Compte-rendu du débat avec les partis organisé par les métallos FGTB Hainaut-Namur
Par Correspondant le Jeudi, 19 Janvier 2012 PDF Imprimer Envoyer

Comme déjà mentionné sur ce site, notre camarade Céline Caudron participait le 16 janvier à un débat entre représentants politiques organisé par le comité fédéral élargi Hainaut-Namur des métallos de la FGTB (MWB). Les autres participants étaient Paul Magnette (PS), Christian Brotcorne (CdH), Georges Gilkinet (Ecolo) et Germain Mungemangango (PTB). Nous publions ci-dessous un compte-rendu de ce débat devant plus de cent responsables syndicaux d’entreprises. Le débat était présidé par Antonio Cocciolo, Président MWB Hainaut-Namur.


Céline Caudron (LCR) : « Le PS est social-libéral. Le syndicat doit avancer une alternative politique et l’assumer »

Céline Caudron a été la première intervenante. Notre camarade a commencé par la dernière question posée aux orateurs : l’Union Européenne. Elle a décrit l’UE comme une machine de guerre contre le monde du travail et a dénoncé le coup d’Etat contre la démocratie que l’UE organise avec la complicité des gouvernements (notamment le gouvernement belge). Pour Céline Caudron, cette UE doit être cassée par la lutte unie des travailleur-euse-s des différents pays, c’est la condition pour construire une autre Europe. Elle a appelé concrètement à la solidarité, par exemple avec les travailleurs en grève depuis deux mois dans les aciéries en Grèce, ainsi qu’à la convergence des syndicats avec le mouvement des « indigné-e-s ».

A propos de la relance économique, notre camarade n’a pas esquivé le débat. « Le capitalisme est en crise, nous ne sommes pas pour la relance de ce système. C’est comme si on était tous dans le même casino et qu’il fallait relancer la roulette. Pour nous, il faut sortir du casino en n’oubliant pas de passer par les coffres récupérer ce qu’on nous a volé. C’est pourquoi nous plaidons pour la nationalisation des banques. Et pour celle de l’énergie, car c’est indispensable pour combattre le changement climatique ».

Abordant le thème plus consensuel – entre syndicalistes- de la fiscalité, Céline Caudron a caractérisé la Belgique de « paradis fiscal pour les riches et enfer fiscal pour les autres ». Elle a soutenu les revendications syndicales en matière de fiscalité, en insistant sur l’importance d’en finir avec les intérêts notionnels. Mais elle a attiré l’attention sur le fait que prendre l’argent là où il est pour rembourser la dette reviendrait à ponctionner les riches pour rembourser les riches, vu que ce sont eux les créanciers de l’Etat. « Les dettes privées des banques ont été transformées en dettes publiques qu’on fait payer à la population. Ce sont des dettes illégitimes. Il faut donc un moratoire sur la dette et un audit pour savoir d’où vient la dette. On n’a pas à payer les dettes illégitimes ».

La porte-parole de la LCR a ensuite combiné les réponses aux questions sur le chômage et sur les prépensions, pour montrer que ces attaques visent à démanteler la sécurité sociale, à précariser l’emploi et à faire pression sur les salaires, selon le « modèle allemand ». « Le gouvernement dit qu’il a sauvé la Belgique mais il tue la Sécu, a-t-elle dit. Or, sauver la Belgique, c’est sauver la Sécu, c’est notre Sécu. »

En conclusion, Céline Caudron a dénoncé une régression sociale sans précédent. « Ce n’est qu’un début, et c’est pour ça que le gouvernement veut marginaliser le syndicat. C’est un danger. Il faut réussir la grève du 30 janvier mais aussi préparer un plan d’action. Car ce n’est pas le PS qui défend les travailleurs, c’est devenu un parti social-libéral. Le syndicat doit avancer une alternative politique et l’assumer, car il a la légitimité démocratique de ses 2,5 millions d’affilié-e-s. »


Germain Mungemangango (PTB) : des accents keynesiens, profil bas face au PS

Le débat a bien mis en lumière les positions des uns et des autres. Du côté de l’opposition, Germain Mungemangango a insisté sur l’importance d’une bataille d’information à mener sur la gravité de l’attaque du gouvernement. Parlant d’un « hold-up » qui se poursuit depuis 2007, le représentant du PTB a lui aussi parcouru les quatre questions posées par les syndicalistes. Citant beaucoup de chiffres, il a montré que le coût du vieillissement n’était pas un problème mais un choix politique. Un choix tranché en faveur des patrons qui veulent augmenter la concurrence au sein du monde du travail.

