La faillite de Bankia, le sauvetage de l’Espagne et la crise de l’Euro
Par Andreu Coll le Vendredi, 08 Juin 2012 PDF Imprimer Envoyer

La faillite de Bankia n’est que la partie émergée de l’iceberg d’un système financier hypothéqué jusqu’aux oreilles à cause de sa participation à la spéculation immobilière.

La nationalisation de Bankia par le Parti populaire (PP) est un assainissement mené à bien grâce à de l’argent public (issu de coupes budgétaires que nous avons subies et à l’origine de celles encore plus dramatiques à venir) d’une entité privée contrôlée par une clique qui est la meilleure expression de la symbiose entre pouvoir politique et intérêts privés qui caractérise le régime oligarchique espagnol.

Le capital que la banque a investi avec d’infimes possibilités de récupération, pourrait dépasser les 130 milliards d’euros. Ainsi, depuis le début de la crise en Espagne, une partie importante de la banque a réussi à se maintenir à flot en suçant le sang des citoyens grâce aux subventions publiques alors même qu’elle envoyait la police pour déloger des familles qui avaient tout perdu.

Pourquoi nationaliser Bankia  ? Non seulement parce que c’est la quatrième entité financière de l’État espagnol, mais aussi parce que c’est celle qui possède le plus de liens organiques avec le PP.

Parce qu’elle est extrêmement endettée auprès du système bancaire international. Parce que des banques clés pour la stabilité mondiale ont soutenu Bankia depuis son entrée en bourse  : UBS (principale banque suisse), Deutsche Bank, Merril Linch, J.P. Morgan Chase...

Tout le dispositif de domination néolibérale imposé il y a 30 ans consiste à récupérer les bénéfices des capitalistes à coups de réduction de salaires directs et indirects des travailleuses et des travailleurs sans augmenter les richesses et productions réelles, et en privatisant des entreprises et des ressources publiques viables. Cette réduction du pouvoir d’achat a forcé l’endettement massif des travailleurEs, endettement favorisé par la totalité des entités financières pour stimuler la consommation, ce qui constitue la cause fondamentale de la crise en cours.

Les sauvetages de banques pratiqués par tous les gouvernements occidentaux (de droite comme de «  gauche  ») n’ont pas stoppé l’hypertrophie financière mais l’ont rendue plus agressive et ont imposé un rapport de forces beaucoup plus défavorable  : ils ont rendu impossible une politique alternative fondée sur la protection sociale et le crédit direct aux particuliers et aux entreprises pour l’économie réelle et l’emploi.

Sauver Bankia avec de l’argent public comme prétend le faire Rajoy va inaugurer un nouveau cycle de sauvetages bancaires ici et dans les pays environnants. Cela signifie une recrudescence des coupes budgétaires et des politiques d’austérité, provoquant ainsi une augmentation galopante du chômage et très probablement une grande dépression, différente mais sans doute aussi grave que celle des années trente. De plus, comme l’affirme déjà une partie de la presse économique internationale, la nationalisation de Bankia peut très certainement entraîner une intervention de la Troika en Espagne qui aurait des conséquences semblables à celles que connaît si bien le peuple grec. Et si ce n’était pas «  assumable  » par la BCE, cela signifierait peut-être purement et simplement l’explosion de l’euro.

La seule façon d’en finir à court terme avec la dictature financière, c’est de suivre la voie islandaise. Laisser les banques insolvables faire faillite, garantir les dépôts, poursuivre les responsables en justice et faire en sorte que les pertes soient supportées par les créanciers et les actionnaires. En fait, la seule issue progressiste à la crise serait d’imposer une répartition radicale des richesses et du travail, l’expropriation de tout le système financier et une reconversion écologique en profondeur de l’économie (transports, énergie, industrie, agriculture, etc.). Si cela est possible dans le cadre de l’euro c’est bien, sinon nous ne devons pas accepter les chantages de Merkel, Draghi ou Barroso. Quoi qu’il en soit, il faudra combattre les dérives nationalistes et défendre un internationalisme anticapitaliste qui propose une alternative pour les travailleurEs et pour les peuples d’Europe.

Andreu Coll (Izquierda Anticapitalista).


 

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