Papotages politiques sous le soleil
Par Virginie Godet le Lundi, 03 Octobre 2005 PDF Imprimer Envoyer

28 mai 2005. Le jour d'avant le non. 10.000 femmes dans les rues de Marseille (moins, selon la police, routine, routine…). 10 000 pour demander un monde plus juste pour elles, pour eux, pour nous, pour les générations à venir. Le relais européen de la Marche Mondiale des Femmes a été beau, enthousiasmant, émouvant, constructif… et presque invisible. Perdue dans la foule de la délégation belge (402 femmes, dont certaines partant loin de chez elles pour la première fois), ma petite personne, venue pour assister aux débats sur le thème: Démocratie, égalité, pouvoir, laïcité en Europe. Tout un programme, que je m'en vais vous servir à ma sauce !

Le matin, avant la grande manif', était réservé aux débats. Comme dans un forum social, c'est un peu la pagaille, entre les personnes qui cherchent leur atelier, la distribution des casques de traduction, les consignes pour les interventions (courtes, s'il vous plaît, on va commencer avec 20 minutes de retard !). Tout le monde s'installe, dans les somptueux locaux du Conseil Régional. Les retardataires sont refoulées à l'entrée (la plupart des Parisiennes, qui allaient faire l'aller-retour dans la journée, pour aller voter le lendemain).

Les intervenantes prennent place, et c'est à cet instant que l'atelier prend un tour surréaliste. Un débat sur la place des femmes dans la prise de décisions en Europe ne pouvait ignorer le Projet de Traité Constitutionnel Européen. Or, on nous demande de ne pas nous prononcer, afin de ne pas influencer les éventuelles indécises présentes… Situation risible, un mini sondage improvisé révélant une proportion de type 90/10 en faveur du non. Et des positions claires et tranchées, souvent très bien argumentées. Les indécises se révèlent de plus en plus éventuelles !

Pour nous mettre en appétit, lecture du mot d'excuse de Marie-George Buffet, qui nous explique que la campagne référendaire l'occupe entièrement, mais qu'elle pense à nous et nous soutient de tout cœur. Et de souligner que le non doit l'emporter… Hop ! premier accroc aux consignes ! A partir de là, difficile de tenir les oratrices, dont le contenu des interventions, s'il ne comporte pas les mots "votez non" est une diatribe contre l'Europe néo-libérale en chantier, le peu de place qu'elle accorde aux femmes dans ses instances, l'influence machiste que peuvent avoir les Eglises en tant que partenaires privilégiés, le détricotage des services publics, des systèmes de sécurité sociale… Tout l'argumentaire des partisans du non y passe, on se prononce sans se prononcer. Voilà ce qui s'appelle jouer avec les mots !

Très vite, des propositions de revendications se dégagent. Résumons : suppression du statut privilégié des Eglises comme interlocuteurs sociaux ; instauration de la parité dans les instances consultatives et décisionnelles à tous les niveaux; alignement des normes sociales européennes sur les standards les plus hauts ; promulgation d'un statut de l'élu(e), permettant à toutes et tous de concilier vie familiale et travail politique… Pardonnez-moi si j'en ai oublié.

Certaines lancent l'idée d'un mémorandum à soumettre au nouveau pape, lui demandant des excuses publiques aux femmes d'Europe pour la chasse aux sorcières. Bouillonnement, foisonnement…

On finit la matinée sur les genoux, la tête comme un chou-fleur et l'estomac qui crie famine. A peine le temps d'avaler un panier pique-nique (baguette, camembert et jambon-beurre, vive la France !) qu'on se en marche pour le départ de la manif, sous un soleil de plomb, en enviant les Espagnoles, qui ont apporté leur éventail, elles ! On a chaud, on rit, on chante, on crie, on retrouve des copines dont on ignorait la présence. Allez, rien ne vaut une rencontre de ce type pour recharger les batteries militantes !

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