En ce qui concerne la fiscalité, Germain Mungemangango a estimé, comme les syndicats, que le plan est « complètement déséquilibré », puisque les ponctions sur les riches et les entreprises ne rapportent que 800 millions sur les 11 milliards. « Les plus attaqués sont les familles à deux revenus », a-t-il estimé. Exemple : les mesures sur les voitures de société.

Situant l’offensive du gouvernement dans le contexte européen, le représentant du PTB a dénoncé « l’Europe allemande » de Merkozy et le modèle allemand qui sert de référence à Di Rupo. A juste titre, il a affirmé qu’il n’y a « pas de place pour un deuxième modèle allemand en Europe » (puisque les succès à l’exportation de ce pays ont l’Europe pour théâtre et sont basés sur la réduction des salaires).

Elargissant le propos, et citant l’économiste Paul Krugman (l’austérité tue le malade au lieu de le guérir), l’orateur s’est fortement identifié au projet d’une relance keynesienne par la demande: « On produit pour consommer mais s’il n’y a pas de pouvoir d’achat il n’y a pas de consommation et, à la fin, la production s’arrête. Transférer la crise sur le dos des consommateurs est une solution à court terme. A long terme, c’est l’impasse. Il est temps d’arrêter leurs bêtises.»

En conclusion, Germain Mungemangango a déclaré qu’il fallait réussir le 30 janvier, rejeter l’austérité en bloc, et prendre des mesures pour que le pouvoir d’achat des gens soit suffisant. Son intervention présentait des convergences avec celle de Céline, mais on note aussi des différences importantes, notamment l’absence de toute attaque contre le PS ainsi que l’absence de remise en cause de la dette.

Georges Gilkinet (Ecolo) : « des alternatives responsables pour une relance verte»… du capitalisme


Le troisième orateur était Georges Gilkinet, député Ecolo. Il a dit sa colère face à un plan qui n’est « pas juste et pas efficace », et a présenté les « alternatives responsables » des Verts.

Tout en égratignant les partis de la majorité, notamment le PS, Georges Gilkinet a tenu à souligner qu’il « faut être honnête : le contexte est difficile, vu la crise financière et l’aide qu’il a fallu apporter aux banques ».

Gilkinet non plus ne remet pas en cause le remboursement de la dette : elle est trop importante, dit-il, il faut la réduire, sinon on lègue un fardeau insupportable à nos enfants. Mais il faut la réduire à un rythme acceptable et dans des conditions sociales.

Le représentant d’Ecolo a dénoncé le rôle trop important des agences de notation. Concernant l’UE, il a dit sa foi en une Europe fédérale, synonyme de paix et de justice, et dénoncé les choix trop à droite de la Commission et du Conseil qui veulent l’équilibre budgétaire en agissant uniquement sur les dépenses.  « L’UE a choisi une mauvaise voie, que nous combattons », a-t-il dit.

Abordant les questions posées par les MWB, Georges Gilkinet a déploré la multiplication des cadeaux fiscaux non conditionnés. Ecolo n’est pas opposé aux intérêts notionnels, à condition d’engagements en matière d’emploi. Pour lui, la contribution des financiers est insuffisante. Il dénonce les tabous que sont les intérêts notionnels, la rente nucléaire, les provinces et les revenus des parlementaires.

En ce qui concerne les pensions, l’orateur a dénoncé la procédure suivie : « on n’a jamais vu ça », a-t-il déclaré. « Or, au plus une société est égalitaire, au plus elle est efficace économiquement ».

En conclusion, Gilkinet a fait la promotion de la politique à laquelle Ecolo participe au niveau wallon : « La relance verte, on y parvient en Wallonie, dans le cadre du Plan Marshall 2. Vert ».


