Les enjeux du référendum sur l’eau en Italie. Retour sur la défaite de Berlusconi aux municipales
Par Daniel Tanuro, Flavia D'Angeli, Emiliano Viti, Salvatore Cannavò le Lundi, 13 Juin 2011 PDF Imprimer Envoyer

Après les élections municipales du mois de mai, qui ont représenté une cinglante défaite pour Berlusconi, l’Italie a abordé la dernière ligne droite d’une très importante campagne référendaire contre la privatisation de l’eau, pour que l’eau reste un bien commun. La constitution italienne prévoit le référendum d’initiative populaire, non pour proposer de nouvelles lois mais pour contester des lois existantes. Pour qu’un référendum soit organisé, les initiateurs doivent collecter 500.000 signatures d’électeurs. Créé à l’initiative d’ATTAC Italie, le comité pour « l’eau bien commun » en a récolté 1,4 million. Le référendum a lieu les 12 et 13 juin, en même temps qu’un référendum contre l’énergie nucléaire et un autre contre l’immunité dont jouit le Président du Conseil. Les conditions à remplir pour gagner sont très élevées : pour être acceptée, une proposition doit recueillir les voix de 50% des électeurs inscrits, plus un (à peu près 26 millions de voix). De plus, le pouvoir a tout fait pour mettre des bâtons dans les roues des initiateurs du référendum sur l’eau : il a été séparé des élections locales (qui viennent d’avoir lieu), la campagne pour celles-ci a servi de prétexte pour fermer au maximum  la fenêtre médiatique (réduite à deux petites semaines), et les dates choisies coïncident avec la fin de l’année scolaire. Faire un pronostic serait très hasardeux, mais il convient d’ores et déjà de tirer un bilan fort positif d’une campagne extrêmement populaire, menée par des milliers de comités locaux. Selon nos camarades de Sinistra Critica, la récente défaite de Berlusconi dans les élections municipales à Milan et à Naples, notamment, pourrait encourager un plus grand nombre d’électeurs à se déplacer vers les bureaux de vote. A sa manière, la campagne contre la privatisation, pour l’eau bien commun, fait ainsi écho à l’exigence de « démocratie réelle, maintenant » mise en avant par les indignéEs, de Madrid à Athènes, avec un écho dans toute l’Europe (LCR-Web).

« La privatisation de l’eau s’est partout accompagnée d’une montée de l’inégalité sociale »

Entretien avec Daniel Tanuro sur la privatisation de l’eau et des autres ressources naturelles. Propos recueillis à Rome par Fernando Cotugno, le 27 mai, pour le site Lettera43.it, dans le cadre de la campagne référendaire contre la privatisation

Que se passerait-il  pratiquement si l'eau était privatisée? De quoi devraient s'inquiéter concrètement les citoyens?

Daniel Tanuro: En cas de privatisation, les citoyens devraient s'inquiéter en premier lieu d'une hausse des tarifs, mais aussi d'une baisse de la qualité de l'eau, d'une moins bonne gestion de la ressource, d'une diminution de l'emploi et du risque de coupure. Ces conséquences sont observées à des degrés divers dans tous les pays où l'eau a été privatisée. Au Ghana, la hausse de prix a été de 95% et pourrait aller jusqu' 300%. En Bolivie, les factures d'eau ont grimpé jusqu'à représenter 20% du revenu des ménages. En Angleterre, la hausse a été de 50% en quatre ans, entraînant un triplement des coupures pour non paiement. En général, la privatisation s'est accompagnée d'une diminution de l'emploi, entraînant un moins bon entretien du réseau de distribution, avec des conséquences négatives sur la qualité de l'eau ainsi que sur la sûreté d'approvisionnement, notamment en cas de sécheresse.

En Angleterre, une étude menée dix ans après la privatisation tirait des conclusions inquiétantes en ce qui concerne la présence de nitrates, de fer, de plomb et de pesticides dans l'eau. Une autre étude montrait que les ruptures d'approvisionnement au Yorkshire, lors de la sécheresse de 1995, étaient dues au fait que le privé faisait passer le versement des dividendes aux actionnaires avant les investissements sur le réseau. La sûreté de l'approvisionnement pourrait être mise en danger de façon plus radicale encore, par exemple en cas de faillite d'un groupe privé propriétaire de l'eau.

Quels sont les exemples en appui de la volonté de maintenir l'eau comme bien public? Où est-ce que la privatisation n'a pas marché?

