L'économie solidaire
Par Céline Caudron le Lundi, 13 Septembre 2004 PDF Imprimer Envoyer

Pauvreté, emplois précaires, accroissement des charges domestiques... Nous sommes les premières à ressentir les effets de la violence capitaliste. Mais certaines d'entre-nous s'auto-organisent pour subsister. C'est ainsi que, au Nord comme au Sud, des femmes développent des projets d'économie solidaire qui, en plus de développer des méthodes alternatives pour soulager leur quotidien, s'inscrivent aussi dans une démarche féministe.

Au sens large, le terme d'économie solidaire désigne l'ensemble des initiatives économiques privées dont l'objectif n'est pas de faire du profit mais plutôt de constituer une plus-value sociale, tournée vers l'intérêt collectif. L'économie solidaire s'exerce dans des domaines variés comme l'alimentation (cantines populaires, groupes d'achat collectifs, ...), la formation (cours d'alphabétisation, formations professionnelles,...), la finance et le crédit (systèmes de tontines, ...), etc. Ces projets présentent généralement une nouvelle approche du travail, via une gestion démocratique et décentralisée. le respect du rythme et des temps libres de chacun/e et le souci de l'environnement.

Une logique féministe

En se développant dans une logique à plus long terme, avec des visées globales et internationalistes, les projets d'économie solidaire peuvent aussi contribuer à une contestation radicale du système et à un renforcement des résistances. C'est dans cette optique que s'élaborent certains projets d'économie solidaire portés par des femmes et pour les femmes. Si toutes ces expériences ne sont pas des réussites, celles-ci s'inscrivent dans une véritable démarche émancipatrice, qui s'articule sur le court terme comme sur le long terme, à l'échelle locale comme à l'échelle globale.

Dans l'immédiat, les femmes qui participent à ces projets se donnent les moyens de briser leurs chaînes. Elles retrouvent confiance en leurs capacités par la prise de conscience de leur utilité sociale trop souvent niée dans le cadre exigu de leur foyer. Elles acquièrent ainsi une meilleure image d'elles-mêmes. Et la confiance en soi est primordiale pour oser s'inscrire dans une démarche de résistance aux violences conjugales et sociales. De plus, selon les objectifs des projets d'économie solidaire, ces femmes obtiennent une autonomie financière ou parviennent à sortir de leur isolement quotidien et à retisser un lien social.

A plus long terme, ces femmes réussissent à formuler des revendications et à les porter sur le plan politique parce qu'elles auront appris à s'exprimer, à prendre des décisions et à élaborer leurs opinions à travers la gestion collective de leurs projets. Elles peuvent ainsi exiger des avancées législatives et juridiques, contribuer à des changements de mentalités et défendre leurs droits.

Du local au global

Si des réseaux se sont toujours constitués spontanément à petite ou moyenne échelle entre des projets d'économie solidaire, des contacts de plus en plus denses se développent. C'est, par exemple, le cas du Réseau International Femmes et Économie Solidaire (RIFES), inauguré au FSM de Porto Alegre en 2002 à l'initiative d'une trentaine de structures originaires de cinq pays (Brésil, France, Québec, Sénégal et Yougoslavie). En visant à établir une cartographie internationale des alternatives économiques portées par les femmes, RIFES vise à développer et pérenniser les activités des structures d'économie solidaire par la mise en commun des expériences. Parallèlement, RIFES informe et mobilise des acteurs/trices locaux/les ainsi que l'opinion publique internationale sur les dysfonctionnements de notre société, les inégalités économiques, les conséquences de la mondialisation sur les femmes ainsi que leurs résistances, leurs initiatives et les solutions conjointes possibles face aux freins et aux obstacles rencontrés.

Pas qu'un truc de bonnes femmes

Avec la globalisation des résistances, les mouvements féministes retrouvent une nouvelle vigueur. Mais leurs revendications restent relativement marginalisées au sein des mouvements sociaux. Comme s'il ne s'agissait que d'un combat corporatiste, destiné à améliorer la condition des femmes et point final. Pourtant, en y regardant de plus près, les expériences féministes peuvent contribuer à élaborer de véritables projets de société alternatifs, bénéfiques pour toutes et tous. C'est bien dans une telle dynamique que s'inscrivent les projets d'économie solidaire, auto-gérés et indépendants, mis en oeuvre par des femmes et pour les femmes. De quoi s'inspirer...

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