Italie: automne chaud pour Berlusconi. Entretien avec Flavia D'Angeli
Par Flavia D'Angeli le Mardi, 04 Novembre 2008

Depuis trois semaines, l’Italie connaît une forte vague de mobilisations contre Berlusconi. Le 17 octobre dernier une grève générale a été massivement suivie et des millions de personnes manifestent dans les principales villes du pays avec à leur tête la jeunesse des écoles et des universités. Le Samedi 25 octobre, 2 millions de personnes manifestaient à l’appel du Parti démocrate (centre gauche). Une grève générale dans tout le secteur de l'éducation (primaire, secondaire, supérieur et universitaire) s'est également déroulée ce jeudi 30 octobre.

Les politiques visant à faire payer les frais de la crise capitaliste aux travailleurs et aux jeunes ont unifié les luttes et les résistances. Ce réveil des luttes dans la péninsule survient plus d'un an après la victoire écrasante de Silvio Berlusconi et constitue une «surprise» pour beaucoup, à commencer par les partis traditionnels de l'opposition et pour le gouvernement lui-même, d'autant plus que les grèves ont été lancées par les « syndicats de base » - Cobas (Confération des comités de base), le RdB-CUB (Représentants de Base-Confédération unitaire de Base) et le SdL (Syndicats interprofessionnel des travailleurs) - en dehors des grandes centrales syndicales traditionnelles. Le point avec notre cama rade Flavia D’Angeli, membre de «Sinistra Critica» (la Gauche critique).

Quelle est la dynamique des mouvements actuels?

Flavia D’Angeli – La dynamique sociale a pris son essor avec le très fort mouvement des étudiants et des lycéens contre les menaces que Berlusconi fait peser sur l’Éducation. Il a démarré après la grande grève générale unitaire et la manifestation du 17 octobre [500 000 personnes, NDLR], appelée par les syndicats de base, c’est-à-dire en dehors des grandes confédérations, contre la politique de Silvio Berlusconi, notamment les attaques sur l’Éducation et la question des salaires. Le cortège était encore plus imposant que celui des partis politiques de gauche, le 11 octobre [300 000 personnes, NLDR].

Comment a démarré le mouvement dans l’Éducation?

Flavia D’Angeli – C’est un grand mouvement spontané et auto-organisé des étudiants et des lycéens. L’université de Rome, l’une des plus grosses d’Europe, en est l’épicentre. Des centaines de facultés et de lycées sont occupées. Berlusconi a annoncé, lors d’une conférence de presse, qu’il s’apprêtait à envoyer la police contre les occupants. Cette annonce a multiplié les occupations et, du coup, il a dû faire un rectificatif. Le projet de loi détaillé n’a pas encore été présenté, mais une coupe budgétaire de 8 milliards d’euros en trois ans et la suppression de 200 000 emplois a été annoncée. L’école primaire est particulièrement visée et les enseignants y sont très mobilisés. Pour réduire les effectifs, il est question d’arrêter les classes à 13 heures, au lieu de 16 h 30. Du coup, les parents, qui n’ont pas de solution pour faire garder les enfants, sont aussi très mobilisés.

Quel est l’état des forces politiques?

F. D’Angeli – La cote de popularité de Berlusconi est tombée de 60 % à 40 % d’opinions favorables depuis le début du mouvement. Mais l’opposition parlementaire n’en bénéficie pas pour autant, et la droite reste bien installée. La manifestation du samedi 25 octobre, organisée par le Parti démocrate [1], a rassemblé 500 000 personnes (selon la police) contre la politique de Berlusconi, ce qui est un succès indéniable. Mais le secrétaire général du parti, Walter Veltroni, reste sur une ligne de défense démocratique face à Berlusconi et, bien qu’à l’écoute du mouvement étudiant et lycéen, il n’apporte aucune réponse différente sur le plan social. Pour autant, les étudiants et les lycéens ne sont pas allés à sa manifestation, car ils restent dans une attitude de défiance envers les partis institutionnels. Le Parti de la refondation communiste, qui n’a plus de représentants au Parlement, paye toujours son soutien politique au précédent gouvernement de Prodi. Aujourd’hui, après deux semaines de mobilisation sociale, il est absent des manifestations et des occupations de facultés.

Quelles sont les perspectives?