D.T.: Tout dépend du point de vue social que l'on adopte. Du point de vue des actionnaires, la privatisation de l'eau a partout bien marché. Il est beaucoup plus difficile de dire où elle a marché du point de vue des populations, en particulier des couches les plus défavorisées ! La privatisation de l'eau s'est partout accompagnée d'une montée de l'inégalité sociale, due notamment au fait que les directeurs et hauts cadres des sociétés privées de gestion de l'eau se sont octroyé des salaires mirobolants. Dans une étude de cas préliminaire, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à un logement convenable, M. Miloon Kothari, a démontré que la privatisation de l'eau n'a pas engendré d'amélioration de la qualité des services pour les populations les marginalisées - c'est un euphémisme. Citant l'exemple de l'Angleterre et de la Bolivie, il s'est inquiété du fait que, malgré ce constat, la Banque mondiale et les banques de développement régionales soutiennent constamment la privatisation.

Il y a de nombreuses luttes contre la privatisation, partout dans le monde. La plus connue est celle de Cochabamba, en Bolivie. A la demande de la Banque mondiale, qui conditionne ses aides à la privatisation de l'eau, la Bolivie, en 1999-2000, avait confié la gestion du réseau d’approvisionnement en eau et d’assainissement de la ville de Cochabamba à un seul soumissionnaire réunissant plusieurs multinationales. Le tarif de l’eau a immédiatement augmenté très fortement. Une mobilisation populaire s'est produite, que l'armée a réprimée, faisant six morts. Mais les manifestations se sont poursuivies et le consortium a été chassé du pays.

Pourquoi est-ce qu'une gestion privée d'un bien commun public n'augmente pas l'efficacité du service?

D.T.: Parce que les groupes privés qui s'approprient la gestion de l'eau sont motivés uniquement par le profit, qui permet de distribuer des dividendes aux actionnaires. Les besoins des populations sont secondaires. On dit que le privé permet la concurrence et que celle-ci améliore la gestion, mais, en pratique, il n'y a pas de concurrence: les groupes privés qui s'approprient la ressource sont des sociétés transnationales comme Lyonnaise des eaux, Vivendi Environnement et SAUR INTERNATIONAL (Bouygues), qui jouissent d'un monopole de fait. Dans tous les cas, la privatisation a été pire que la gestion publique, même dans les cas où celle-ci était pourrie par la corruption et la bureaucratie. Lorsque la gestion publique est mauvaise, il faut l'améliorer, en imposant un contrôle démocratique et d'autres mesures permettant la transparence de la gestion.

Vous avez dit que l'appropriation des ressources naturelles est la dernière frontière du capitalisme. Pourriez-vous mieux vous expliquer?

D.T. En fait, l'appropriation des ressources naturelles a été la première frontière du capitalisme, son acte de naissance. En effet, si les « communs » n'avaient pas été appropriés de force par les seigneurs, et si les paysans n'avaient pas été chassés des terres qu'ils cultivaient jusqu'alors, il n'y aurait pas eu de classe ouvrière possible, et le capitalisme n'aurait jamais pu se développer. Cette appropriation des terres arables et des forêts s'est faite à des époques différentes selon les pays, mais elle s'est faite partout. Aujourd'hui, on constate une nouvelle vague d'appropriation des ressources: les génomes, l'eau, la capacité des écosystèmes de stocker le carbone, et même l'atmosphère sont convoités par le capitalisme.

Ce mouvement répond à la nécessité pour le système de trouver de nouveaux champs de mise en valeur pour les masses de capitaux excédentaires. Lorsque tout cela sera privatisé et changé en marchandises, chacun-e sera obligé de constater que le capitalisme ne résout rien, qu'il détruit tout - la société et son environnement. En ce sens, on peut parler d'une dernière frontière. Mais espérons qu'on pourra se débarrasser de ce système absurde avant d'en être arrivé là.

Pourquoi pensez-vous qu'en général la privatisation ne puisse pas aider la cause écologique?

D.T. Einstein disait qu'on ne peut pas résoudre un problème en restant dans la logique qui a créé le problème. La cause profonde de la crise écologique est la logique de profit qui fait que chaque propriétaire privé de capitaux, sous le fouet de la concurrence, cherche en permanence à remplacer des travailleurs par des machines, parce que les machines sont plus productives. Il est dès lors évident que ce n'est pas en créant encore plus d'entreprises concurrentes, cherchant à faire encore plus de profit en produisant encore plus de marchandises que l'on sauvera les équilibres écologiques.

Comment devrait-être la politique écologique d'une gauche européenne moderne?

