Une lutte anticapitaliste contre l’énergie nucléaire
Par IVe Internationale le Mardi, 29 Mai 1979 PDF Imprimer Envoyer

Déclaration de 1979 de la Quatrième Internationale sur l’énergie nucléaire et ses dangers.

L'accident de la centrale nucléaire de Three Mile Island a rappelé brutalement aux yeux de millions de personnes dans le monde entier les redoutables dangers de l'énergie nucléaire. Nous savons que ces dangers sont considérables et surtout que les moyens permettant des les éliminer n'existent pas pour le moment. Nul ne peut cependant affirmer que les problèmes et dangers de l'énergie nucléaire ne seront jamais résolus, mais nul ne peut prédire quand, et il n'est pas possible de parier sur leur résolution prochaine, comme le font les partisans du nucléaire. C'est la position que les sections de la 4ème Internationale ont adoptée depuis plusieurs années et qui détermine leur engagement dans les luttes anti-nucléaires.

 

Le mouvement anti-nucléaire est un des plus larges mouvements de masse dans l'Europe capitaliste aujourd'hui, il est un de ceux qui ont obtenu, par leur action, les résultats les plus considérables: ralentissement généralisé des programmes nucléaires, moratoire de fait de plusieurs projets de centrales nucléaires, mise hors service de la centrale nucléaire de Zwentendorf en Autriche lors du référendum du 8 novembre 78.

 

Mais le mouvement anti-nucléaire est confronté à des problèmes politiques qui ne sont pas simples. La bourgeoisie fait de la crise du pétrole une arme contre le mouvement anti-nucléaire. Le 27 mars, l'organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a relevé le prix du pétrole et décidé de limiter les quantités produites. La bourgeoisie a déjà essayé d'exploiter ces problèmes pour une campagne de propagande massive, en particulier en direction du mouvement anti-nucléaire. Sous l'effet de cette intoxication et à certains moments précis, lors de problèmes dans l'approvisionnement pétrolier, réels ou fictifs, qu'elle montera en épingle, avec toute la puissance des moyens de propagande dont elle dispose, des couches de la population peuvent être convaincues de la nécessité du développement de l'énergie nucléaire ou dissuadées de s'y opposer.

 

L'énergie nucléaire est la solution privilégiée de la bourgeoisie aux problèmes énergétiques et elle entend la développer à fond. L'énergie nucléaire est une retombée des dépenses militaires, ce qui fait qu'elle est plus avancée dans la mise au point de l'utilisation industrielle massive, et moins coûteuse, pour les capitalistes que toute autre source d'énergie traditionnelle. Cela évidemment selon les critères du marché capitaliste qui commandent les choix et qui font peu de cas des risques et menaces.

 

Toute cette stratégie est rendue possible par la hausse du prix du pétrole qui rend le nucléaire de ce fait compétitif et prometteur pour les trusts puissants qui en tirent du profit. C'est pourquoi tous les porte-parole des gouvernements impérialistes se sont empressés d'affirmer après l'accident de Harrisburg qu'ils poursuivraient le développement du nucléaire plus résolument que jamais, tout en étant obligés sur le plan de la sécurité de promettre quelques études et mesures supplémentaires.

 

Une réponse politique adéquate

 

Face à cette problématique, se limiter à dénoncer le nucléaire ne suffit pas. Certains anti-nucléaires, qui par ailleurs ne rejettent pas le système capitaliste, misent simplement sur l'utilisation sans problème du pétrole pour remplacer le nucléaire. Plus répandue est la conception écologiste radicale qui refuse non seulement l'utilisation du nucléaire, mais aussi celle du charbon et du pétrole, en dramatisant à l'extrême la crise du pétrole, et qui mise uniquement sur la suppression des gaspillages et les énergies nouvelles. Tout en inclinant sous une forme ou sous une autre à souhaiter une baisse de la croissance économique. Ces deux conceptions différentes désarment toutes les deux face à l'exploitation de la crise du pétrole par la propagande bourgeoise et peuvent rendre finalement plus crédible aux yeux de beaucoup son programme énergétique. D'autant plus que, par ailleurs, rien n'est dit sur les moyens d'imposer dans les faits les objectifs souhaités.

