Bloc de Gauche: un tournant de la vie politique au Portugal
Par Alda Sousa le Mardi, 07 Juillet 2009 PDF Imprimer Envoyer

Le 7 juin constitue un vrai tournant de la vie politique au Portugal. Le Parti socialiste, au gouvernement depuis février 2005 et disposant d’une majorité absolue de députés, a subi un échec historique en n’obtenant que 26,6 % des voix (44 % en 2004). Le taux d’abstention ayant à peine dépassé celui de 2004, cette chute représente une perte de presque 500 000 voix. Aujourd’hui, le problème du Parti socialiste n’est pas la victoire du parti libéral PSD (droite), qui, avec 31,7 % des voix, n’est pas loin de ses plus mauvais scores.

La nouveauté, c’est qu’il y a plus de 20 % de voix à la gauche du PS. Le PC fait un score de 10,66 % et obtient deux élus, comme en 2004. Le Bloc de gauche obtient 10,73 %, passe d’un élu (Miguel Portas) à trois (Miguel Portas, Marisa Matias et Rui Tavares) et devient la troisième force politique du pays. Pour chaque vote gagné par le PC par rapport à 2004, le Bloc en gagne trois, dépassant en nombre de voix (382 005) son meilleur score (364 971) obtenu aux élections législatives de février 2005.

Les raisons de cette faillite du PS et de la croissance du Bloc de gauche ne sont pas circonstancielles. Ces quatre dernières années, le PS a gouverné carrément à droite, prenant des mesures antisociales que le parti libéral PSD (au gouvernement de 2002 à 2005) n’avait pas osé prendre. La loi sur le travail facilite les licenciements, dans le public comme dans le privé. L’obtention d’une allocation chômage est devenue plus difficile. Aujourd’hui, parmi les 600 000 chômeurs, environ 200 000 n’ont pas d’allocation. Le PS a refusé la proposition faite par le Bloc de gauche au Parlement d’accorder la retraite à taux plein à tous ceux qui ont travaillé plus de 40 ans.

Il a attaqué fortement les services publics comme le service national de santé. La guerre a été déclarée aux enseignants du primaire et du secondaire, ce qui a entraîné des manifestations gigantesques (environ deux tiers des enseignants sont descendus dans la rue, à deux reprises).

La crise globale du capitalisme se fait sentir de façon très dure dans un pays dont le modèle reposait sur les bas salaires et où le salaire minimum n’est actuellement que de 450 euros. Le chômage (600 000 chômeurs pour un pays de seulement dix millions d’habitants) et la précarité vont croissants. Il y a plus de deux millions de pauvres dont un tiers travaille avec des salaires si faibles qu’ils n’arrivent pas à dépasser le seuil de pauvreté. La crise a aussi montré comment le PS se précipite pour sauver les banques et empêcher leur faillite tout en refusant de prendre des mesures de soutien aux chômeurs ou d’augmenter les pensions misérables de la plupart des retraités.

La campagne électorale s’est déroulée avec, pour toile de fond, la gigantesque fraude de la banque privée d’affaires BPN qui équivaut à environ 2 % du PIB, et pèse donc neuf fois plus dans l´économie portugaise que celle de Madoff dans l’économie américaine. Des personnalités importantes du parti de droite PSD sont liées à cette fraude. Le gouvernement du PS a « nationalisé » cette banque, ce qui a creusé un trou financier de deux milliards d’euros que les travailleurs portugais sont en train de payer.

Le résultat du Bloc de gauche est dû à son opposition active aux mesures du gouvernement PS, à sa capacité à le confronter au Parlement avec des propositions qu’il a fait largement connaître grâce à son contact permanent avec les travailleurs. En 2006, le Bloc de gauche a organisé une marche pour l’emploi qui a duré trois semaines et, en 2008, une marche contre la précarité. La campagne pour les élections européennes s’est déroulée sous le signe de la crise. Il s’agissait de faire comprendre aux travailleurs que les problèmes nationaux et ceux de l’Europe sont les mêmes parce que le modèle économique et financier est le même.

Un des slogans a été « Qui nous a mis dans la crise ne pourra jamais nous en sortir ». La campagne a été très active. Les trois élus avec le porte-parole du Bloc de gauche, Francisco Louça, d’autres dirigeants et députés ont parcouru tous le pays, en contact direct avec ceux qui sont plus touchés par la crise. Au niveau local, d’autres candidats et dirigeants ont aussi fait une campagne active.

Les élections européennes se sont déroulées dans un contexte particulier au Portugal car les élections législatives auront lieu en septembre et les élections municipales en octobre. Les votes obtenus pour le Bloc de gauche, le 7 juin, expriment la montée du refus des politiques des partis du centre et la confiance dans l’alternative que le Bloc de gauche représente. Le programme alternatif que le Bloc de gauche est en train de construire est aussi le résultat d’une discussion ouverte sur notre site Internet.

La campagne pour les élections législatives a déjà commencé. Au lendemain des élections européennes, le Bloc de gauche collait une affiche dans tout le pays disant : « 200.000 sans allocation chômage : ceux qui ont perdu l’emploi ne peuvent pas se passer de soutien ».

Alda Sousa est membre de la direction du Bloc de Gauche et de l'Association politique socialiste révolutionnaire (APSR), section portugaise de la IVe Internationale

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