D.T.: Une gauche européenne moderne et digne de ce nom devrait partir du constat que le capitalisme vert et le capitalisme social sont deux contradictions dans les termes, et en tirer la conclusion stratégique, à savoir que le sauvetage de l'environnement et celui de la civilisation humaine nécessitent d'urgence une politique anticapitaliste. Puisque l'ennemi est le capitalisme, la lutte ne peut être gagnée qu'avec la participation active des exploité-e-s et des opprimé-e-s, victimes de ce système. Une politique écologique de gauche est par conséquent une politique qui répond aux exigences de protection de l'environnement tout en satisfaisant les besoins sociaux réels de l'humanité.

Quelle est la formule pour unir la lutte pour écologique à celle pour le travail?

D.T.: Pour sauver l'environnement, il s'agit en premier lieu de produire moins et de redistribuer les richesses. Un moyen privilégié pour atteindre ce double objectif consiste à réduire radicalement le temps de travail, sans perte de salaire, avec embauche compensatoire et avec diminution des rythmes de travail. En deuxième lieu, il s'agit de mettre en oeuvre d'urgence les technologies vertes qui permettent d'économiser l'énergie et d'utiliser uniquement des sources renouvelables. Comme ces technologies sont plus chères que les technologies polluantes, il faut en confier le déploiement à des entreprises publiques, seules capables d'agir pour d'autres motifs que le profit.

La création d'entreprises publiques d'isolation des logements, par exemple, permettrait de supprimer les émissions de gaz à effet de serre du secteur du logement, tout en créant des emplois et en améliorant la qualité de vie ainsi que le revenu des habitants. Enfin, la transition énergétique vers une économie sans combustibles fossiles et sans énergie nucléaire nécessite de casser le pouvoir des lobbies du pétrole, du charbon, du gaz et de l'atome. Ils doivent être nationalisés. La création d'un service public national de l'énergie permettra de créer beaucoup d'emplois également, car il faudra passer d’un système énergétique centralisé, pauvre en main-d’œuvre, à un système décentralisé, nécessitant beaucoup plus de travail humain.

Le site de la campagne : http://www.acquabenecomune.org/raccoltafirme/

L’excellent clip du comité :

http://www.youtube.com/watch?v=B8IittY58_s&feature=player_embedded#at=68


Pour battre Berlusconi, il faut du contenu et de la radicalité. Vive les comités pour l'eau !

Quatre référendums avaient donc lieu ce week-end en Italie: deux contre la privatisation de l'eau, un contre le nucléaire et un contre l'impunité du Président du Conseil. Chacun de ces référendums visait à abroger une loi adoptée par le Parlement, de sorte qu'il fallait voter "SI" pour s'opposer à la privatisation de l'eau, par exemple. En dépit des tentatives de sabotage par le pouvoir et par les médias, plus de 57% des électeurs se sont rendus aux urnes (le seuil à atteindre est de 50%). A l'heure où nous écrivons, le dépouillement n'est pas terminé mais la victoire du "SI" dans les quatre consultations ne fait apparemment plus aucune doute. Nous reproduisons ci-dessous un communiqué de nos camarades de Sinistra Critica, qui se sont investis très activement, en particulier dans la campagne sur l'eau, portée de façon tout à fait spectaculaire par des milliers de comités locaux (LCR-Web)

Communiqué de Flavia D'Angeli et Emiliano Viti, secretaires généraux de Sinistra Critica:

C'est un tournant historique. Le temps de Berlusconi prend fin et est relégué aux archives par le vote populaire. Avec lui, champion du libéralisme, c'est la politique de privatisation et de suprématie des marchés qui est vaincue. Aujourd'hui, le résultat du référendum prouve réellement que "nos vies valent plus que leurs profits". C'est un changement d'époque. L'ère berlusconienne est battue par la participation démocratique et, élément symbolique, par le réferendum qui représente, plus que toute autre institution italienne, la démocratie directe.

C'est pour cette raison qu'il est important de souligner le rôle de ce qui était jusque maintenant le chaînon manquant; les Comités pour l'eau publique, qui ont joué un rôle décisif et même historique par certains aspects. Ils ont travaillé discrètement; ils ont recueilli un nombre de voix jamais vu dans une consultation populaire; ils ont réalisé une campagne uniquement et toujours axée sur le fond du sujet, l'eau comme bien public. Ils ont été pris en otage par le Parti Démocratique (qui ferait mieux d'écouter le message qui lui a été clairement envoyé par les régions "rouges" où l'eau a déjà été privatisée). Ils n'ont jamais été invités à aucune émission télévisée. La victoire d'aujourd'hui est leur victoire.

