Asile et immigration : les barbelés « corrects » du gouvernement Di Rupo
Par Daniel Liebmann le Jeudi, 02 Février 2012 PDF Imprimer Envoyer

Sur tous les terrains, c’est la même politique : la coalition gouvernementale entend « sauver l’essentiel » tout en concédant des sacrifices… sur le dos des plus faibles. C’est bien ce qui se passe dans le domaine de l’asile et de l’immigration : le gouvernement Di Rupo est, en cette manière, le digne successeur de tous ceux qui ont détricoté le droit des étrangers, de concert avec leurs collègues européens, depuis les années 1990 déjà.


Pas une priorité

La question des sans-papiers n’est pas apparue au grand jour pendant la longue période de gestation du gouvernement. Les partis candidats au pouvoir n’en ont pas fait une priorité et c’est peut-être une bonne chose étant donné qu’aucun d’entre eux n’est prêt à inverser la tendance lourde que constitue l’Europe forteresse. Plus discrète que l’Europe des patrons, l’Europe des flics se construit pied à pied, gouvernement après gouvernement.

En tout cas, il est inutile de chercher dans l’accord de gouvernement les traces des revendications du mouvement des sans-papiers et des organisations syndicales et associatives qui le soutiennent. Pas de régularisation, même partielle, mais au contraire des mesures visant à réduire encore les droits des étrangers vivant et travaillant dans notre pays sans y avoir été autorisés par la loi. Pas de trace d’une politique de gauche…


Procédure accélérée

La principale mesure du gouvernement Di Rupo en matière d’asile est de réduire la durée de la procédure. Dans le meilleur des mondes possibles, une telle réforme pourrait être positive : pourquoi la procédure d’asile devrait-elle absolument être un long parcours d’obstacle ? Mais tout indique au contraire que le but est d’accélérer les refus, en ne laissant pas aux demandeurs d’asile le temps de s’installer d’une manière ou d’une autre dans le pays, voire d’attendre pendant des années une hypothétique régularisation. La période de procédure, qui pouvait durer treize mois en moyenne auparavant, sera désormais clôturée en six mois.

Il faut également noter que la Belgique n’offre toujours pas de véritable garantie de recours suspensif pour les demandeurs d’asile, autrement dit quelqu’un peut se faire expulser du pays pendant que la procédure de recours est encore pendante.


Pays sûrs

Depuis des années, la droite réclame l’établissement par les autorités belges d’une liste de « pays sûrs ». Il s’agit de pays où les Droits de l’Homme sont prétendument respectés et dont les ressortissants pourraient donc se voir automatiquement déboutés, sur la simple base de leur pays d’origine. Longtemps cette contre-réforme a été évitée parce qu’elle ne faisait pas consensus, mais Di Rupo l’a intégrée dans l’accord. Le problème que pose cette liste de pays sûrs, c’est qu’elle contrevient ouvertement à un principe fondamental du droit d’asile : l’écoute individuelle.

Le gouvernement n’a pas encore publié la liste en question, mais il est plus que probable que les considérations auront très peu à voir avec les Droits de l’Homme, mais plutôt avec les relations diplomatiques et surtout la lutte contre l’immigration « massive ». En particulier, les Roms d’Europe de l’Est, réputés ressortissants d’Etats « démocratiques », pourront facilement se voir refuser l’accès même à la procédure d’asile « normale ».

Plus inquiétant encore, et pas seulement pour les Roms, la volonté affichée par le gouvernement de collaborer avec les pays d’origine… c’est-à-dire précisément avec les autorités que les demandeurs d’asile fuient !

Les personnes qui viendront d’un de ces pays dits « sûrs » verront leurs demandes traitées en 15 jours…


Enfermement des enfants et nouveaux centres fermés 

Sujet sensible dans l’opinion publique, le (mauvais) traitement des enfants emprisonnés dans les centres fermés est une fois de plus abordé par le gouvernement. Déjà sous Leterme, Annemie Turtelboom avait annoncé qu’elle mettrait fin à cette pratique particulièrement barbare, mais c’était un mensonge. Le gouvernement Di Rupo à son tour se prononce pour la prohibition « de principe » de l’enfermement d’enfants. Mais rien ne vient annuler les nombreuses exceptions à ce beau principe qui viennent d’être votées à la Chambre, composée des mêmes partis majoritaires. Pour les exceptions en question, la loi prévoit des centres fermés « adaptés ». Des balançoires et des play-stations derrière les barbelés ?

Le gouvernement prévoit en outre l’affectation de nouveaux centres fermés, adaptés non à des enfants mais à des « personnes présentant un danger pour l’ordre public ». Des prisons donc, mais qui ne disent pas leur nom et obéissent à une administration et non à la justice !


Mariages mixtes et « tourisme médical »

La lutte contre l’immigration passe aussi par la répression des mariages mixtes au point que, selon la Ligue des Droits de l’Homme, « il est devenu presque impossible pour un sans-papiers de se marier avec une personne en séjour légal, vu la suspicion pesant sur tous les couples mixtes ». Ce type de politique achève de faire des sans-papiers des parias.

De même, le droit au regroupement familial (déjà très limité) sera encore restreint.

Dans le chapitre humanitaire, le gouvernement entend aussi mettre fin à ce que certains médias appellent déjà le « tourisme médical », c’est-à-dire l’accès aux soins de santé.  Dorénavant les hôpitaux seront en droit d’exiger une assurance médicale.


On le voit, la politique des étrangers sera désormais, pour citer la nouvelle Secrétaire d’Etat à l’Asile et aux Migrations Maggie De Block (VLD), « humaine mais correcte ». Une formulation qui sonne comme un aveu implicite : la Belgique a-t-elle jamais été incorrecte en cette matière ?



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