Les fiancées de Bolkestein
Par Virginie Godet le Dimanche, 30 Avril 2006

Bon, c'est passé. 394 pour, 215 contre, 33 abstentions. D'accord, il y a eu des amendements. Mais même amendée, on n'en voulait pas de cette directive ! Et, pour changer un peu, ce sont des secteurs majoritairement féminins qui seront touchés. Evidemment, il y a peu de chauffeures routières, rares sont les maçonnes, les plombières, mêmes polonaises. Il n'empêche que le secteur tertiaire reste un gros pourvoyeur d'emplois pour les femmes, et que le vote de la directive Bolkestein ouvre une voie royale aux déréglementations.

Il faut savoir que la directive "services", dite Bolkestein, avait fait l'objet de critiques sévères de la part de plusieurs commissions parlementaires, entre autres les commissions Environnement, Droits des consommateurs et Egalité hommes/femmes. Toutes montraient du doigt les risques de dérives et le recul social occasionnés par cette nouvelle poussée de néolibéralisme exacerbé. Les conclusions de la commission Commerce intérieur ont tout balayé: quand c'est bon pour les entreprises, c'est bon pour tout le monde, même si l'axiome ne se vérifie pas toujours sur le terrain ! L'Union Européenne est un marché, dans lequel même les consommateurs n'ont plus leur mot à dire.

Dans la version adoptée par le parlement européen, les secteurs de la culture et de la santé ont été sortis du champs d'application de la directive. Certains ont présenté cet amendement comme une victoire des progressistes (quoi ?!), d'autres, plus lucides (quoique), comme un moindre mal… en oubliant que cela signifiait l'application de la directive à l'enseignement , aux soins aux personnes (hors cadre médical) et à l'accueil de la petite enfance (hors cadre scolaire). Autant de professions majoritairement exercées par des femmes. Autant de secteurs offrant aux femmes des services qui leur permettent d'entrer dans le monde du travail l'esprit plus libre, et dont l'organisation devrait être prise en charge par la collectivité.

La célèbrissime règle du pays d'origine, si elle a bien été supprimée, a laissé la place à un principe de reconnaissance mutuelle inapplicable… Comment les inspecteurs du travail pourraient-ils connaître l'ensemble des législations nationales de l'union, afin d'appliquer uniquement leurs règles communes ? Au risque de me répéter, les femmes issues des pays néo-arrivants que j'ai rencontrées lors des réunions organisées par le groupe parlementaire GUE/NGL espéraient une harmonisation des règles sociales vers le haut, un alignement sur les standards de protection les plus progressistes. Or, on a largement ouvert la porte au dumping social et fiscal, quoi qu'on en dise !

Le fossé se creuse de plus en plus entre les institutions européennes et les citoyens de l'UE. Quand on regarde du côté des citoyennes, ça tient carrément du canyon ! Sauf si elles sont chèfes d'entreprise. De grosse entreprise, s'entend… Parce que le lobbying de l'épicière ou de la boulangère, ça ne pèse pas bien lourd. Que dire alors des salariées ? D'où la nécessité de nous regrouper, de rester fortes, exigeantes et visibles. Soyons réalistes, demandons l'impossible, ça vous dit quelque chose ?

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