Comment Di Rupo fera évoluer le marché du travail vers le modèle allemand...
Par Jef Van Der Elst le Vendredi, 09 Décembre 2011 PDF Imprimer Envoyer

La note Di Rupo traite longuement du marché du travail: changement des règles pour les jeunes qui quittent l’école, démantèlement partiel des allocations de chômage, augmentation de l’âge de la prépension et attaque contre le système du crédit temps.

La thèse centrale de cet article est que la combinaison de ces réformes fera évoluer le marché du travail vers le modèle allemand. Le projet de Di Rupo est tout à fait comparable à ce qui s’est fait sous le chancelier social-démocrate Schröder, et qui a débouché sur un profond démantèlement du modèle socio-économique de l’Allemagne (le dit “modèle rhénan”). Outre-Rhin, ces réformes sont connues comme les lois Hartz (I, II, III et IV), du nom de leur inspirateur, Peter Hartz, directeur du personnel chez Volkswagen et président de la commission qui a proposé ces réformes.

Cette thèse ne s’éclaire que si on considère la cohérence entre les différentes mesures proposées par Di Rupo et acceptées par ses partenaires.

Les limitations structurelles à la sortie du marché du travail cassent l’accès des jeunes à l’emploi.

Dans les années quatre-vingt – une période avec un haut taux de chômage des jeunes- deux mesures ont été prises pour offrir aux jeunes une chance d’accéder malgré tout au marché de l’emploi: des pas importans ont été faits dans le cadre de la réduction collecyive du temps de travail, d’une part, et on a introduit le système des prépensions, d’autre part.

De ce fait, une situation win-win s’est crée dans les entreprises: les employeurs pouvaient assez simplement se débarrasser des travailleurs plus âgés pour les remplacer par des jeunes meilleur marché, tandis que des travaillerus âgés, souvent usés par le travail, pouvaient bénéficier de la prépension dans des conditions sociales acceptables.

Ces travailleur-euse-s prépensionné-e-s subissaient cependant souvent d’importantes pertes financières. Mais l’Etat aussi bénéficiait du système: les prépensionnés sont moins chers pour la sécurité sociale, car une partie du coût est supportée par les entreprises. Les mesures Di Rupo supirment ce système: en plusieurs phases, l’âge de la prépension sera reculé de sorte que le nombre d’années prestées sera augmenté. La carrière minimale devient 40 ans, l’âge minimum de la prépension sera relevé à 60 ans.

Le relèvemetn de l’âge de la prépension va dans la même direction dans le privé et dans le public (dans le public, une carrière de 40 ans est exigée et l’âge de la prépension est relevé à 62 ans). Il est frappant que cet âge minimum vaut aussi pour les métiers lourds et pénibles (construction, feu continue…), dont on sait qu’ils entraînent de sérieux problèmes de santé (maux de dos, perturbations du sommeil, etc).

Le démantèlement de dispositifs doux permettant de combiner le travail et la vie privée ne peut que renforcer cette tendance. Comme les droits aux différentes formes de crédit temps sont drastiquement diminués, des milliers de travailleurs seront poussés vers l’invalidité. Ce qui permettra de dégonfler –artificiellement- les chiffres du chômage, comme on l’a vu dans d’autres pays.

Le relèvement de l’âge de la prépension dans les entreprises en difficulté et en restrcucturation aura une autre conséquence perverse: comme il existe une série de protections pour les travailleurs de plus de 45 ans (droit à l’outsourcing, ...), cela aura pour effet que les travailleurs dans la tranche d’âge juste au-dessous seront dans le collimateur. C’est dit explicitement dans la note Di Rupo: en cas de licenciement collectif, la pyramide des âges doit être respectée scrupuleusement, sous peine de sanctions.

Quelques conclusions:

- le relèvement de l’âge de la prépension va réduire l’entrée de jeunes et d’autres chômeurs sur le marché de l’emploi;

- les travailleurs âgés et malades seront obligés de recourir au statut d’invalide;

- en cas de fermetures et de restructurations, plus de jeunes devront quitter leur emploi.

Les projets du gouvernement Di Rupo pour les jeunes qui quittent l’école et les chômeur-euse-s

Puisque la combinaison des mesures ci-dessus réduira les possibilités d’emploi pour les jeunes et les sans-emploi en général, posons nous la question: quelles sont les intentions du gouvernement Di Rupo à leur égard?

Les mesures les plus drastiques concernent les jeunes qui quittent l’école: à partir de 2012, le stage d’attente est prolongé de neuf à 12 mois. L’allocation disparaîtra après trois ans. Même pendant le stage d’attente,  la recherche d’emploi sera évaluée. L’allocation d’attente pourra être supprimée tous les six mois si l’évaluation est négative. En d’autres termes, on crée ici une vraie armée de réserve de chômeur-euses-s qui devront accepter n’importe quoi.

Pour les autres chômeur-euse-s, ceux et celles qui ont acquis leur droit aux allocations en travaillant, une seule règle est d’application: la diminution progressive des allocations. A partir de 2013, ils et elles pourront compter au début sur une allocation légèrement rehaussée (65% du plafond actuel) mais, après trois mois une diminution sensible intervient, jusqu’au forfait. Cette diminution peut être plus ou moins rapide en fonction de la situation familiale, de l’âge et de la carrière. Mais les isolés comme les chefs de ménage peuvent passer sous le seuil de pauvreté (1069 Euros pour les chefs de ménage H/F, et 898 pour les isolés).

Les chômeur-euse-s doivent rester disponibles sur le marché de l’emploi jusqu’à 55 ans en 2013 et 58 ans en 2016. Sur ce point, les Régions pourrront décider. Il y a aussi une nouvelle définition de l’emploi convenable: on peut exiger des chômeur-euse-s de se déplacer jusqu’à 60 km, quelle que soit la durée du déplacement (25km précédemment). Cette mesure est reprise telle quelle de ce qui a été imposé en Allemagne.

Le modèle allemand

Les différentes propositions de la commision Hartz sous le gouvernement social-démocrate de Schröder ont fondamentalement réformé le marché du travail en Allemagne en 2002. Elles ont débouché sur un démantèlement du salaire minimum, des droits des sans emploi, sur le relèvement de l’âge de la pension et une dégradation dramatique des conditions de travail de millions de travailleurs allemands.

Elles ont ausi entraîné une vague de résistance contre ces mesures. En fin de compte, elles ont  mené à une rupture d’importantes fractions du mouvement syndical avec la social-démocratie.

Les plans du gouvernement Di Rupo sont dans la même logique que ceux de Schröder. Plus que jamais, une résistance syndicale décidée est indispensable!

Voir ci-dessus