 

Une réponse politique qui évite ces écueils met au centre un programme de reconversion du secteur énergétique pour rendre possible un renoncement à l'énergie nucléaire. Le pétrole et le charbon resteront en tout état de cause des sources d'énergie majeures pour plusieurs décennies, même s'il est très juste qu'à long terme, la priorité doit être donnée à des sources d'énergie renouvelables et non fossiles. Pétrole et charbon peuvent être utilisés sans polluer à condition que soient mises en oeuvre et perfectionnées les techniques anti-pollution actuellement négligées, parce que diminuant le profit des trusts. L'épuisement physique des ressources de pétrole et de charbon n'est pas une réalité assez rapprochée jusqu'à un usage massif des énergies nouvelles.

 

Une réorientation massive des investissements dans le développement de l'énergie solaire peut permettre qu'elle produise plus tôt une part plus grande de la consommation d'énergie que ne l'envisage la bourgeoisie. Les gaspillages considérables d'énergie peuvent être supprimées sans diminution du niveau de vie. Les lois du marché capitaliste ne jouent pas en faveur d'un tel programme, bien au contraire. Sa réalisation exige des mesures anti-capitalistes radicales: la suppression de la propriété privée des industries, des trusts, une planification démocratiquement décidée, donc la suppression de la loi du pro-fit qui commande actuellement les investissements.

 

Nous pensons que le mouvement anti-nucléaire est confronté à la nécessité de préciser ses options politiques de fond, et que pour se renforcer, il doit s'intégrer à la lutte pour une telle transformation de la société.

 

Le lien avec le mouvement ouvrier

 

Le mouvement anti-nucléaire ne peut évidemment rien attendre des partis bourgeois. Ils sont les partis des trusts et du hobby nucléaire. Mais d'un autre côté, ses liens avec les grands partis ouvriers et les syndicats sont très limités dans tous les pays. Cet isolement relatif est le principal obstacle à la victoire de la lutte anti-nucléaire. Elle ne peut en aucun cas vaincre sans le mouvement ouvrier. La classe ouvrière, majorité de la population, est la seule force sociale et politique qui peut réaliser la transformation de la société.

 

Les directions du mouvement ouvrier sont malheureusement largement pro-nucléaire. Les partis sociaux-démocrates français en sont les exemples les plus affirmés. Les directions des grandes organisations du mouvement ouvrier répugnent à lutter contre l'énergie nucléaire, quand elles ne se font pas les artisans de son développement. Parce qu'elles ne veulent pas remettre en cause le capitalisme, ni même gêner le libre jeu de la loi du profit. Pour la même raison, elles acceptent les licenciements et les baisses de salaire.

 

Néanmoins les ouvertures à la lutte anti-nucélaire se développent au sein du mouvement ouvrier et le mouvement an-tinucléaire y trouve des alliés: dans tous les pays, les organisations d'extrême-gauche sont engagées contre l'énergie nucléaire, en France, la deuxième confédération syndicale (CFDT) a des positions qui rejoignent celle du mouvement anti-nucléaire sur plusieurs points.

 

En Suisse, le Parti Socialiste, le Parti Communiste et plusieurs syndicats ont soutenu la proposition que la population d'une région décide si une centrale peut y être construite, proposition qui a obtenu 48% des voix lors du référendum du 18 février dernier.

 

Nous pensons que le mouvement anti-nucléaire doit être prêt à lancer une offensive pour construire une alliance pour des actions communes sur des objectifs précis. Il doit chercher à gagner à sa lutte l'appui des travailleurs et de leurs organisations. Pour cela, il doit prendre des positions claires qui répondent aux soucis des travailleurs: prendre part à la lutte pour la réduction du temps de travail afin de créer des emplois, pour les 35H, sans baisse du salaire, pour le contrôle ouvrier sur l'embauche, pour des nationalisations sous contrôle ouvrier.

 

La tâche des militants syndiqués de la 4ème Internationale est de se battre pour que le mouvement ouvrier s'engage au côté du mouvement anti-nucléaire.

 

Une lutte internationale

 

Le développement de l'énergie nucléaire est international. Une victoire du clan pro-nucléaire ou anti-nucléaire dans un pays renforce et stimule la position de ce camp dans d'autres pays. Face au développement européen du nucléaire, la revendication d'un moratoire européen de plusieurs années de la construction et de l'autorisation des installations atomiques, que la coordination internationale met au centre de la journée internationale de Pentecôte 79, marque une étape importante dans la lutte internationale contre le nucléaire.

 

Mai 1979

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