F. D’Angeli – La crise économique et les mobilisations en cours fragilisent le consensus sur lequel s’appuie la droite. Le mécontentement social contre Berlusconi grandit, car aucun problème n’a été résolu depuis les élections. Mais l’opposition n’offre pas d’alternative réelle. Dans cette situation, la mobilisation actuelle, qui donne de grands espoirs, peut aussi déboucher sur des solutions populistes. La gauche anticapitaliste est aussi très faible. Nous intervenons activement dans le mouvement. Il faut que le mouvement puisse gagner sur quelques points afin de retrouver confiance en ses propres forces.

[1] Parti de centre gauche, constitué par d’anciens membres du Parti communiste italien et de la Démocratie chrétienne.

Paru dans Rouge n° 2272, 30/10/2008. Propos recueillis par Jack Radcliff.


Appel de l'Université occupée de «La Sapienza» à Rome:

Aux universités occupées, aux étudiantes et aux étudiants, aux précaires de la recherche

«Nous ne paierons pas votre crise!», c'est avec ce mot d'ordre que depuis plusieurs semaines nous avons commencé les mobilisations à l'intérieur de l'Universitré «La Sapienza» de Rome. Un slogan simple et très clair: la crise globale est la crise du capitalisme lui-même, de la spéculation financière et immobilière, d'un système sans règles ni droits, de patrons d'entreprises sans scrupules. Cette crise ne peut pas retomber sur l'éducation, de l'école primaire à l'université, sur la santé, sur les contribuables en général.

Ce slogan est devenu célèbre, passant de bouche à oreille, de villes en villes. Des étudiants aux précaires, des salariés aux chercheurs, personne ne doit payer la crise, personne ne veut que l'on socialise les pertes dans un contexte où les richesses ont été accaparées depuis des années par une petite minorité.

C'est cette contagion qui se diffuse depuis des semaines, la mulitplication des mobilisations dans les écoles, dans les universités, dans les villes, qui provoque la peur de ceux d'en haut. On sait que lorsqu'un chien est effrayé, il mord. La réaction du président du conseil Berlusconi ne s'est pas faite attendre en envoyant la police dans les universités et les écoles occupées afin «d'éradiquer la violence dans le pays».

Hier encore, Berlusconi avait déclaré qu'il voulait augmenter les aides aux banques et faire en sorte que l'Etat et les dépenses publiques soient en dernière instance les garants des prêts aux entreprises. En d'autres termes; réduction des budgets pour l'éducation, moins de ressources pour les étudiants, pour la santé, mais plus d'argent pour les entreprises, pour les banques, pour les capitalistes.

Nous nous posons donc la question: où est la véritable violence? Est-ce violent d'occuper une université ou est-ce au contraire violent qu'un gouvernement impose la Loi 133 et le Décret Gelmini sans débat parlementaire? Est-ce la dissidence qui est violente ou au contraire ceux qui veulent l'écraser avec la police? Est-ce un violent celui qui se mobilise en défense de l'université et de l'école publique ou est-ce ceux qui ont l'intention de les éliminer afin de favoriser les intérêts économiques d'une minorité?

La violence est du côté du gouvernement Berlusconi; à l'opposé, dans les universités et dans les écoles occupées, c'est la joie et l'indignation de ceux qui luttent pour leur avenir, de ceux qui n'acceptent pas d'être mis dos au mur ou réduits à se taire, de ceux qui veulent être libres.

Ils nous ont dit que nous ne faisons que dire non, que nous n'avons aucune proposition. Rien de plus faux; ces occupations et assemblées de ces derniers jours sont en train de construire une nouvelle université, une université faite de connaissances, mais aussi de sociabilité, de culture mais aussi d'information et de conscience. Etudier est pour nous indispensable, c'est pour cela que nous considérons la protestation comme indispensable: occuper pour faire en sorte que l'université publique vive, se mettre en dissidence pour pouvoir continuer à étudier et à rechercher.

Beaucoup de choses sont à changer à l'université et à l'école, mais ce qui est certain, c'est que ces changements ne peuvent pas avoir lieu avec un sous financement. Changer l'université signifie d'augmenter ses ressources, de soutenir la recherche, de qualifier les processus de formation, de garantir la mobilité (des études à la recherche et au doctorat). Au contraire, le sous financement n'a qu'un seul objectif; transformer les universités en fondations privées, décréter la fin de l'université publique.

