ArcelorMittal – Liège : Lutter ou crever !
Par Denis Horman le Jeudi, 31 Janvier 2013

Si on ne fait rien, on va tous y passer » ! C’est la conviction exprimée par les délégations syndicales, FGTB et CSC, et les travailleurs d’ ArcelorMittal, à Liège.

Après la mise à mort de la phase à chaud, entrainant la perte de 800 emplois, le premier sidérurgiste mondial a décrété  la fermeture de 7 lignes sur les 12 de la phase à froid : ce sont, en plus des 800, 1 300 travailleurs (700 ouvriers et 600 employés) que Mittal  jette, comme des kleenex.

Le scénario catastrophe du démantèlement total d’Arcelor-Mittal Liège est bien là.

Pour la région liégeoise, c’est, au bas mot, une dizaine de milliers d’emplois, directs et indirects (entreprises sous-traitantes) qui sont dans la ligne de tir de la multinationale, avec des drames humains et sociaux, pour des milliers de familles.

Une mort programmée

« Ces fermeture, elles étaient prévues et planifiées de longue date. Maintenant, les cinq lignes qui restent ne sont pas en état de produire, et c’est l’ensemble du bassin qui est menacé. Ceux qui disent que ça va aller sont soit naïfs, soit complices du génocide social ». C’est ce qu’a déclaré, ce lundi, 29 janvier, devant les sidérurgistes en grève, réunis en assemblée générale, Robert Robert Rouzeeuw, le président de la délégation ArcelorMittal de la FGTB.

Aujourd’hui, devant l’ampleur de la catastrophe et l’animosité grandissante des sidérurgistes liégeois vis-à-vis du pouvoir politique, le liégeois PS,  Jean-Claude Marcourt,  ministre wallon de l’Economie, se rallie au diagnostic syndical. Dans la Libre Belgique du 28 janvier, il  déclarait : « le manque de compétitivité des outils n’est pas le fruit du hasard, ni celui de la crise. Il est le résultat d’une stratégie,  mise en place depuis des années, dont l’étape ultime est la fin de la sidérurgie liégeoise. Quand je vois la manière dont le dossier est géré, je me dis que le démantèlement intégral est programmé ».

Ce qui n’a pas empêché l’exécutif de la Région wallonne de rester au balcon,  après la décision de Mittal de fermer le « chaud ».

Faire confiance aux « amis » politiques ?

On en a entendu, ces derniers jours, des vertes et de pas mûres, de la part de nos hommes politiques, en ce qui concerne l’attitude de Lakshmi Mittal. Et, dans les rangs socialistes, on n’y a pas été de main morte. On a entendu les mots « lâcheté », « trahison ». Celui qui a fait très fort, c’est Alain Mathot, député-bourgmestre de Seraing, à propos de Lakshmi Mittal : « On est tout simplement face à une crapule, un arnaqueur ».

Des paroles très dures ! Mais où sont les actes, les propositions et décisions politiques pour « dégager » Mittal et le faire payer, pour arrêter les licenciements et le démantèlement, pour sauver et garantir l’emploi, pour créer une autre « logique » que celle dictée par la course au maximum de profits, avec des actionnaires insatiables,  sacrifiant, sans scrupules, le sort de milliers de travailleurs.

La fortune de Lakshmi Mittal, bâtie sur l’exploitation des travailleurs,  dépasse les 22 milliards de dollars. En 2011, la multinationale a engrangé 2,3 milliards de dollars de bénéfices et son chiffre d’affaires s’est accru de 8%.

Confiance aux « amis » politiques ? La LCR a distribué un tract aux sidérurgistes (voir sur notre site), intitulé « Mittal escroc, Politiques complices ». Un tract qui commence par quelques questions : « Qui possédait 99,77% de Cockerill-Sambre et l’a vendue (en 1998, à Usinor)  26 milliards de francs… après y avoir investi 150 milliards de francs belges et supprimé des milliers d’emplois »? Ou encore : « Qui a donné, à Mittal, 1,5 milliards d’euros, en quotas de CO2 et en cadeaux fiscaux (en 4 ans, ArcelorMittal a eu un taux d’imposition moyen de 1,4% sur ses bénéfices)? Qui ? L’Etat et la Région wallonne. Ils se cachent derrière l’Europe pour nationaliser les pertes, privatiser les bénéfices et presser les travailleurs comme des citrons »!

Le scénario risque bien de se répéter. La Région wallonne conditionne son aide  à la reprise, toute hypothétique, par un industriel privé,  des outils de la sidérurgie liégeoise. Sinon, on passe au volet social !

Réquisition, mise sous statut public, expropriation sans indemnités, ni rachat !

« Mittal Go Home », lancent les syndicats sidérurgistes ! La multinationale est déjà, de fait sur le quai de départ, en démantelant, en fermant (pas question de céder l’outil !), et  en soutirant tout ce qu’elle peut du personnel en sursit. Elle a même le culot d’attaquer  la Région wallonne en justice pour lui réclamer 8,23 millions d’euros, en quotas de CO2. Elle estime avoir subi un préjudice grave, en ne recevant pas  de quotas d’émission de CO2 supplémentaires, pour le HF6, sur la période 2008-2012.

« Les hommes politiques doivent trouver des solutions pour le maintien de la sidérurgie à Liège », a déclaré, devant l’assemblée des sidérurgistes,  David Camerini,  le président de la délégation CSC d’ArcelorMittal Liège. Et il ajoutait : « Mais, on n’a plus confiance en eux et il va falloir leur mettre la pression régulièrement ».

