ArcelorMittal: Mobilisation générale pour sauver l’emploi et la sidérurgie à Liège
Par Jean Peltier le Dimanche, 16 Octobre 2011 PDF Imprimer Envoyer

C’est toute la région liégeoise qui est en état de choc depuis l’annonce par ArcelorMittal de la fermeture de la phase à chaud de la sidérurgie liégeoise. L’onde de choc part des hauts-fourneaux, en sommeil depuis plus de deux ans et dont ArcelorMittal vient d’annoncer la fermeture définitive, condamnant ainsi 581 emplois fixes (CDI et CDD) et près de 400 intérimaires.

Mais les effets vont bien au-delà. Pour chaque emploi direct perdu, on s’attend à la perte de deux emplois indirects. Chez les sous-traitants privés d’abord (transport, entretien,….). Mais aussi dans le secteur public (70% du trafic de la gare de grande gare de triage de Kinkempois à Liège sont liés au transport des produits de la sidérurgie). Donc, c’est près de 3.000 emplois qui risquent de passer à la trappe dans les prochains mois.

Mais les effets vont encore au-delà. Ainsi, des communes comme Seraing ou Oupeye vont être touchées brutalement par la perte des taxes versées par ArcelorMittal : au moins 5 millions d’euros par an à Seraing, 3,7 millions à Oupeye (20% des taxes communales d’Oupeye proviennent de l’utilisation du site sidérurgique de Chertal). Avec des effets inévitables sur l’emploi communal, les services à la population,…

Quant à la phase à froid, son avenir est encore moins assuré après l’annonce de la fermeture du chaud. Avec des risques d’une catastrophe d’une ampleur encore plus grande sur toute la région.

Arcelor et Mittal soufflent le chaud et le froid

Depuis trente ans, la sidérurgie liégeoise est en restructuration permanente : constitution au début des années ’80 de Cockerill-Sambre par la fusion avec la sidérurgie carolo ; passage à la fin des années ’90 sous le contrôle du français Usinor ; fusion en 2001 entre Usinor, le luxembourgeois Arbed et l’espagnol Aceralia qui constituent ensemble Arcelor ; absorption d’Arcelor en 2008 par le groupe indo-britannique Mittal, donnant naissance au premier groupe mondial ArcelorMittal.

En janvier 2003 déjà, Arcelor avait annoncé la fermeture de la phase à chaud à Liège (la « phase à chaud » est la première du processus de production : elle assure la transformation du coke et de l’aggloméré en plaques d’acier qui sont ensuite adaptées en bobines ou en autres produits semi-finis dans la « phase à froid »). Le haut-fourneau 6 (HF6) est ainsi mis « sous cocon » dès 2005. Mais la croissance des besoins en acier est telle que Mittal revient sur cette décision. Le 27 février 2008, le haut-fourneau HF6 de Seraing est symboliquement rallumé devant un parterre de ministres wallons épanouis. Mittal en personne promet que les hauts-fourneaux liégeois resteront ouverts au moins jusqu’en 2015 et qu’il va faire de la sidérurgie liégeoise un des sites intégrés (chaud et froid) les plus performants de son groupe mondial.

Mais, six mois plus tard, la crise financière provoque une contraction de l’économie mondiale qui touche directement l’acier. Plus précisément, si la demande reste forte dans les pays émergents (Chine, Inde, Brésil,…), elle chute en Europe et aux USA. Dans cette situation, et en toute bonne logique capitaliste, Mittal concentre son attention et ses investissements sur ses usines dans les pays émergents et met en sommeil une partie de ses installations en Europe.

Quel avenir pour la sidérurgie liégeoise ?

Chez nous, le HF6 est remis sous cocon en octobre 2008, six mois à peine après sa remise en action. Et en mai 2009, c’est au tour du HFB d’Ougrée. Depuis lors, la sidérurgie liégeoise fonctionne au ralenti. Dans l’espoir d’assurer la survie de l’entreprise et le maintien de l’emploi, les syndicats acceptent le gel des salaires et une organisation du travail ultra-flexible. Jusqu’au coup de massue de mercredi qui annonce l’arrêt définitif de toute la phase à chaud de Liège. Aujourd’hui, toutes les belles promesses de Mittal sont enterrées. Seule émerge la loi du profit et de la satisfaction des actionnaires.

On l’a déjà dit : la fermeture du chaud est, en termes d’emploi, une catastrophe en soi pour la région. Mais la phase à froid peut-elle continuer à produire sans phase à chaud dans la même région ? A priori oui, parce que ces entreprises liégeoises sont en pointe de la technologie et tout à fait rentables. Mais elles devront importer de Dunkerque en France les plaques d’acier. Un coût supplémentaire et une dépendance qui risquent de peser lourd sur la compétitivité des produits liégeois. On comprend donc que les syndicats défendent depuis toujours le maintien d’une sidérurgie « intégrée » (chaud + froid) à Liège.

