Convention collective à La Poste: Un front commun syndical fissuré
Par Serge Alvarez le Lundi, 15 Février 2010

Le 21 janvier dernier, une nouvelle convention collective 2010 était présentée aux syndicats. Celle-ci portait sur 3 points importants: 1) les facteurs de quartier; 2) la prépension et 3) l'absentéisme. La direction a fait mine de reculer pour imposer de nouvelles dégradations des conditions de travail, et cela avec l'aval de la CGSP.

Facteurs de quartier: reculer pour mieux sauter?

Après de nombreuses négociations et de nombreuses grèves, la direction de La Poste a fait marche arrière. Le projet portait sur l’engagement de «travailleurs» payés 9 euro de l’heure, travaillant à temps partiel sans être réellement des postiers. La direction patronale a reculé et abandonné ce projet. Mais le nouveau projet ne vaut pas beaucoup mieux!

La nouvelle proposition est de faire passer les contractuels à durée déterminée en contractuels à durée indéterminée. Leur salaire serait diminué de 200 euro par mois pour faire le même travail... Il n’auraient des chèque-repas que dans 24 mois et n’auraient l’aide du service social de la Poste que dans 12 mois.

Cela constitue une perte nette de salaire, une perte sèche du pouvoir d’achat pour un travail identique. Il est clair que cela touche principalement les jeunes travailleurs(euses) qui n’ont pas eu d’autre choix que de signer de tels contrats sous peine de se retrouver sans emploi.

Il s’agit bel et bien d’un «moins pire»: om passe de l’esclavage au servage mais pas d’un salariat digne de ce nom. Non seulement, ils font le même travail qu’avant mais en plus ils perdent une partie du salaire ce qui accroît la différence salariale avec les statutaires.

A travail égal, salaire égal! Telle était un des revendications motivant le refus syndical tant de la CSC-ACV transcom secteur poste que du syndicat libéral. Seul la CGSP-ACOD (social-démocrate) a signé ce recul.

De plus cela sanctionne l’existence de sous-statut à la poste alors que le front commun avait toujours revendiqué l’engagement de statutaires en vertu de l’article 29 du 21/3/1991 concernant l’engagement de contractuels. C’est donc clairement une marche en arrière.

La prépension

Actuellement les travailleurs en âge de pré pension bénéficiaient sous condition d’âge et d’ancienneté de service de possibilité de travail à temps partiel ou de départ anticipé. Toutes les catégories de personnel étaient concernées.

Le front commun syndical avait toujours combattu des pré pensions ciblées à des catégories spécifiques de personnel. Le projet patronal était de maintenir ce système sous les conditions anciennes mais, et la différence est de taille, pour les services non renouvelables.

La conséquence en est évidemment que le travail est réparti sur ceux qui restent.

En outre, un facteur est renouvelable, un employé aussi. Ce sont donc les métiers postaux les plus lourds qui ne bénéficieraient pas de cette possibilité et devraient faire le plus d’années. De plus, une nouvelle distinction serait faite entre ceux qui préparent la tournée et ceux qui ne font que l’effectuer. Ces derniers n’auraient droit qu’à des contrats ouvriers avec les conséquences pour les maladies, la durée de préavis, calcul de la retraite.

La «lutte contre l’absentéisme»

Pendant des années, nous avions comme statutaire 21 jours par an de droit de maladie cumulables. Lors de la dernière convention collective, ils ont été limités à 300 jours au total.

Le restant étant divisé par 7 et mis en épargne pension. Cela signifiait déjà que ceux qui ne tombaient jamais malades ont été spoliés de jours possibles en fin de carrière (période où lorsqu’on tombe malade, c’est souvent plus long à se rétablir). Cette mesure était déjà contre productive par rapport aux buts avoués mais permettait à La Poste de faire de solides économies d’échelle.

La nouvelle proposition est encore pire:

- les postiers âgés de 58 ans pourraient se faire payer le nombre de jours qu’ils ont travaillé sans être malades (avec au maximum 21 jours par an), au prix de 14 euro brut par jour. Alors que son salaire journalier est de 70 euro net par jour environ. On voit clairement la spoliation.

- de mettre une partie du reliquat (divisé par 7) en épargne maladie pour partir plus tôt en fin de carrière. Cela n’a donc plus rien d’un départ anticipé.

De plus, les 21 jours cumulables seraient supprimés mais à prendre dans l’année sous peine d'être définitivement perdus. Nous estimons que si cela constitue une épargne financière pour la poste, cela pousse le personnel à l’absentéisme.

Conclusion

Pour les jeunes, si cette convention offre une meilleure garantie d’emploi, cela n’en constitue pas moins une perte nette de salaire et de pouvoir d’achat. De plus cela il s'agit d'un piège à l’embauche quand on sait que le même jeune toucherait du chômage 900 euro et n’en touchera que 1100 euro net, en étant absent du domicile de 5h du matin à 15h au plus tôt. Quand l’on sait qu’un loyer à Bruxelles est de 800 euro sans charges, cela condamne ces jeunes à dépendre de leurs parents.

Pour les plus anciens, les conditions de travail à temps partiel sont amplifiées mais leur départ en pré pension a disparu sauf pour quelques grades en pleine restructuration (près de 400 personnes sur 36000) et dont les conditions de travail ne sont pas les plus pénibles.

Pour ceux qui ne sont ni dans un cas ni dans l’autre, aucun avantage n’est obtenu. Par contre, ils doivent déjà subir les différentes restructurations (cause de nombreuses dépressions nerveuses et autres maladies) mais devraient se charger du travail restant.

C’est principalement sur ces bases que, tant les ailes francophones que néerlandophones de la CSC-ACV transcom (social chrétien et principal syndicat du pays) que la CGSLB (libéraux), ont refusé de cautionner cet accord. Seul la CGSP l’a signé avec la direction.

Il faut dire que vu la restructuration due à la diminution du nombre de bureaux de poste, les zones managers (1 par province) sont supprimés et remplacés par seulement 5 managers (tous membres du Parti socialiste!).

Cela représente une fois de plus une grave rupture du front commun au sommet et entraîne évidemment de grandes difficultés pour lutter de façon unitaire au niveau local. Sans compter qu'il s'agit en outre d'une rupture dans la constitution de cahiers revendicatifs communs pour l’année 2011 qui sera très dure vu l’entrée sur le marché d’opérateurs privés postaux.

Serge Alvarez, militant de la LCR à Bruxelles et délégué syndical CSC

 

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