Pour les mouvements qui se battent contre l'abus de pouvoir comme les "No Tav", c'est une grande journée. Toutes les hypothèses qui tendent à une union entre les différents mouvements de résistances (contre les décharges et les incinérateurs, contre les tarifs locaux, contre les grandes vitesses, etc.) sont les bienvenues, et Sinistra Critica travaillera de manière active dans cette direction.

Les partis traditionnels devraient observer et prendre de la graine de cette victoire. C'est la société en mouvement qui a gagné, le travail à la base, passionné et radical, la capacité de ramasser un fil et d'en coudre une stratégie. Nous avons la confirmation que la radicalité du contenu peut gagner. Ce n'est pas seulement la défaite de Berlusconi aujourd'hui, c'est celle d'Emma Marcegaglia et de toute cette industrie qui rêvait de faire des affaires en or avec le nucléaire et la privatisation de l'eau (et qui n'attendent plus que de se jeter sur les énergies renouvelables).

Une gauche réellement radicale, anticapitaliste et écologiste est possible et son destin n'est pas lié à celui du Parti Démocratique et du centre-gauche. Notre projet de fond retrouve aujourd'hui un nouveau et grand souffle.

Sinistra Critica, organisation de gauche anticapitaliste, 13 juin 2011. Traduction: Sylvia Nerina pour le site www.lcr-lagauche.be


Retour sur la défaite de Berlusconi aux municipales

Les 15 et 16 puis 28 et 29 mai derniers, les élections municipales ont eu lieu dans 1300 communes italiennes, dont 13 grandes villes. La participation a été de 68, 58% au premier tour, 60, 12% au 2e. Par rapports aux élections régionales de 2010, la droite a perdu 6% des voix au niveau national, mais 13 à 16% au Nord, et le Popolo della libertà (PdL, Peuple de la liberté) de Berlusconi a perdu plus de voix que la Lega nord (Ligue du Nord, d'extrême droite) de Bossi. Les coalitions formées autour du Partito Democratico (PD, centre-gauche) ont gagné des voix, mais surtout grâce aux candidatures « radicales » de Sinistra e Libertà (SEL, scission de Rifondazione). Le mouvement « 5 stelle » (5 étoiles) du comédien Beppe Grillo, antipartis, obtient 93 000 voix. La gauche sous ses diverses formes a au total remporté les 4 plus grandes villes (Milan, Naples, Turin et Bologne), ainsi que d'importants chefs-lieux.

La défaite de la droite

Ces élections sont celles de la défaite de la droite, et en particulier de Berlusconi et de sa stratégie de communication. Même son électorat traditionnel l'a laissé tomber, en particulier dans les grandes villes. Il pourra difficilement faire tenir son gouvernement sans modifier les équilibres politiques actuels : les tensions tant internes au PdL qu'avec son allié, la Lega Nord de Bossi, sont évidentes. Le centre-gauche redevient une « alternative » électorale à la droite et, a reconquis un peu de crédibilité.

Les candidatures radicales

Les résultats les plus marquants, même si très différents l'un de l'autre, sont ceux de Milan et de Naples. A Milan, le candidat de la coalition de gauche (dont le PD est le parti principal) était Giuliano Pisapia, membre de SEL, vieux militant de l’extrême gauche italienne, qui avait gagné les primaires (1) puis a été élu maire grâce à une campagne populaire, faites de comités de soutien actifs. Investir tout cet espoir dans une alliance avec le PD n’est certainement pas la meilleure chose que SEL ait faite, mais il est clair que l'atmosphère de la ville a changé et que le sentiment de “libération” de s'être enfin débarrassé de la droite est très net. Sans compter que Berlusconi considérait Milan comme “sa ville” : il y a fait 3 semaines de campagne, donnant à cette échéance électorale une ampleur quasi nationale, et c'est à Milan que la Lega Nord a fait une campagne d'un racisme éhonté, centrée sur le fait que Pisapia était soi-disant le candidat des immigrés, des gitans, des squatteurs. Autre victoire marquante, celle de Luigi De Magistris à Naples avec une coalition opposée tant à la droite qu'au PD(2) et soutenue par l’extrême gauche, même si sans la participation populaire de Milan. Ces deux victoires montrent que le « peuple de la gauche » reprend confiance et espoir dès qu’un candidat ou une coalition a quoi que ce soit de nouveau par rapport au centre gauche traditionnel.

