« Programmation d’une pauvreté généralisée pour les chômeur/euse/s : Di Rupo doit retirer ces mesures inqualifiables »
Par Daniel Richard, Denis Horman le Mercredi, 17 Avril 2013 PDF Imprimer Envoyer

A la veille de la manifestation de la FGTB wallonne contre la réforme du chômage, la Gauche a interviewé Daniel Richard, le secrétaire régional interprofessionnel de la FGTB de Verviers.

On mesure encore assez mal la catastrophe qui s’abat sur les chômeurs !

Daniel Richard : Aujourd’hui, on est fixé sur l’ampleur de cette catastrophe et les chiffres font froid dans le dos. A Verviers, on a refait nos comptes : rien que pour les affilié/e/s de la FGTB, ce sont 1462 personnes qui vont être exclues du chômage le 1er janvier 2015. Et dans l’arrondissement, plus de 3000 personnes seront concernées. Pour l’ensemble du pays, on avance le chiffre d’une quarantaine de milliers de personnes, dont 30 000 pour la Wallonie.

L’exclusion du chômage touche les travailleurs sans emploi inscrits sur base de l’article 36 (leur droit étant ouvert sur base des études) qui ne pourront justifier  un nombre de journées de travail suffisant pour une période de référence. Et les prestations en intérim ou à temps réduit ne sauveront pas automatiquement le droit des travailleurs concernés. Ce sera aussi l’exclusion du chômage pour les cohabitants, quel que soit leur âge. Ce sera aussi l’exclusion pour les isolés et les chefs de ménage, au bout de trois ans à compter de leur trentième anniversaire et qui n’auront pu justifier  un nombre de journées de travail suffisant.

C’est donc ce gouvernement, avec à sa tête un 1er ministre socialiste, qui a osé briser le droit à des allocations illimitées dans le temps.

Mais les mesures gouvernementales contre les chômeurs ne s’arrêtent pas là !

Malheureusement pas ! Le gouvernement a également décidé la dégressivité des allocations pour les chômeurs  inscrits sur base d l’article 30 (c’est-à-dire ceux qui ont eu l’occasion de construire leur droit au départ d’une période de travail suffisante. Au bout d’un moment, leur allocation  échouera à un montant forfaitaire par catégorie : 493,74 euros pour les cohabitants (c’est déjà plus ou moins la situation actuelle) ; 934,44 euros pour les isolés et 1 112,52 euros pour les chefs de ménage. C’est donc l’ensemble des chômeur/euse/s qui va se retrouve dans la précarité, et la plus grande partie en dessous du seuil de pauvreté. C’est aussi une perte du pouvoir d’achat, par rapport à la situation précédente, de 198,64 euros (- 17,5%) pour les isolés et de 198,64 euros (- 12%) pour les chefs de ménage.

Comment le gouvernement Di Rupo ose-t-il encore prétendre qu’il ne touche pas au pouvoir d’achat des travailleurs, avec ou sans emploi ? Et quelle autre catégorie sociale aura, à terme, produit, sous contrainte, un tel effort relativement à son pouvoir d’achat pour payer les agissements scandaleux  de Dexia, KNC, Fortis ou Ethias ?

En guise de lot de consolation, notre ministre de l’Emploi, Monica De Coninck a osé déclarer, en réponse à une question d’une députée : « Il reste prévu que le minimum de chômage sera toujours plus élevé que le revenu d’intégration sociale ».

Dernièrement, à l’explication de toutes ce mesures, un chômeur, militant socialiste, réagissait : « ils n’oseront jamais nous faire ça ». Son dépit résonnait dans la salle Camus de la CGSP de Verviers. Et pourtant, ils l’ont fait !

Mais au fait, quel est pour le gouvernement le véritable but de ces mesures ?