Christian Brotcorne (CdH) : capitulez devant les banques, c’est la seule solution

Ce fut ensuite le tour de Christian Brotcorne (CdH). Sentant venir l’oignon, le député du Hainaut occidental a prévenu d’emblée : « ce sera plus compliqué pour Paul Magnette et pour moi. Mais il faut assumer dans la conviction que ça ira mieux demain ».

Après cette entrée en matière, Brotcorne a effectivement assumé, en expliquant que l’austérité est inévitable, pour trois raisons : le contexte financier/budgétaire , la situation particulière de la Belgique avec sa crise communautaire, et l’allongement de la vie.

Le député CdH a lu la citation suivante du président US Jefferson (1743-1826):  "Je crois que les institutions bancaires sont plus dangereuses que les armées... Si le peuple américain permet un jour aux banques privées de contrôler la création de monnaie, les banques et les sociétés qui grandiront autour des celles-ci déposséderont les gens de leurs biens jusqu'à ce que leur enfants se réveillent sans rien dans la rue, sur le continent que leurs ancêtres ont conquis. »

Ce qui est franchement cocasse,  c’est qu’il l’a fait sans même se rendre compte que, loin de justifier l’austérité, cette citation point un doigt accusateur sur ceux qui, comme lui, capitulent devant les armées de la finance… à qui ils ont donné ses armes.

Capitulez, tel fut en effet le message de Brotcorne : « Que faire ? accuser les responsables ? Oui, mais la situation est là. Il faut réduire la dette, c’est vital, sans ça il n’y a pas de marges d’autonomie pour d’autres politiques. » Qu’aurait dit ce Monsieur en 40, quand les armées nazies semblaient triompher ? Qu’il fallait collaborer, dans l’espoir de retrouver des « marges d’autonomie » ?

Inutile d’en dire davantage. Brotcorne n’en eut d’ailleurs guère l’occasion, car les délégués, ulcérés, commencèrent à l’interpeller vivement : « Il faut cesser de nous prendre pour des animaux sans cervelle, ça fait 35 ans que ça dure ». « La réforme des pensions nous a choqués », se risqua encore Brotcorne. Mal lui en prit : « Mais vous l’avez votée ! c’est quoi ce double discours ?! ».

Au nom de la démocratie, le président des MWB du Hainaut-Namur appela avec insistance les militants au respect des orateurs. Justement, c’était au tour de Paul Magnette de s’exprimer.


Paul Magnette (PS) : contre la contestation « pure et gratuite »

Le représentant du PS commença par poser des balises : « le parti c’est le parti, le syndicat c’est le syndicat ». En termes voilés, cela signifie : la politique, c’est nous, pas vous.

Habilement, il enchaîna en disant ne pas être venu pour prétendre que, sans le PS, ce serait pire. Seulement pour expliquer les conditions dans lesquelles le PS agit. « Vous savez ce que c’est que négocier, on n’obtient pas toujours ce qu’on veut », ajouta-t-il.

Magnette embraya en brossant le tableau de l’UE : « on est terriblement isolés en Europe. Gouvernements de gauche : zéro. Gouvernements avec des socialistes : 3 ou 4. Gouvernements dirigés par des socialistes : un seul. »

Kif-kif en Belgique : « il n’y a que 40 parlementaires de gauche. La Flandre vote à 80% pour la droite ou l’extrême-droite. Or il y a 5 millions de Flamands et ils transfèrent chaque année 7 millions d’Euros à la Wallonie. »

Cette situation pose deux problèmes, selon le ministre : l’équilibre budgétaire et l’emploi. « Car, dans 20 ans, il n’y aura plus de transferts Nord-Sud. Donc il est vital d’augmenter le taux d’emploi en Wallonie. Sans cela, soit toutes les prestations sociales diminueront de 25%, soit on travaillera gratuitement un jour par semaine ».

Concernant le budget, voici le scoop : « Je le défends à 80%, c’est un budget de centre-gauche. Cinq milliards sur les 11 viennent des riches. C’est un budget juste et équilibré, sans réduction des prestations sociales ni baisse des salaires ».

