En avant pour le genre humain
Par Virginie Godet le Vendredi, 04 Février 2005

Bientôt le 8 mars. Le 8 mars? C'est l'anniversaire de qui ? Le début d'une expo exceptionnelle sur l'art ouzbek ? Le passage de la tournée de la Starac' au centre culturel d'Houte-'si-Ploû ? Euh, là, vous avez tout faux. Le 8 mars, c'est la journée internationale des Femmes. Et c'est l'occasion pour la Marche Mondiale des Femmes pour repartir de plus belle, avec la publication d'une Charte Mondiale des Femmes Pour l'Humanité.

La marche Mondiale des Femmes rassemble des groupes de femmes de différentes origines, options politiques, classes, de divers choix philosophiques, de différents choix de vie. Toutes unies par la solidarité, la volonté d'éliminer la pauvreté, la violence, les exclusions, le désir d'un autre monde, où les richesses sont partagées, l'intégrité physique et morale de tous respectée. Après une première marche en 2000, qui les avait menées à New-York, où elles avaient remis leurs revendications aux dirigeants des grandes institutions internationales, sans que cela déclenche chez eux des réactions très enthousiastes, elles se sont impliquées dans le mouvement altermondialiste. Et même là, on sentait des lacunes, et l'obligation de justifier la lutte des femmes.

La Charte Mondiale des Femmes pour l'Humanité participe de cette volonté d'expliquer que quand les femmes avancent, c'est le monde qui avance avec elles. Elle énonce les principes d'une société où la diversité est un atout et où tant l'individualité que la collectivité sont sources de richesse… Ce monde considère la personne humaine comme la plus précieuse des richesses. A l'origine de l'exclusion, le patriarcat et le capitalisme, qui se renforcent mutuellement, s'enracinent et se conjuguent avec le racisme, le sexisme, la misogynie, la xénophobie, l'homophobie, le colonialisme, l'impérialisme, l'esclavagisme, le travail forcé. D'où la nécessité de construire un autre monde, fondé sur l'égalité, la liberté, la solidarité, la justice et la paix. Chacune de ces valeurs est mise en exergue d'un chapitre, dans lequel sont énoncées des affirmations, tels les articles d'une constitution (ce qui pourrait inspirer certains députés européens). Quelques exemples: la démocratie s'exerce s'il y a liberté et égalité; la solidarité est promue entre les personnes et les peuples sans aucun type de manipulation et d'influence; les ressources naturelles, les biens et les services nécessaires à la vie de toutes et de tous sont des biens et des services publics de qualité auxquels chaque personne a accès de manière égalitaire et équitable; la justice sociale est basée sur une distribution équitable des richesses qui élimine la pauvreté, limite la richesse, et assure la satisfaction des besoins essentiels à la vie et qui vise l'amélioration du bien-être de toutes et de tous. Ceci n'étant bien sur qu'un aperçu.

Alors, oui, d'aucuns pourraient parler de folie douce, d'utopie totale, d'angélisme… Blablabla. Mais cette société idéale, imaginée par les femmes de la Marche, désirée pour tous les humains à naître dans les années à venir, si on se la gardait bien en tête, en la prenant comme ligne d'horizon, comme le point vers lequel il faudra toujours tendre ? Si on rêvait tellement fort que le rêve se matérialiserait ? Si on était réaliste ? Si on demandait l'impossible ?

Au fait, pourquoi le 8 mars ?

Question piège. La tradition féministe voudrait que le 8 mars 1857, les ouvrières du textile de New York se soient mises en grève pour réclamer la journée de dix heures, la suppression des mauvaises conditions de travail, l'égalité des salaires. Or, on ne trouve pas de traces de cette manifestation dans la presse de ce jour-là. Par contre, plusieurs dates sont avérées.

8 mars 1910: Copenhague. Clara Zetkin propose aux femmes socialistes l'organisation d’une journée annuelle des femmes, pour rendre visible la lutte pour le droit de vote.

8 mars 1914: Mary Richardson lacère à coups de couteau la Vénus de Velasquez, pour protester contre l'incarcération de Pamela Pankhurst, leader féministe britannique.

8 mars 1915: Alexandra Kollontaï organise à Christiana, près d'Oslo, une manifestation des femmes contre la guerre et Clara Zetkin une conférence internationale des femmes, en prélude à la conférence de Zimmerwald.

8 mars 1917: Trotsky note, dans son Histoire de la Révolution russe: Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs tisseries se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir… Il n'est pas venu à l'idée d'un seul travailleur que ce pourrait être le premier jour de la Révolution.

Dans les années 1970, le 8 mars deviendra un jour hautement symbolique dans les luttes des femmes. Au fil du temps, il connaîtra des succès variables, mais est devenu actuellement une date phare (Bon, même si c'est aussi devenu un jour de grande promo chez les parfumeurs et les esthéticiennes…). Mine de rien, il serait peut-être temps que, à l'instar du premier mai, le 8 mars devienne un jour férié. Parce que nous le valons bien !

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