L’énergie nucléaire n’est pas une solution face au changement climatique
Par M. Lievens le Dimanche, 28 Octobre 2007 PDF Imprimer Envoyer
Les partis de l’Orange bleue qui tentent actuellement de former un nouveau gouvernement sont à couteaux tirés lorsqu’il s’agit de questions communautaires. Il y a pourtant de nombreux consensus. Entre autres sur la nécessité d’approfondir la gestion néo-libérale mais également sur la remise en question de l’abandon du nucléaire. La décision de mettre fin à l’utilisation de l’énergie nucléaire était l’un des rares mérites de la participation gouvernementale des Verts.

La question de l’énergie nucléaire forme un point de rupture. Dans la gauche au sens large (à l’exception de la CSC qui cultive le flou sur la question) une grande majorité est contre l’énergie nucléaire. Les partis de droite, qui sentent le souffle du lobby de la grande industrie et du secteur de l’électricité (Electrabel) dans leur cou, tentent de préserver l’énergie nucléaire et ses plantureux profits. Ailleurs en Europe (Royaume Uni, Allemagne…) le débat fait rage, opposant souvent gauche contre droite. L’énergie nucléaire est régulièrement mise en valeur parce qu’elle serait « neutre » en émissions de CO2,  et donc une bonne solution pour la préservation du climat. Selon nous, au contraire, les choses sont claires: l’énergie nucléaire ne constitue pas une alternative. Arguments à l’appui:

1. L’énergie nucléaire n’est pas du tout neutre en CO2

Il n’est pas exact du tout que la production d’énergie nucléaire ne produirait pas de gaz à effet de serre. Au contraire, à chaque phase du processus, de la mine d’uranium jusqu’au traitement des déchets atomiques, une masse énorme de gaz à effet de serre est produite.

Il y a une énorme émission de carbone lors de l’exploitation de uranium, lors du transport vers   - généralement - les pays industrialisés et lors de la préparation de cet uranium pour la production d’énergie. Le volume de gaz à effet de serre a même tendance à s’élever au fur et à mesure que les conditions de production minière deviennent plus difficiles.  Il y a ensuite le CO2 qui est généré par la construction et l’entretien de l’énorme infrastructure nécessaire à la production de l’énergie nucléaire ainsi que pour l’évacuation de la matière première consommée. Et finalement, il y a le CO2 produit lors du transport des déchets et leur traitement. En France, la part de l’énergie nucléaire dans la production totale de CO2 est estimée à 10 % au moins (1). L’énergie nucléaire produit en tout les cas beaucoup plus de gaz à effet de serre que, par exemple, l’énergie éolienne.

2. L’énergie nucléaire n’est pas du tout sûre

Rappelons-nous de Tchernobyl: 400 fois plus de matériaux radioactifs ont été rejetés dans l’atmosphère que lors du largage de la première bombe atomique sur Hiroshima. Des centaines de milliers de personnes ont dû déménager. Des millions d’hommes et de femmes vivent encore dans la région contaminée. Des milliers de personnes ont perdu la vie et meurent encore aujourd’hui à cause de cet accident. Le nombre de cancers mortels causés par Tchernobyl est estimé à 30.000. Mais certaines études avancent que la catastrophe à coûté un total 500.000 vies humaines (2). La Biélorussie, pays qui a été plus confronté à la hausse de radioactivité, seul un pour-cent du territoire n’a pas été contaminé.

Mais Tchernobyl n’est pas un cas isolé, exceptionnel. Il existe déjà une longue liste d’incidents impliquant l’énergie nucléaire. En 1957, un incendie s’est déclaré dans un des réacteurs de le centrale de Windscale, au Royaume-Uni. Au cours la même année, lors d’un accident dans un dépôt russe de déchets nucléaires, une grande quantité de matériaux radioactifs a été dispersée, causant le décès de 200 personnes.  En 1979, il y a eu l’incident bien connu de Three Mile Island aux USA. Récemment, des fuites radioactives ont été signalées dans une centrale au Japon.

3. Les déchets nucléaires sont dangereux

La production de l’énergie nucléaire nous encombre de matériaux très toxiques, cela n’est pas un secret. Un réacteur moyen produit à environ 25 à 30 tonnes de combustible consommé par année. A ce jour, aucune méthode entièrement sûre pour le traitement de ces déchets n’a été mise au point. Il y a de quoi sursauter lorsque les médias nous rapportent régulièrement les cas de déchets nucléaires mal stockés, de fuites ou de explosions. Mais des déchets radioactifs, moins médiatisés, sont également produits lors de l’extraction et l’enrichissement de l’uranium. Le produit dérivé le plus important de l’enrichissement de l’uranium est l’uranium appauvri, qui est utilisé couramment dans les munitions antichars et a été massivement utilisé dans les Balkans ou en Irak.