Le seul problème, selon Magnette, ce sont les réformes structurelles : « Je suis tiraillé, c’est très désagréable, mais j’assume ». Car il y a un « fait incontestable : le vieillissement démographique. Que ça plaise ou non, pour maintenir la pension par répartition, il faut augmenter le taux d’emploi, car il n’est pas possible de payer les pensions si les actifs sont moins nombreux que les pensionnés ».

Sur ce point, Magnette reprit exactement « l’argumentation » de Brotcorne, mais, lui, ne fut pas hué. Il put donc continuer son auto-justification : « l’absence de concertation, c’est Van Quickenborne. Moi, dans mon département, j’organise la concertation avec les cheminots, les postiers. Il y a des marges pour négocier.

Polémiquant contre notre camarade à propos du stage d’attente, Magnette se mit à chanter les louanges de cet élément clé des réformes structurelles dont il disait cinq minutes plus tôt qu’elles étaient « très désagréables » : « Le stage d’attente ça ne marche pas. On aura un vrai stage d’insertion avec compensation intégrale pour les CPAS, et un assouplissement des conditions pour revenir dans le système du chômage ».

En conclusion, le ministre PS exhorta les délégués : « Il y a d’autres choix que l’immobilisme ou la contestation pure et gratuite (oui, il l’a dit : gratuite !). Il faut augmenter le taux d’emploi. Le combat essentiel est là. On n’a pas de marge de manœuvre. On est obligés d’assainir ». En espérant qu’en 2013, 2014, le rapport de forces politique changera en Europe ».Polémiquant à nouveau contre Céline, Magnette ajouta : « que peut-on faire d’autre ? Refuser de payer la dette, On peut rêver ! ».


Tous les intervenants contre le PS

Une prestation fort habile, mais qui n’a pas convaincu les délégués. Dix sont intervenus, et tous contre le PS. Aucun n’a fait remarquer que bien des pays (l’Islande par exemple !) avaient refusé de payer la dette des banquiers (mais Céline s’en est chargée dans sa réponse). Par contre, on a entendu des choses bien intéressantes, et exprimées sans détours. Le mot « imbuvable » est revenu quantité de fois. Quelques citations :

- « Ce qu’on attend c’est un  projet de société. On en a marre du capitalisme. Pour une révolution, il faut une conscience » ;

- « La prépension aujourd’hui elle est au service des patrons. Il faut une prépension avec remplacement par un jeune »

- « Fortis, Dexia : on a renfloué le capitalisme avec nos liards »

- « réduire de 2,3 milliards l’enveloppe des soins de santé sans impact sur les patients ? On n’y croit pas »

- « Pourquoi avoir choisi le MR ? Ils ont perdu les élections. Vous nous imposez l’extrême-droite »

- « Pourquoi ces mesures sur le crédit-temps ? Les gens m’interrogent dans les ateliers. Il manque partout des places en accueil de la petite enfance »

- « Comment osez-vous parler de non réduction des salaires alors que les prix de l’énergie montent et que les banques répercutent les mesures sur les citoyens ? »

- « On ne touche pas à l’index… Mais on paie dix fois pour garder l’index ! »

- « Vieillissement ? Alors que le PIB a doublé depuis 1980 ? On peut payer les pensions sans travailler plus »

- « Si vous êtes de gauche, pourquoi être au gouvernement  pour faire le travail de la droite ? Vous devriez être aux côtés des travailleurs contre le capitalisme qui leur nuit gravement »

-  « On a tous payé pour le nucléaire. Maintenant qu’Electrabel est vendu à Suez, qui va payer le démantèlement ? Les citoyens ou Suez ?

- « Ce que vous faites n’a plus rien à voir avec l’article 1 des statuts du PS : organiser les travailleurs sur le terrain de la lutte des classes en vue de prendre le pouvoir pour l’émancipation des travailleurs »

Un débat exemplaire, très utile, très éclairant, et d’excellente tenue. Bravo aux organisateurs !

 alt



Voir aussi les impressions de Céline Caudron cueillies à chaud à la sortie de la rencontre avec les métallos : vidéo




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