Oui! l'écologie
Par Daniel Tanuro le Mardi, 14 Septembre 2004 PDF Imprimer Envoyer

Ce titre un peu provocateur vise évidemment à affirmer l'importance majeure de la question écologique. Mais sa publication, dans La Gauche, envoie en plus deux autres messages. Aux marxistes, il rappelle que le capitalisme exploite non seulement les travailleurs mais aussi les ressources naturelles, qu'il y a un lien entre les deux et que le travail sur ce lien est décisif à l'alternative. D'autre part, face aux non-marxistes, ce titre dit notre volonté de refondre notre programme en y intégrant l'environnement, volonté qui doit encore trouver ses concrétisations indispensables...

Dans le précédent numéro, la rédaction de la gauche a préféré titrer Des nouvelles de la planète. C'est un peu gnan-gnan et ça me fait penser au "salon de thé pour les dames", dans le saloon de Calamity Jane. Je veux dire ceci: l'ambition de cette rubrique n'est pas seulement de consacrer une page à l'environnement (le coin des verts), mais de contribuer à "écologiser" notre pensée et nos activités. Je suis certain que la rédaction est d'accord avec cette perspective, c'est pourquoi je persiste et titre: Oui, l'écologie ! 

Ceci dit, les "nouvelles de la planète" ne sont pas fameuses, nous le  savons tous. Mais il faut se méfier de certains discours apocalyptiques. Un exemple est le rapport du Pentagone sur les répercussions du changement climatique pour la sécurité nationale des Etats-Unis, révélé par The Observer. Rivalisant de précision avec Nostradamus, les auteurs datent les désastres qui nous frapperont dans les vingt prochaines années. 2007: rupture des digues aux Pays-Bas, La Haye est sous eau; rupture des digues dans le delta du fleuve Sacramento et formation d'une mer intérieure en Californie. 2010: arrêt du Gulf Stream, brusque basculement climatique, la température chute de 3° dans l'hémisphère Nord; conflit entre le Bangladesh, l'Inde et la Chine; des millions de gens fuient la montée des océans. 2022 (quel mois ?) affrontements entre  l'Allemagne et la France qui se disputent les eaux du Rhin; les Scandinaves émigrent vers le Sud. Etc, etc. 

Médias et associations se sont jetés sur ce rapport pour  le retourner contre George W. Bush. Rob Gueterbock, de Greenpeace: "Vous avez un Président qui dit que le réchauffement global est un canular, et de l'autre côté de la rivière Potomac vous avez un Pentagone qui se prépare à des guerres climatiques". Le paradoxe est frappant, en effet. Mais le rapport lui-même est digne d'un canular. C'est un "copier/collé" des scénarios les plus extrêmes étudiés par le Groupe Intergouvernemental des Experts du Changement Climatique (GIEC). Pour rendre le résultat "plus sexy", les auteurs ont rapproché les échéances au maximum, sans se rendre compte que certains scénarios s'excluent mutuellement. Exemple: on ne peut pas avoir à la fois une nouvelle ère glaciaire dans l'hémisphère Nord et une montée générale des océans. Si l'eau évaporée à la surface des mers retombe en neige et s'accumule en glace (au point que la banquise couvrirait la Grande-Bretagne !), alors cette eau ne retourne pas à la mer et le niveau des océans descend, au lieu de monter. Elémentaire, mon cher Watson ! 

Mais il y a une autre raison, plus importante, pour se méfier du "modèle climatique" pentagonesque. En effet, ce modèle nie que le changement climatique soit le produit de l'activité humaine. Il s'agirait d'un processus naturel, inévitable. Du coup, la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne figure pas parmi les conclusions. Rien n'est proposé pour enrayer le changement climatique. Simplement (si on peut dire !), les USA doivent se préparer à affronter un monde encore plus chaotique (famines, guerres nucléaires, pénuries d'eau douce et d'énergie, migrations massives...). Donc se transformer en "forteresse" en attendant le moment où "la nature", comme pendant la Grande Peste, aura purgé la population mondiale de quelques dizaines de millions de pauvres excédentaires, jaloux de sa richesse. C'est du Malthus à la puissance dix... 

Que le changement climatique constitue une menace majeure pour l'humanité et les écosystèmes, on n'a pas besoin du Pentagone pour le savoir. Ce rapport est nul du point de vue scientifique. Par contre, il nous montre de manière extrêmement inquiétante que certains "futurologues", et à travers eux des secteurs de la classe dominante, sont prêts à TOUT pour protéger leur système. Prêts à manipuler la science. Prêts à envisager froidement des "solutions" dignes de la barbarie nazie. Et prêts à emballer le tout dans une idéologie d'un autre âge, pétrie de visions d'apocalypse et d'Armageddon climatique.

Ce qui me permet de retomber sur mes pattes et de compléter le titre de cet article : Oui, l'écologie et le socialisme!

Voir ci-dessus