Marek Edelman, dernier survivant de l'insurrection du ghetto de Varsovie
Par Ross Harold le Vendredi, 30 Octobre 2009 PDF Imprimer Envoyer

Marek Edelman, mort au début du mois d'octobre à l'age de 90 ans, était son seulement un témoin direct de l'occupation de la Pologne par l'Allemagne nazie mais aussi un militant politique et l'un des acteurs centraux de la résistance dans le ghetto de Varsovie.

Fidèle à ses idéaux de jeunesse

Très jeune, Marek Edelman rejoint le Bund, une organisation socialiste juive opposée au projet sioniste. Après la guerre, il refuse d’émigrer en Israël et devient un médecin cardiologue très réputé. Emprisonné brièvement en 1968 lors d’une campagne antisémite menée par le régime stalinien, il fait de nouveau parler de lui en 1980 en militant au sein de Solidarnosc, dans le grand mouvement contre la dictature. À l’époque, on prétend que certains vieux bureaucrates cardiaques n’osent pas le toucher car ils sont suivis par son service à l’hôpital, mais cela ne l’empêche pas d'être interné lors du coup d’État de Jaruzelski. Plus tard, de peur qu’une figure aussi respectée qu’Edelman puisse cristalliser autour de lui une opposition, le régime essaye de l’acheter en lui proposant les honneurs militaires polonais, qu’il refuse.

Antisioniste

En tant que personnage emblématique de la résistance, il est interviewé pour le documentaire Shoah (un film à voir absolument), mais l’antisionisme d’Edelman ne cadrant certainement pas avec la vision pro-Israël du réalisateur Claude Lanzmann, l’interview n’est pas retenue.

Enfin en 2002, il renoue avec ses positions antisionistes et choisit son camp. Lors du procès truqué du dirigeant palestinien Marwan Barghouti, Marek Edelman adresse une lettre de solidarité au mouvement palestinien, «Aux commandants des opérations militaires, paramilitaires et partisanes, à tous les soldats des organisations combattantes palestiniennes».

À l'âge de 80 ans, Marek Edelman était resté fidèle à l’internationalisme et au refus viscéral de l’injustice, le même qui résonne si fort dans son livre qu’il a écrit quand il n’en avait que 25.

Mémoires du ghetto de Varsovie (*) de Marek Edelman

Si j’avais à lister les cinq livres qui m’ont le plus marqué ces dernières années, ce livre de Marek Edelman, mort il y a deux semaines à l’âge de 90 ans, en ferait certainement partie.

Ce livre, écrit en 1945, décrit la répression féroce des 3 millions de juifs du pays et la création de ghettos en 1940, dont celui de Varsovie où sont entassés derrières des murs et des barbelés 300000 Juifs dans des conditions de plus en plus abominables. Puis, très rapidement, ce sont les rafles et les déportations vers les camps d’extermination et une population qui chute à 60000.

Edelman décrit l’effroyable brutalité des Nazis et leur toute puissance qui entraînent une résignation chez la population et un refus de croire les informations qui circulent sur la vraie destination des trains. Mais il décrit aussi comment des militants politiques comme lui (membre du Bund, une organisation de Juifs socialistes) s’organisent avec les moyens du bord, des tracts dupliqués dans des caves, des cocktails Molotov et, plus tard, quelques grenades et pistolets qu’ils obtiennent de l’extérieur par la résistance polonaise émergeante.

Enfin, il nous livre la description de l’incroyable insurrection finale en avril 1943, lorsque quelques centaines de combattants repoussent des milliers de soldats allemands armés jusqu’aux dents et le terrible incendie qui rase le ghetto, le seul moyen que les Allemands trouvent pour venir à bout de cette résistance héroïque. Des cinq membres dirigeants de l’insurrection, Marek Edelman sera le seul à en sortir vivant (par les égouts) avec une quinzaine de camarades. Il retrouvera la résistance à l’extérieur et participera à la nouvelle insurrection de Varsovie, en 1944.

Plus qu’un récit historique, c’est l’histoire d’hommes et de femmes à la fois extraordinaires et très ordinaires, qu’il a connus personnellement, avec leurs forces, leurs faiblesses, leurs amours, mais bien sûr des valeurs humaines très fortes et un immense courage.

Un livre à lire et à faire lire.

Ross Harrold

(*) En poche, aux éditions Liana Levi 7€

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