Notre ministre d’Emploi ose affirmer que  la dégressivité des allocations n’a pas d’impact sur les comptes de l’ONEm : « Ce n’est pas l’objectif ; l’objectif est d’aider les gens et de les stimuler à trouver un job ». C’est tellement facile de jouer sur le cliché du chômeur fainéant qui ne cherche pas de boulot ! A Verviers, il y a actuellement 16 200 demandeurs d’emploi pour 441 offres ; ça donne grosso modo un emploi pour une quarantaine de chômeurs.

Aucune justification de type budgétaire ne peut être reçue pour expliquer les motivations profondes de la classe politique. Il faut savoir par exemple, et c’est un rapport de l’ONEm de 2012 qui l’indiquait, que l’ensemble des allocations versées à la totalité des chômeurs de Belgique atteignaient un montant de 6,917 milliards. Pour la même période, en sa page 92, le rapport 2011 du Conseil central de l’économie indiquait que les  « cadeaux » discaux et parafiscaux aux entreprises seraient de 10 299 milliards. Ces avantages sont octroyés inconditionnellement, sans contrainte en terme de création d’emplois. Les « profiteurs » ne sont pas d’office ceux qu’on dit.

Et puis, que vont rapporter ces mesures iniques sur le dos des chômeurs ? Selon les estimations, à peine quelque 242 millions d’euros en 2015. Mais, pour notre premier ministre Di Rupo, « Nous agissons pour tout le monde, les gens au chômage et ceux qui travaillent, les jeunes…Un gouvernement s’occupe de toute la société. Et on essaie de trouver une solution de cohésion sociale : c’est notre responsabilité ». L’exclusion de quelques 40 000 travailleurs sans emploi du bénéfice des allocations de chômage, au premier janvier 2015 (dont près de 30 000 wallons), sans oublier  les centaines de milliers qui vont tomber sous le seuil de pauvreté, est ainsi présentée  comme un tribu à la cohésion nationale, au « sauvetage du pays » et à la démocratie.

Les patrons peuvent se frotter les mains. Ces mesures gouvernementales vont exercer une pression insupportable sur les travailleurs sans emploi pour qu’ils acceptent n’importe quel boulot, dans n’importe quelles conditions et ainsi donner entière satisfaction au patronat qui veut un marché flexible su travail avec une main d’œuvre la moins chère possible. C’est aussi une pression énorme qui va s’opérer-elle existe déjà- sur les conditions de travail et de salaire des travailleurs.

Nous avons des difficultés pour mobiliser les travailleurs actifs sur la question des chômeurs. Il nous faut passer à la vitesse supérieure pour monter toutes les raisons d’une solidarité active, entre travailleurs avec et sans travail, face à ces mesures d’un gouvernement antisocial actif prises concernant les chômeurs.

D’où l’importance de la manifestation organisée par la FGTB wallonne de ce jeudi 18 avril à Namur. Quelles seront les revendications concrètes portées par cette manifestation syndicale ?

Pour moi, le mouvement syndical doit, au-delà de la dénonciation, exiger le que le gouvernement Di Rupo retire ces mesures inqualifiables. D’autant plus que les CPAS, financés à hauteur de 25% à 30% par les communes, ne pourront pas répondre à l’afflux des demandes d’aide sociale. Cela est encore plus évident que, lors du dernier contrôle budgétaire,  des économies montant à 37,4 millions d’euros viennent d’être faites sur le dos  des CPAS !

Notre manifestation de jeudi ne doit pas viser seulement le fédéral, mais également le gouvernement de la Région wallonne. Lui aussi doit prendre clairement position. Il faudra, après cette manifestation, continuer à organiser la résistance pour ne pas que des milliers de personnes se retrouvent sous le seuil de pauvreté. Qu’est-ce que je vais aller dire à mes quelque 1500 affiliés à la FGT B de Verviers, qui seront exclus du chômage au 1er janvier 2015, si nous les laissons tomber ?

Et il y a bien  d’autres raisons de continuer la mobilisation : le blocage des salaires, la manipulation de l’index, le non remplacement des agents partis dans la fonction publique, la réduction du temps de travail, aller chercher l’argent là où il se trouve…

Propos recueillis par Denis Horman




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