« Bolkestein II » adoptée
Par Patrick Tamerlan le Samedi, 25 Novembre 2006 PDF Imprimer Envoyer

Sans suspense, le Parlement européen a adopté, le 15 novembre, la dernière version de la directive « Bolkestein » sur la libéralisation des services dans le marché intérieur. Ce texte majeur pour l’Union européenne légalise le dumping social. Il est à présent devant les Parlements des États membres.

Près de trois ans après sa présentation par la Commission de Bruxelles, la directive « Bolkestein » sur la libéralisation des services a finalement été adoptée par le Parlement européen, mercredi 15 novembre à Strasbourg. L’accord passé en octobre dernier entre les deux principaux groupes du Parlement, les conservateurs du PPE et les socialistes du PSE, soutenus par les libéraux (Alde), a assuré au texte une confortable majorité des deux tiers ou, plutôt, il a garanti que cette majorité ne soutiendrait aucun des amendements déposés par les Verts et par la GUE/NGL.

Lors du débat qui a précédé le vote, la rapporteuse socialiste, Évelyne Gebhardt, a naïvement qualifié le texte de « symbiose entre, d’une part, les intérêts des travailleurs et des consommateurs et, de l’autre, l’économie ». Elle a souligné que les droits des travailleurs seraient préservés, grâce à la suppression du très critiqué « principe du pays d’origine ». Dans le même esprit consensuel, Charlie Mc Creevy, le commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, a qualifié ce texte de « crucial pour encourager l’entreprenariat et promouvoir l’emploi et la croissance ». Il a aussi décrit l’accord intervenu comme un « jalon dans l’histoire du Parlement européen ».

Dans les faits et contre toutes les déclarations hypocrites des libéraux de toute obédience, cette nouvelle directive sur les services s’ajoute aux précédentes directives de libéralisation des secteurs de l’énergie, des chemins de fer, du transport aérien ou encore des postes. Pour preuve encore, le patronat européen (Unice), emmené par Ernest-Antoine Seillière, ne regrette pas la version dure de Bolkestein et, tout en considérant le texte comme « moins ambitieux », il n’en considère pas moins son adoption comme un « pas en avant prometteur » dans la dérégulation générale des services.

La logique libérale de la directive est, en effet, maintenue. Le dogme du libre-échange créateur d’emploi est confirmé. Il en est de même pour la foi dans le lien entre la compétitivité des fournisseurs de services et la création d’emplois ou la prestation de services de qualité. Enfin, cette nouvelle directive continue à asséner la contre-vérité que la concurrence profite aux consommateurs.

Il n’y a donc pas de revirement de l’Union européenne (UE). Il est même fort probable que le principe du pays d’origine, retiré et remplacé par le principe de liberté de prestation au sein de l’UE avec obligation pour le pays d’accueil de lever les obstacles administratifs, ne revienne par la jurisprudence. Car le retrait de ce principe ne signifie pas, pour autant, que le droit du pays d’accueil s’applique, laissant cet imbroglio juridique à la discrétion de la Cour européenne de justice de Luxembourg. Les services d’intérêt général non économiques exclus aujourd’hui pourraient revenir dans le champ d’application à la faveur d’un relâchement de la mobilisation. Charlie McCreevy n’écarte d’ailleurs pas la possibilité de proposer, dans les prochains mois, de nouvelles mesures de libéralisation, d’« harmonisation plus poussée », dans certains secteurs. Bruxelles a dans sa ligne de mire, notamment, le secteur de la santé.

La directive adoptée doit être formellement entérinée par les ministres des Vingt-Cinq, a priori, avant la fin de l’année. Les États membres auront alors trois ans pour la transposer en droit national. Comme lors du référendum sur le traité constitutionnel européen, il en va de la responsabilité des antilibéraux de mettre à profit ce délai, afin de lancer une campagne européenne pour le rejet total de cette nouvelle directive et pour l’harmonisation des conditions de travail, dans l’ensemble des pays de l’UE, en s’alignant sur la législation offrant le plus haut degré de protection aux salariés.

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