assassiné par un Belge raciste. Mohammed était le frère de Satif, un ami à moi dont j’ai été entraîneur de football pendant des années. Suite à cet assassinat, des émeutes ont éclaté dans la ville d’Anvers.Ce jour-là, je me suis rendu dans la rue avec d’autres militants de l’AEL pour tenter de canaliser une petite émeute naissante et d’en faire une manifestation digne et positive. A mon arrivée sur le lieu de bataille, je me suis rendu compte que des forces de police bloquaient la population derrière un cordon et que dans ce cordon, des provocations, des blagues et des éclats de rire étaient échangés entre la police et des militants présents du Vlaams Blok.

Des militants comme Rob Vereyken, connu comme provocateur et extrémiste, était déjà sur place. Nous avons essayé de négocier une solution et proposé de mener la foule, qui était tout sauf explosive, vers une mosquée voisine. Cette proposition a été bloquée par des atermoiements pendant des heures d’attente. Lorsque nous l’avons reproposée, nous avons été attaqués à coup de pepper spray dans un mouvement orchestré, clairement afin de provoquer une réaction violente de notre part. Cette réaction violente n’est pas venue; tout ce qui est arrivé, c’est une confrontation verbale qui a été rediffusée heure après heure sur la télévision belge entre le chef de la police, Luc Lamine, et moi-même, pendant laquelle je lui ai dit : «Nous tiendrons une manifestation à Anvers avec 10.000 personnes sans votre proposition et alors vous allez rire ». Je lui ai dit cela, parce qu’il était en train de me rire à la face juste après que j’aie reçu une volée de pepper spray et vu les circonstances, le moins qu’on puisse dire est que ma réaction était contrôlée. Après tout, la Constitution nous reconnaît le droit de manifester sans autorisation et si lui aime rire autant quand une personne vient d’être tuée et que les gens sont tristes et fâchés à cause de cela, il peut rire à chaque occasion en ce qui me concerne.

Enfin, la police a laissé partir la foule et je l’ai menée jusqu’à une mosquée où j’ai appelé au calme, demandé à chacun de rentrer à la maison, de prier et d’attendre les résultats de l’enquête.

Attendre les résultats de l’enquête, ce n’est pas ce qu’a fait la bourgmestre d’Anvers. Elle a interrompu sa fête d’anniversaire qui avait lieu ce soir-là, pour nous dire via les médias que ce meurtre n’était pas raciste et que l’AEL et Abou Jahjah semblaient avoir orchestré les émeutes.Nouvelles étonnantes, mais c’est cette opinion qui a été répercutée par les médias belges et dans le débat public…Personne n’a parlé du meurtre de Mohammed Achrak et de la signification d’un meurtre provoqué par le port de vêtements musulmans ; le problème, c’étaient l’AEL et la réaction de certaines personnes à ce meurtre.

Plus tard, le premier ministre de Belgique a pratiquement ordonné mon arrestation au parlement dans une démonstration révoltante d’abus de pouvoir, d’hystérie politique et de racisme. J’ai été arrêté et jeté en prison, concrètement parce que j’avais aidé cette nuit-là à garder les choses sous contrôle et à les canaliser.

L’establishment voulait régler ses comptes avec moi et avec l’AEL à cause de nos poins de vue sur la question de l’intégration (notre antiracisme, notre assertivité dans le débat et en particulier nos patrouilles civiles organisées pour observer le comportement de la police. Ces patrouilles avaient choqué la Belgique dans les semaines précédant le meurtre d’Achrak et avaient fait la première page des journaux belges. Nous étions accusés de pratiques illégales mais un juge a depuis longtemps clos ce chapitre dans un verdict affirmant que ces patrouilles n’avaient absolument rien d’illégal), et la cause palestinienne (en particulier le procès Sharon et l’embarras qu’il a provoqué à l’égard de l’Etat raciste d’Israël et les pressions de celui-ci pour que la Belgique modifie sa loi sur le génocide).

Les choses sont devenues plus claires entre-temps. Nous avons appris que la déclaration de police à mon encontre avait été montée de toutes pièces et manipulée. Nous avons appris que Luc Lamine lui-même a admis dans des interviews à la presse que mon rôle ce soir-là avait été raisonnable et constructif. Nous avons aussi appris qu’il a insisté pour être présent lors de la perquisition à mon appartement parce qu’il suspectait certains de ses collègues d’avoir l’intention d’y placer des preuves afin de  pouvoir me condamner. Oui, c’est de ce genre d’histoires qu’il s’agit…

Vendredi prochain, cette affaire débute devant la justice et nous nous attendons à ce qu’elle devienne un long combat. J’ai l’intention de la couvrir sur mon blog et de la commenter régulièrement. J’espère que le juge lira ceci et abandonnera les poursuites comme infondées et ridicules. Connaissant la Belgique et le genre de cabales politiques typiques de ce pays, j’ai cependant quelques doutes.

Malgré tout, le 26 novembre restera toujours le jour où Mohammed Achrak a été assassiné et mes pensées iront demain à son frère Satif et à sa famille.

Traduit par Nadine Rosa Rosso

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