Le plan est limpide, ses instruments également: la Loi 133 a été approuvée pendant le mois d'août et face aux protestations de dizaines de milliers d'étudiants, on appelle la police. Ce gouvernement veut détruire la démocratie par la peur, par la terreur. Mais aujourd'hui, depuis «La Sapienza» mobilisée et à partir de toutes les universités occupées, nous affirmons que nous n'avons pas peur et que nous ne reculerons pas. Au contraire même, notre intention est de faire reculer ce gouvernement; nous ne cesserons pas la lutte tant que le Loi 133 et le décret Gelmini ne seront pas retirés! Et cette fois-ci nous irons jusqu'au bout, nous ne voulons pas perdre, nous ne voulons pas baisser la tête face à tant d'arrogance. C'est pour cela que nous invitons toutes les universités occupées du pays à faire de même: ils veulent attaquer les occupations? Alors occupons mille autres écoles et universités!

De plus, après l'extraordinaire succès de la grève et des manifestations du 17 octobre appelées par les syndicats de base, nous pensons qu'est arrivé le moment le donner une réponse unitaire et coordonnée sur les places de nos villes. Nous proposons de concrétiser deux rendez-vous nationaux: le vendredi 7 novembre pour une journée de mobilisations et de manifestations dans toutes les villes; et le vendredi 14 novembre à Rome pour une grande manifestation nationale du monde de l'éducation, des écoles jusqu'aux universités, le même jour où les confédérations syndicales ont appelé à une grève. (...)

Ce qui se passe depuis plusieurs jours est l'expression d'une mobilisation extraordinaire, puissante, riche. Une nouvelle vague, une vague anormale qui n'a aucune intention de s'arrêter et qui veut au contraire gagner. Faisons grandir cette vague, faisons grandir l'envie de gagner! Ils pensent que nous sommes des idiots résignés, mais nous sommes intelligents et actifs et notre vague ira très loin!

Université occupée de «La Sapienza» à Rome, le 22 octobre 2008

Traduction pour: www.lcr-lagauche.be


Liens vers des vidéos des mobilisations:

http://tv.repubblica.it/copertina/universi...sta/25272?video

PISA:

http://uk.youtube.com/watch?v=zOjyVoK9OJ4
http://uk.youtube.com/watch?v=i_UTJLSgB ... re=related
http://uk.youtube.com/watch?v=L9atLexVx ... re=related

MILANO

http://uk.youtube.com/watch?v=BmzCmBQTNuc
http://uk.youtube.com/watch?v=eE6OYF2Ub ... re=related
http://uk.youtube.com/watch?v=lFzSFI_kX ... re=related
http://uk.youtube.com/watch?v=HTr9YxV4t ... re=related

ROMA

http://uk.youtube.com/watch?v=5F6AZ_kL6 ... re=related (lesson outside the Parliament)
http://uk.youtube.com/watch?v=95qwE4XLIhg
http://uk.youtube.com/watch?v=V_AEnya7oYY (Rage Against the Machine)
http://uk.youtube.com/watch?v=zoAfMj0fX ... re=related
http://uk.youtube.com/watch?v=9eHjZM2fZf4 (Roma Film Festival)

SKY TV

http://uk.youtube.com/watch?v=zAB00aRW0 ... re=related (the News crew was attacked after accusing the students of forcing the police barriers)

FIRENZE

http://uk.youtube.com/watch?v=6YLY_5dyBVg (death of education)
http://uk.youtube.com/watch?v=ZHRRZY96x ... re=related (brain hunt)
http://it.youtube.com/watch?v=ofjCoFYVy ... re=related (D&B off the Duomo)
http://uk.youtube.com/watch?v=vJTZnYlS5 ... re=related
http://uk.youtube.com/watch?v=NajWUGuBJ-0&NR=1
http://uk.youtube.com/watch?v=Rc75X8JBO ... re=related
http://uk.youtube.com/watch?v=Detmsdks9 ... re=related

PALERMO

http://uk.youtube.com/watch?v=T8jf6NRS6 ... re=related
http://uk.youtube.com/watch?v=hjUK0zH8C ... re=related
http://uk.youtube.com/watch?v=o9JiZ-Tqk ... re=related

TRIESTE

http://it.youtube.com/watch?v=70hU2Mjc7kk

Informations sur les luttes:

http://www.ateneinrivolta.org

 

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