Mittal, un patron pieds nus dans la neige ?

A entendre les dirigeants de Mittal, la situation de l’entreprise est plombée par des divisions européennes qui ne rapportent pas assez. En réalité, Mittal est un groupe qui se porte bien – et même très bien : son chiffre d’affaires mondial a augmenté de 28% en 2010 par rapport à l’année précédente.

En Belgique, le groupe a dégagé l’an dernier un bénéfice de 1,39 milliard d’euros. Sur cette somme, il a payé le montant colossal de… 496 euros d’impôts. Rien d’illégal là-dedans : il a simplement joué au mieux des intérêts notionnels chers à Didier Reynders. Ce n’est pas le seul avantage qu’il a reçu des gouvernements belge et wallon. La région wallonne a provisionné 2000 millions d’euros pour les quotas CO2 (les fameux « droits de polluer » dont la sidérurgie est grande consommatrice) et 110 millions pour les investissements.

Quelle riposte syndicale ?

Même si l’avenir du chaud était en suspens depuis des années, les travailleurs et les syndicats ont été pris de court par l’annonce de la fermeture. D’autant plus qu’au terme d’une semaine de grève à Liège, la direction venait d’accepter de rencontrer les syndicats cette semaine pour discuter de l’avenir industriel du groupe en Belgique… alors que la décision de la fermeture était déjà prise depuis un bon bout de temps !

Les travailleurs sont sous le choc. Des actions spontanées ont été menées jeudi et vendredi devant l’entreprise. Des actions de plus grande envergure devraient avoir lieu en fin de la semaine prochaine. On parle d’une marche entre Seraing et Liège. Les déclarations de solidarité se multiplient dans les entreprises et sur les réseaux sociaux. Il faut donner rapidement un débouché à cette solidarité à travers une manifestation massive qui mette la pression sur le pouvoir politique.

Il est aussi extrêmement important d’organiser la solidarité entre les divers sites du groupe en Belgique et en Europe. ArcelorMittal est en train de fermer des sites non seulement à Liège mais aussi en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne.

Nationaliser, oui mais comment ?

La FGTB a immédiatement mis en avant la nationalisation de la sidérurgie liégeoise, disant très justement que si le gouvernement avait pu trouver 4 milliards en un weekend pour sauver Dexia, il pouvait bien trouver 1 milliard pour la sidérurgie liégeoise.

Mais Marcourt, le ministre (PS) de l’Economie a immédiatement douché leurs espoirs, arguant du fait que l’Europe ne permettait plus un tel rachat par un Etat. Il est clair que ni le gouvernement « olivier » wallon ni le gouvernement Leterme ni la future tripartite de Di Rupo n’ont la moindre envie de se lancer dans un bras de fer avec ArcelorMittal ni avec l’Union Européenne. Et la direction d’ArcelorMittal a dit très clairement qu’elle n’envisageait nullement de vendre une partie de ses installations à des concurrents, quels qu’ils soient. Pour un patron comme Mittal, mieux vaut créer un désert économique sur toute une région que de laisser la porte entrouverte à un concurrent. C’est la logique du capitalisme dans toute son ampleur et toute son horreur.

Sans rachat ni indemnités et sous le contrôle des travailleurs

Pourtant la solution de la nationalisation est la seule aujourd’hui qui permette de sauver l’emploi et d’assurer un contrôle sur ce secteur économique qui reste vital pour la région. Mais pourquoi faudrait-il payer ArcelorMittal pour reprendre le contrôle de la sidérurgie liégeoise, alors que cette entreprise a sucé tout ce qu’elle pouvait, avalant subventions et aides diverses et utilisant jusqu’à la corde tous les moyens de ne pas payer l’impôt ?

La seule solution correcte du point de vue des travailleurs et de la population serait d’imposer une nationalisation sans rachat ni indemnités. Et sous le contrôle des syndicats et des travailleurs, pour éviter qu’une intervention des pouvoirs publics ne soit qu’une opération sans lendemain avant de revendre l’entreprise, en bloc ou par morceaux, à d’autres patrons privés, comme la Région wallonne l’a fait dans les années ’90 après avoir restructuré Cockerill-Sambre à coups de milliards d’argent public et de sacrifices des travailleurs.


ArcelorMittal : Cockerill nous appartient !

Non à la fermeture du chaud !

Le combat continue !

Venez tous !

Mercredi 26 octobre 10h, Hôtel de Ville de Seraing, au pied de la statue de John Cockerill.

Concentration des travailleurs d’ArcelorMittal couverte par 24 heures de grève

Métallo FGTB-MWB, ACV-CSC Metea, SETCa, CNE


Arcelor Mittal : France, Luxembourg, Belgique, Allemagne: même patron, même combat!