Quelles solutions ?

L’option d’un « portage public » doit être privilégiée, déclare la FGTB wallonne, qui ajoute : « les pouvoirs publics – en l’occurrence le gouvernement wallon- doivent pouvoir exproprier les financiers qui ne veulent pas vendre un outil fiable et rentable ». La FGTB wallonne voit cette expropriation, comme temporaire, « jusqu’à la reprise par un opérateur garant d’un projet industriel fiable ». Une « nationalisation » temporaire, en quelque sorte. Tiens, même le MR ne serait pas contre !

Mais, quel type d’expropriation ? Avec rachat ou  indemnisations ? Si c’est le cas, la cause est entendue : le gouvernement wallon déclare ne pas en avoir les moyens.

Mais,  pourquoi faudrait-il indemniser ou racheter les outils à une multinationale, qui a accumulé des milliards de bénéfices, provenant d’une exploitation de plus en plus poussée de la main d’œuvre, qui a reçu une manne de cadeaux provenant de l’argent des contribuables et qui a mis en place une stratégie de démantèlement intégral de la sidérurgie liégeoise ?

Ce serait refaire le coup de 1998, quand la Région wallonne, propriétaire de Cockerill- Sambre, a bradé la vente de l’entreprise à Usinor, après l’avoir remise à flot. Et, on a vu ce que cela a donné, par la suite !

Puisque les sidérurgistes ne peuvent faire l’économie d’une mobilisation, tous ensemble, d’un combat très dur, sans se laisser endormir par les promesses ou autre « Task force », autant lutter sur un objectif valable : la mise sous statut public de la sidérurgie liégeoise, par l’expropriation, sans indemnisation, ni rachat d’ArcelorMittal Liège.

Lutter ou crever !

« Nous n’avons plus rien à perdre », disent les sidérurgistes liégeois.

Le bien le plus précieux qu’il leur reste, c’est leur force, leur détermination, alimentées par la colère et la révolte : « qui sème la misère, récolte la colère » !

Leur première mobilisation, à Namur, mardi 29 janvier, a rassemblé près de 2000 travailleurs.

Pendant que les responsables syndicaux des Métallos étaient reçus à l’Elysette, un autre comité d’accueil barrait la rue, conduisant au siège du gouvernement wallon : les flics, avec bouliers, matraques et autopompe.

« C’est en envoyant les robocops que la région wallonne compte nous soutenir » s’est crié un manifestant !

Après quelques jours de grève, les sidérurgistes ont repris le travail, ce mercredi 30 janvier.

De nouvelles mobilisations sont déjà programmées : une « visite » au parlement européen à Strasbourg, une manifestation à Luxembourg… Ces mobilisations se dérouleront, chaque fois,  dans le cadre d’une grève de 24 heures, dans l’ensemble du bassin sidérurgique.

C’est le moment aussi d’organiser la mobilisation, sur le terrain belge et européen, des travailleurs des différents sièges de la multinationale ArcelorMittal. Sa stratégie de démantèlement des sites européens est en route !

C’est un véritable bras de fer qui est engagé avec ArcelorMittal et le pouvoir politique.

Comme nous l’ont dit des militants syndicaux, c’est l’organisation du combat, sur le terrain  des différents sites, avec l’implication d’un maximum de travailleurs, qui sera déterminante pour stopper le bain de sang social, pour faire payer et « dégager » Mittal, stopper les licenciements et le démantèlement,  sauver les outils et l’emploi, pour une gestion publique et sous le contrôle du mouvement syndical de la sidérurgie liégeoise.

Quelle organisation du combat ?

Comment ne pas évoquer ici le long conflit qui, dans les années 1970, dans la région de Charleroi, a opposé les verriers des 11 sièges de Glaverbel à  BSN-Gervais-Danone. La multinationale française avait, elle aussi planifié le démantèlement du secteur verrier régional.

Dans l’organisation de leur combat, les verriers  ont mis en place un dispositif, permettant la mobilisation et la participation active d’un maximum de travailleurs. Cela, grâce à des assemblées générales fréquentes, sur tous les sites ; l’élection, en assemblées, de comités de « vigilance » et de grève,  rassemblant les délégués et des militants syndicaux ; la coordination de ces comités, dans un comité de mobilisation et de grève, au niveau régional.

Sur les différents sites, c’est une véritable  « dualité de pouvoir » qui s’est établie entre direction patronale et mouvement syndical, par l’occupation des entreprises verrières, comme en 1974, et par l’application du « contrôle ouvrier. Contrôle pour la préservation de l’outil, sur les tentatives patronales de saboter le mouvement de lutte, contrôle sur la production, sur les cadences de travail, sur les entrées et sorties … On se souvient encore d’une des dernières grèves à AB inBev, à Jupille, où les travailleurs ont continué à travailler au  ralenti, tout en étant payés, mais, en empêchant la sortie des camions de bière et en contrôlant les entrées de marchandises.

C’est toute une région qui est touchée et concernée par le conflit chez ArcelorMittal.

C’est à ce niveau également que les organisations syndicales et les travailleurs d’ArcelorMittal ont pour tâche de mettre en place les différentes formes de solidarité et de mobilisation.


Quelques photos de la manif des travailleurs d'ArcelorMittal à Namur...







Voir ci-dessus