La campagne continue

L’espoir suscité par ces élections s’est mêlé à l’enthousiasme croissant autour de la campagne pour les référendums des 12 et 13 juin, pour stopper la privatisation de la gestion de l'eau et empêcher la construction de centrales nucléaires. Ces campagnes ont mobilisé l'énergie et la créativité de milliers de comités locaux dans tous le pays, ont redonné le goût de la participation directe à des dizaines de milliers de militants, de déçus de la gauche, de citoyens désabusés (3). Pour la première fois depuis vraiment longtemps, un mouvement peut remporter une victoire nette. Et quel que soit le résultat des référendums, les comités qui se sont créés pourraient, avec les travailleurs des secteurs touchés (la loi concerne également le ramassage des ordures et les transports publics, même si les comités actifs sont partis de la question de l'eau) être un socle pour reconstruire cette gauche dont l’Italie a tant besoin.

Une légère brise...

Il est trop tôt pour dire que « le vent tourne » en Italie, mais ces semaines de campagne électorale pour les municipales et pour les référendums ont rallumé l'espoir en la possibilité de battre Berlusconi et la droite. Cet espoir n'a toutefois pas provoqué de mobilisation permanente ; l'indignation qui souffle si fort dans d'autres pays de la Méditerranée ne trouve pour le moment en Italie pas d'autre outil, d'autre espace où s'exprimer, que les élections. Sinistra Critica s’est présentée uniquement là où une candidature de mouvement avait pu se constituer, avec quelques bonnes surprises mais des résultats limités. Il est clair que le travail principal qui nous attend est aux cotés des milliers de travailleurs et de travailleuses, d'étudiant(e)s, de femmes, de populations frappées par des mesures catastrophiques pour l'environnement qui ont lutté ces dernières années, dans la campagne pour les référendums, pour que cette mobilisation devienne politique et sociale, puisse mettre Berlusconi et la droite à l'angle du ring et pose la question de la nécessité d'une transformation sociale.

Berlusconi a beaucoup de moyens à sa disposition pour tenir, mais son temps est terminé. Et le symbole de cette défaite, c'est Naples, la ville où il avait inventé son image d'homme « qui agit », promis un grand nettoyage et accusé la maire de centre gauche d'être seule responsable de la catastrophe des déchets des années passées. Et c'est là, pourtant, que les électeurs lui ont tourné le dos, pire : ils ne l'ont carrément pas écouté. Ils ont préféré faire confiance à de Magistris, qui représente la nouveauté, la légalité, le changement, la propreté morale et le changement social. Reste à voir ce que pourront ou voudront faire ces nouveaux maires. Mais le message est clair : il y a comme une envie de changement, de se débarrasser d'une ère politique en putréfaction. (…) La politique politicienne réfléchit déjà à comment elle va s'organiser pour l'après Berlusconi. Le PD essaye déjà de construire une « grande alliance » ouverte au centre, et sera donc un frein à cet élan de changement, surtout s'il compte proposer un « gouvernement d'urgence ». Il est donc évident qu'il faudrait surtout une autre gauche, une gauche différente. Mais ceci est un autre débat. Quoi qu'il en soit, une phase de ce pays est terminée, il faut se mettre au travail pour construire la prochaine.

Salvatore Cannavò

Notes :

1. Plusieurs candidats de la gauche “radicale” ont récemment remporté les primaires du centre-gauche, contre les candidats soutenus par l'appareil du PD. Nichi Vendola avait ouvert la voie, devenant ensuite gouverneur des Pouilles. A Cagliari (Sardaigne) par exemple, Massimo Fedda'i, 34 ans, de SEL, a remporté les primaires contre le candidat du PD, et a été élu maire avec 59, 42% des suffrages.

2. L'histoire récente de la région de Naples (de 1993 à 2010) a été marquée par le pouvoir corrompu d'Antonio Bassolino, du PD, maire de Naples puis président de la région, dont la gestion du ramassage des ordures, faites de faveurs économiques en échange de faveurs politiques, n’est pas sans rapport avec la situation catastrophique des ordures dans la région. Luigi De Magistris du parti l'Italia dei valori ("Italie des Valeurs, fondée par Antonio Di Pietro, un juge, qui prône la transparence et la légalité) était soutenu par une partie de la gauche radicale et a remporté les élections avec 65, 37% des suffrages. Résultat, au conseil municipal le PD aura 4 sièges et Rifondazione 6...

3. Pas mal d'exemples de cette créativité sur www.referendumacqua.tv . Mais c'est aussi des affiches spontanées, des mails, des happenings… Les Italiens à l'étranger doivent voter aussi ! Toutes les infos à : www.acquabenecomune.org , section “Come si vota all'estero”.

Voir ci-dessus