La profondeur avec laquelle un être humain perçoit et ressent les conséquences de cette crise endémique qui grippe sérieusement le mode de production capitaliste, dépend de son appartenance à une des deux classes sociales. Ainsi, Monsieur Mittal, 6e fortune du monde, avec ses 80 milliards dans les poches, voit le chamboulement mondial avec beaucoup plus de détachement que son salarié métallo qui se retrouve du jour au lendemain projeté au chômage et dans la précarité. Le métallo, lui, est devenu la victime de l’appétit insatiable des actionnaires à ramasser toujours plus!

Alors que Monsieur Mittal a pu amuser ses actionnaires en leur annonçant un bénéfice net de 238 milliards de dollars pour l’ensemble du groupe depuis 2007, le ballet des innombrables plans de restructurations n’a jamais cessé de tourner: fermeture de sites, délocalisations, destruction de milliers d’emplois, chômage et une mise en concurrence des salariés non seulement sur le plan mondial, mais aussi entre sites dans un même pays.

Les plans dévastateurs des barons de l’acier

Le géant de l’acier, dans le cadre d’une stratégie établie depuis belle lurette, accroît son recours au travail intérimaire et à la sous-traitance, sans se soucier ni de la dégradation des conditions de travail ni des accidents, tout en amplifiant les cadences de travail.

Le groupe n’investit plus un seul centime de ses bénéfices faramineux dans ces installations (coulée permanente ou fours électriques) arrivées à échéance d’amortissement. Il s’agit donc de fermer les usines non rentables, surtout celles qui se trouvent en Europe et de concentrer le reste de la production vers les côtes, près des ports tout en délocalisant en direction des pays émergents du tiers-monde.

Les intérêts des actionnaires d’ArcelorMittal sont évidents: réduction des coûts de transports, tout en accédant plus facilement aux matières premières (mines, charbon, ferrailles…) et surtout profiter d’une main-d’œuvre docile et «bon marché». On comprend donc pourquoi ArcelorMittal achète partout dans le monde des mines de charbon et de minerais, construit des aciéries au Brésil où la forêt tropicale fournit du charbon de bois à bas coût, pourquoi ArcelorMittal devient un opérateur sur le marché de l’énergie.

Même patron, même misère

Au Luxembourg, après la délocalisation du service informatique, ArcelorMittal vient d’annoncer la fermeture «provisoire» de l’aciérie et de l’un des deux laminoirs de Schifflange, tandis que la production au site de Rodange passera de deux à un poste/jour. Avec la complicité du gouvernement luxembourgeois, qui est toujours actionnaire chez ArcelorMittal, 600 métallos vont se retrouver dans cette fameuse «cellule de reclassement» où l’État, venant en aide à ces pauvres actionnaires, paiera une grosse partie des salaires des travailleurs! Quant aux innombrables emplois qui vont se perdre dans le secteur de la sous-traitance, on n’en parle même pas.

En France, après l’extinction du site Gandrange, le couperet vient de tomber, sur le site de Florange-Hayange: 1.100 ouvriers vont se retrouver au chômage technique, au moins 400 intérimaires verront leur contrat résilié.

En Belgique, la région de Liège continue d’être dévastée par ArcelorMittal qui vient de décider que le haut-fourneau d’Ougrée restera définitivement éteint. Et maintenant, c’est le tour du site de Fontaine de fermer les portails, mettant 60 sidérurgistes sur le carreau et amorçant la fin de la tréfilerie à la Fontainoise.

Perspectives de lutte et responsabilités des syndicats

Depuis le démantèlement de la sidérurgie à la fin des années 1970 dans la Grande Région (1), les syndicats français, belges ou luxembourgeois n’ont guère digéré les défaites accumulées et ont finalement accepté plan social sur plan social. L’organisation d’une riposte unitaire et solidaire dès à présent, dans l’ensemble de la Grande Région et au-delà des frontières nationales, n’est pas une option pour le comité d’entreprise européen: il se tait!

Mais il est évident que pour stopper la rapacité des actionnaires d’ArcelorMittal, pour contrer la «concurrence libre et non faussée», il faut d’autres arguments: un combat qui s’étend sur l’ensemble du groupe! Donner une dimension internationale à l’action est nécessaire!

Les métallos doivent se donner tous les moyens de combat possible en exigeant la coopération des syndicats au-delà des frontières nationales, avec des revendications percutantes:

  • interdiction des suppressions de postes et des licenciements!
  • Maintien des contrats de travail, conditions de travail et qualifications!
  • Généralisation des 35 heures sans perte de salaire et avec nouvelles embauches sur tous les sites ArcelorMittal de la Grande Région!

Comité NPA Transfrontalier Longwy-Luxembourg (54)

Voir ci-dessus