Le syndicalisme à la croisée des chemins
Par Collectif le Samedi, 30 Avril 2011 PDF Imprimer Envoyer

Le récent accord interprofessionnel imposé par un gouvernement en affaires courantes alors que deux organisation syndicales sur trois l’avaient rejeté pose la question de la résistance face à de futures remises en cause des conquêtes sociales (index, pensions,…). Une course de vitesse est en cours entre la résistance et la destruction des ces conquêtes. Quel rôle les organisations syndicales joueront-elles dans cette résistance ? C’est la question fondamentale pour les signataires de l’Appel à la résistance sociale.

Jusqu'au tournant néolibéral des années '80, la répartition (même inégalitaire) des fruits de la croissance fondait le compromis social. Mais, face à la crise, ce compromis n'est plus possible. Le patronat tente de maintenir (voire d’augmenter) son taux de profit par une régression sociale sans précédent, avec la complicité des gouvernements. Or, on ne peut pas déposséder les travailleurs et en même temps attendre qu’ils fassent tourner le système par la consommation.

Dans ce système en crise, les travailleurs, les chômeurs, les intérimaires, les précaires, les faux indépendants, les sans papiers et la masse des travailleurs des pays émergents forment une énorme réserve de main d’oeuvre surexploitable à l'envi par une classe dirigeante dont les représentants politiques oeuvrent à diviser les exploité-e-s.

Face à cette situation, des voix s'élèvent pour s'interroger sur la lutte indispensable et sur ses difficultés dans un contexte de mondialisation, de PME, de travailleurs précaires et d'intérimaires. Sur la forme que cette lutte doit prendre pour que la peur change de camp, que patronat et gouvernement soient obligés de tenir compte des besoins de la population laborieuse.  Des militants se demandent si une autre politique syndicale est possible. Ils s’interrogent sur la reconstruction d’une résistance à contre-courant et dans une perspective de long terme, avec de véritables solidarités et en cherchant toujours l'unité la plus large. Ils s’interrogent sur la nécessité d'un choix stratégique anticapitaliste qui satisfasse tous les exploité-e-s et opprimé-e-s.

C'est dans l'air,  c’est dans les slogans, c'est dans la colère qui monte, c’est dans l’opposition des militants de la CNE au soutien de l’accord interprofessionnel (AIP) et dans la mobilisation des 20.000 manifestants qui ont répondu présent à l’appel de la FGTB pour s’opposer au pacte de l’Euro.

Certains cercles dirigeants du mouvement syndical n’en semblent pas suffisamment conscients. L’impasse politique les aveugle et contribue à leur immobilisation. Bien sûr ils appellent à des manifestations mais ils ne mettent pas en place un plan d’action généralisé. Au lieu de commencer l’énorme travail de conscientisation sur ce qui a été volé aux travailleurs et offert au patronat, ce qui leur permettrait de démasquer toute la propagande dominante, ils se contentent de soutenir leurs « amis » politiques (qui ne présentent pourtant rien de différent que le néo-libéralisme ou la surenchère communautaire).

De plus, certains dirigeants syndicaux ne dépassent pas les disputes intestines entre flamands et francophones, entre rouges et verts, entre secteurs et centrales. Pendant ce temps, les retraites, la sécurité sociale, l’indexation des salaires, les services publics risquent de passer à la trappe dans la passivité et la résignation. Au final, les travailleurs se sentent abandonnés et ont l’impression que « leurs » syndicats vont se soumettre à l’arrogance patronale et laisser les partis prendre des mesures anti-sociales en se cachant derrière les marchés, que ce soit par la porte fédérale ou la fenêtre régionale.

L’Appel à la résistance sociale pose la question des objectifs et de la stratégie. La stratégie actuelle des organisations syndicales atteint ses limites. Les dernières mobilisations n’ont pas fait dévier le pacte de compétitivité européen que Jacques Delors a qualifié de « document le plus réactionnaire jamais produit par la Commission Européenne »: retraite à 67 ans, salaires liés à la productivité, flexibilité accrue (vite engagé, vite viré et sans trop d’indemnités), déficits publics hors-la-loi… On presse encore plus le citron, au grand plaisir du patronat. Quant aux oppositions à l’Accord interprofessionnel, il est difficile de se rassurer avec des « avancées » telles qu’une augmentation du salaire minimum de 10 euros net par mois... financée par la sécurité sociale… ou une augmentation des allocations sociales... de 0,7 à 2%.

La réalité est que le projet que la FGTB et la CGSLB avaient rejeté a été imposé par le Parlement. Les salaires sont bloqués, le préavis des employés est raboté. Pendant que les banques, renflouées par la collectivité, font des bénéfices record et que les profits des grandes entreprises échappent à l’impôt.

L’Appel à la résistance sociale, signé par plus de 1.000 personnes en moins d’un mois, rappelle aux organisations syndicales qu’elles existent pour organiser la lutte et gagner. Ce Premier Mai, des militant-e-s circuleront pour faire signer l’Appel et ses trois revendications: que les syndicats retrouvent leur place, dans la rue, sans s’inquiéter de gêner leurs amis politiques; que les syndicats organisent en front commun une opération vérité sur ce qui a été volé aux travailleurs avec l’accord des gouvernements; qu’un plan d’action pour des mesures d’urgence anticapitalistes, sociales et écologiques, soit mis en place.

Si les structures syndicales sont capables d’entendre ces revendications, elles prendront leurs responsabilités et se remettront en question pour empêcher un cataclysme social.

Carte Blanche parue dans « Le Soir » du 29 avril 2011

www.resistancesociale.be

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0494/306835

Martin Willems (syndicaliste FGTB), Jean-Marie Piersotte (ancien permanent national CNE), Freddy Matthieu (ex-secrétaire FGTB Mons Borinage), Katia Chikowsky (déléguée CGSP Enseignement), Christine Pagnoulle (militante CGSP, chargée de cours à l’Université de Liège), Patrick Zeoli (militant CGSP Enseignement), France Arets (déléguée CGSP Enseignement), Jean Marc Lauwers (délégué CGSP/secteur finances), Bernadette Peeterbroeck (militante CNE secteur aide sociale), Freddy Bouchez (militant FGTB), Sylvia Nerina (militante LCR), Guy Van Sinoy (Militant CGSP), André Henry (ex-délégué Glaverbel Gilly)

Voir ci-dessus