Les mines d’uranium se trouvent surtout essentiellement en Australie et au Canada. La mine Olympic Dam en Australie est une des plus grandes au monde. Pour produire 4000 tonnes d’oxyde d’uranium par année, la mine doit produire 10 millions de tonnes de sable radioactif. Chaque jour, cette mine utilise 30 millions de  litres d’eau provenant d’un réservoir souterrain naturel. Un certain nombre de sources se sont taries suite à cette exploitation forcenée.

4. L’énergie nucléaire entraîne la prolifération nucléaire

A l’origine, les centrales atomiques furent construites afin d’y produire le plutonium nécessaire à l’armement nucléaire. L’énergie libérée pendant ce processus était un « bonus ». Entre-temps, la technologie de l’énergie nucléaire a été acquise par des Etats qui ne veulent ou ne peuvent pas produire d’armes nucléaires. Mais chaque pays qui déplaît aux Etats-Unis et qui développe un programme nucléaire est accusé de tenter la fabrication d’armes nucléaires. La détention des capacités techniques en énergie nucléaire constitue un élément clé de la politique impérialiste, comme chacun peut le constater dans l’attitude actuelle des Etats-Unis envers l’Iran ou la Corée du Nord.

5. L’énergie ne peut se faire sur la base du marché

Chaque centrale nucléaire coûte une fortune colossale. Les entreprises privées n’osent quasiment jamais y investir seules. Le  gros des centrales a été construit grâce à des subventions publiques très généreuses, ce qui ne semble même pas mériter un débat démocratique sur « qui fait quoi avec l’argent de nos impôts ». Par contre, une chose est claire: des bénéfices gigantesques disparaissent dans les poches des grandes entreprises privées qui ont bénéficiés de ces largesses publiques. Electrabel n’est pas devenu pour rien un pilier de la multinationale Suez.

Une réorientation de la production énergétique vers les énergies renouvelables coûtera certainement très cher. Mais pourquoi alors ne pas investir prioritairement dans ce secteur-là ? Le besoin de changer de système énergétique est urgent. Entre temps, les gouvernements, partout dans le monde, continuent à opter pour l’énergie nucléaire, sous la pression des lobbys capitalistes. L’énergie nucléaire, en outre, n’est pas une technologie démocratique. Elle est entourée d’un voile de secrets. L’Etat et les grandes entreprises jouent ce jeu en connivence, sans tenir compte des droits démocratiques.

6. L’énergie nucléaire n’est pas une énergie durable

Comme c’est le cas pour le pétrole ou le gaz naturel, les réserves de minerais d’uranium sont limitées. Si on continue leur exploitation au rythme actuel, il arrivera forcément un moment où la quantité restante d’uranium sera épuisée et il ne nous restera plus que des montagnes de déchets hautement toxiques.

Quelle sera l’alternative ?

Le mode actuel de production d’électricité est extrêmement inefficace et hyper centralisé. L’électricité est produite dans quelques centrales centrales utilisant de hautes températures pour la transporter – avec les pertes inévitables - et la consommer. L’industrie électrique privée a  choisit un type production centralisée afin de mieux garder le contrôle du processus. La choix des énergies renouvelables rime au contraire avec une décentralisation de la production, réduisant ainsi les pertes par le transport et permettant d’utiliser plusieurs  sources d’énergie en fonction des finalités, par exemple la production combinée d’électricité et de vapeur pour le chauffage.

Des économies d’énergie gigantesques peuvent être ainsi réalisées de façon aisée. L’habitat en Beglique est l’un des plus mal isolé de toute l’Europe occidentale. Une initiative publique est urgente afin de s’occuper de l’isolation thermique des bâtiment. Des investissements publics massifs doivent avoir lieu dans le secteur des énergies renouvelables, qui sont essentiellement réparties en quatre types: le vent, les vagues, le soleil et les marées. Ces formes d’énergies ne pourront peut-être pas subvenir à la totalité des besoins énergétiques actuels. Mais elles possèdent un potentiel gigantesque. La technologie existe mais les autorités politiques et les entreprises privées continuent à investir dans l’énergie nucléaire. Investir dans la recherche en énergie renouvelable et constituer un service public intégral (de la production à la distribution) de l’énergie rendraient les technologies renouvelables bien meilleur marché qu’aujourd’hui. Or, malgré l’urgence du défi climatique, c’est tout le contraire qui est fait aujourd’hui. Au niveau mondial, on constate même une diminution de la part des énergies renouvelables de 24% en 1970 à 13% aujourd’hui (3) dans la production totale d’énergies !

(1) Harris-White, B. & Harris, E., Unsustainable Capitalism: The Politics of Renewable Energy in the UK, in: Socialist Register 2007, p. 94.

(2) The Guardian, 25 mars 2006

(3) Harris-White…, idem, p. 96.

Voir ci-dessus