Pays-Bas : Un vote à double tranchant
Par Thomas Mitch le Jeudi, 09 Juin 2005

Les partisans du traité constitutionnel ont subi une défaite cinglante aux Pays-Bas. Le « non » y est arrivé largement en tête et la participation a été massive. Mais l’aspect nationaliste de la campagne brouille le message politique.

Le résultat est sans appel. Aux Pays-Bas, 61,6 % des votants ont rejeté le traité constitutionnel européen, trois jours après le « non » français. À cette écrasante majorité opposée à la Constitution européenne, s’ajoute une participation inégalée, qui dépasse les 63 %. À titre de comparaison, le scrutin des dernières européennes du 10 juin 2004 n’avait même pas réussi à mobiliser 40 % de l’électorat. Le gouvernement néerlandais avait annoncé qu’il suivrait l’avis de ce référendum à deux conditions : que la participation dépasse les 30 % et que le résultat soit « sans ambiguïté ». Le Parlement s’est donc vu obligé de voter contre un texte que 85 % des députés approuvent.

Voilà l’un des premiers enseignements de ce scrutin : comme en France, le fossé entre la population et le monde politique s’est considérablement creusé. En fait, l’ensemble des partis au gouvernement - l’Appel chrétien-démocrate (CDA), le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) et le Parti des démocrates 66 (D’66) - avaient appelé à voter « oui ». Deux partis de l’opposition, le Parti du travail (PVDA) et la Gauche verte (GL), s’étaient également prononcés pour le traité. Face à l’union sacrée des partis traditionnels, sur le « non » se retrouvaient, à droite, la Liste Pim Fortuyn (LPF), le Groupe Geert Wilders et le Leefbaar Nederland, mais aussi des formations religieuses.

Dans le camp progressiste, seul le Parti socialiste (SP) - d’origine maoïste - s’était prononcé pour le « non ». Mais même le SP, qui était le seul à faire véritablement campagne contre le traité, a mélangé des revendications sociales et des aspects nationalistes. Si le SP critiquait d’un côté le manque de démocratie de la Constitution, il lui reprochait, de l’autre, d’affaiblir la place des Pays-Bas en Europe. En conséquence, le résultat du 2 juin ne peut être unilatéralement interprété comme une victoire progressiste, même si de nombreux électeurs ont marqué leur rejet du libéralisme, et du gouvernement en place - il y a un mois, un sondage montrait qu’un Néerlandais sur cinq seulement était satisfait du Premier ministre, Jan Peter Balkenende. Mais ce vote est également une sanction contre les sociaux-démocrates.

La nature de classe du scrutin apparaît aussi clairement qu’en France. Les quartiers riches ont quasiment tous voté pour le « oui ». Les quartiers populaires se sont massivement portés sur le « non ». Leo de Kleyn, membre du SP à Rotterdam, regrette donc « toutes les opportunités que le parti a ratées. Si le “non” l’a emporté, c’est grâce au camp du “oui”, qui a eu faux sur toute la ligne ». Mais de nouvelles opportunités vont se présenter. À Rotterdam, des employés municipaux se sont mis en grève au lendemain du référendum. Et d’autres grèves voient le jour dans le pays, pour les salaires, les retraites ou encore la Sécurité sociale. Dans la foulée de la grève générale historique d’il y a quelques mois...

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