Altersommet. « Nous voulons créer le rapport de force pour servir les idées alternatives »
Par Felipe Van Keirsbilck le Mardi, 11 Juin 2013 PDF Imprimer Envoyer

Athènes, envoyé spécial. Felipe Van Keirsbilck, secrétaire général de la centrale syndicale belge CNE (Centrale nationale des employés), a été particulièrement impliqué dans la création de l’altersommet. Il livre à l’Humanité.fr son regard sur cet événement, ses attentes et les nouveautés qu’il comporte.  

En quoi l’altersommet est un processus novateur ?

Felipe Van Keirsbilck : Pour la première fois, une plate-forme très large d’association européennes, syndicales, altermondialistes, féministes etc. se réunissent avec un programme commun et avec une capacité de dire ensemble. Ils ont rédigé un manifeste en quatre chapitres qui déterminent quatre priorités politiques. Les 170 organisations du réseau veulent continuer à travailler ensemble de manière organisée, avec le développement progressif de capacités de coordination. L’ambition n’est pas seulement d’échanger des idées comme c’était le cas dans les forums sociaux mais de créer le rapport de forces pour servir ces idées. Car ce qui manque en Europe, ce ne sont pas les idées sur les mesures politiques qu’il faudrait prendre mais le rapport de forces pour les imposer.

L’altersommet peut-il donc se transformer en contre conseil européen ?

C’était en tout cas l’intuition quand nous l’avons baptisé « alter-sommet » ! L’idée est d’opposer au sommet des chefs d’Etat le sommet des peuples et des alternatives. La préparation de cet altersommet a révélé qu’il était à la fois possible et nécessaire de faire plus qu’un sommet et de créer réellement une force pour l’action. Un sommet pourrait laisser penser que ce n’est qu’un rendez-vous d’un jour. Il pourrait alors naître l’impression, fausse, que l’important est ce qui se passe à Athènes du 7 au 9 juin. En réalité, la préparation de cet altersommet a vite révélé qu’il n’avait de sens et d’intérêt qu’à une double condition. La première est qu’il y ait un enracinement local et national par des coordinations comme il en existe par exemple en France, en Allemagne, en Norvège… La seconde est qu’après le sommet, il y ait la mise en convergence d’un certain nombre de luttes. L’altersommet ne décrétera pas des luttes. Ce serait absurde. Les luttes sont déjà nombreuses, partout en Europe. Mais nous allons tenter de les faire converger pour que ce qui se passe à Lisbonne, Athènes ou Francfort puisse être entendu à Bruxelles et avoir un effet sur les politiques européennes.

Un contre-sommet signifierait aussi la même date que les sommets des Chefs d’Etat et de gouvernement. Le poids de cet altersommet ne risque-t-il pas de trouver affaibli par cette divergence de date ?

Nous sommes bien conscients que le mouvement social européen part d’une situation d’extrême faiblesse. Les FSE, qui n’avaient pas permis d’imposer le rapport de force, sont en déliquescence depuis ceux de Malmö et Istanbul. Nous fixons une étape à atteindre, avec des priorités politiques communes, la construction d’un réseau, mais évidemment, nous savons que nous n’imposerons pas dans l’agenda politique européen nos alternatives les 7 et 8 juin. A Athènes, nous définirons un certain nombre de stratégies de luttes pour faire avancer les 4 priorités politiques que nous nous sommes donnés. Athènes n’est donc qu’un premier pas dans ce combat pour une Europe qui soit sociale, écologique, féministe et démocratique. Et si la date n’est pas celle du sommet européen, c’est aussi parce que nous nous ne sommes pas dans le mimétisme ou la contredépendance mais que nous voulons tenter d’imposer notre propre agenda.

Les FSE ont aussi été en déliquescence car ils refusaient le lien avec les partis politiques alors que la force des chefs d’Etat et de gouvernement semble notamment leurs relais (politiques, économiques). Avez-vous résolu cette question ?

Il y a un saut qualitatif entre les FSE et l’altersommet. Nous avions défini comme principe de base la volonté d’un rassemblement le plus large possible, avec toutes les forces qui luttent contre l’austérité et l’oligarchie dans laquelle nous sommes. Toutes les forces, cela veut aussi dire des parlementaires, des partis politiques. Nous avons donc dépassé le rejet total de la politique qui caractérisait une partie du mouvement social auparavant. Nous avons lancé un appel à des personnalités politiques pour qu’elles relayent notre combat ; mais nous ne leur demandons pas de nous représenter. Le modèle dans lequel le mouvement social exprime les revendications et ensuite, des partis politiques prennent le relai ne nous convient pas. Nous n’avons pas besoin que l’on prenne notre relai, nous allons rester dans la course, dans la lutte. Mais nous avons besoin d’être écoutés, dans les parlements, la rue, les entreprises… et il faut mener ces combats en même temps. Nous avons fait appel à des personnalités politiques. Dans les partis, règne la discipline de parti aux plans nationaux et européens ; il est alors difficile pour beaucoup de rompre avec l’austérité et le libéralisme. Nous demandons donc à des personnalités d’avoir le courage de dire qu’ils sont de notre côté. Ainsi, Alexis Tsipras, Pierre Laurent, Philippe Lamberts etc. s’exprimeront et diront qu’ils sont de notre côté. Nous pensons donc avoir fait un progrès dans la construction de ce mouvement social en affirmant le besoin d’être présent dans les débats politiques.

Source : http://humanite.fr

 

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