Grèce, Espagne, Portugal, Italie... Contre l'austérité et la dictature des spéculateurs capitalistes: lutte et solidarité partout en Europe!
Par Colllectif le Jeudi, 27 Mai 2010 PDF Imprimer Envoyer

Initiative pour une « semaine de manifestation et de solidarité » à travers l’Europe organisée par des députés européens de gauche: Joe HIGGINGS, Nikolaos CHOUNTIS, Soren SøNDEGAARD, Eva-Britt SVENSSON, Kyriacos TRIANTAPHYLLIDES, Marisa MATIAS, Miguel PORTAS Miguel, Rui TAVARES

Députés du groupe de la Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique (GUE-NGL) au Parlement européen, nous vous écrivons en tant que représentants des travailleurs à travers l’Europe. Il est clair que le paquet financier massif mis en place ce week-end ne peut qu’accélérer le rythme des attaques qui on lieu à travers l’Europe contre les travailleurs, les jeunes et les retraités.

A ce stade, les travailleurs grecs sont en première ligne. Ils font face à une baisse de 10% des salaires et des dépenses dans le secteur public, une augmentation de l’âge de la retraite, une augmentation de la TVA et un gel des pensions de retraites. Mais les travailleurs au Portugal, en Espagne, en Irlande et en Italie ont également subi des attaques contre leur niveau de vie et continu d’en subir. Il est également clair que ces attaques ne seront pas confinées aux travailleurs des économies dites « périphériques » - les travailleurs de tout les pays d’Europe vont voir l’érosion de leur système de retraites, une pression sur les salaires, des coupes dans les services sociaux et l’Etat providence, ainsi que la continuation du chômage.

Ces attaques sont dans la même ligne que la stratégie globale de l’Union européenne telle que décrite dans la stratégie ’UE 2020" - qui fait allusion au besoin d’augmenter l’âge de la retraite et le nombre d’heures travaillées par les travailleurs européens et un retour strict au Pacte de stabilité et de croissance qui nécessite des coupes drastiques dans les dépenses publiques dans de nombreux pays.

Ces attaques sont associées à des tentatives venimeuses de division des travailleurs selon les lignes nationales. Cela est particulièrement évident dans les médias allemands et nombre d’autres pays. Des mensonges sont répandus sur les conditions de travail en Grèce afin de créer l’impression que les citoyens ordinaires grecs sont responsables de cette crise et qu’ils doivent en payer le prix. La gauche doit contrer cette désinformation par les faits, en montrant la situation telle qu’elle est réellement. Par exemple, contrairement au mythe des travailleurs grecs fainéants qui prennent leur retraite tôt, l’âge moyen de la retraite en Grèce est de 61.4 ans, soit au dessus de la moyenne européenne !

Durant les dernières semaines Les travailleurs grecs ont montré une volonté de lutte héroïque contre ces attaques. Les travailleurs portugais et espagnols ont indiqué la même volonté de se battre.

D’importantes critiques ont été faites de la part des syndicats européens et des organisations de gauche contre ces attaques faites sur les travailleurs. Nous estimons qu’il y a aujourd’hui une réelle demande pour une réponse conjointe à travers l’Europe, pour dépasser les tentatives de division des travailleurs et donner aux citoyens la confiance de se battre. Nous proposons d’initier une « semaine de manifestation et de solidarité » pour la semaine du 21 au 27 juin. Ce que nous envisageons pour cette semaine est que les partis politiques, syndicats, mouvement sociaux et militants se retrouvent pour échanger et organiser de grandes actions et manifestations dans leur pays.

L’intérêt d’une telle démarche est de montrer que la gauche et les organisations sociales rejettent l’idée selon laquelle c’est au travailleurs de payer pour la crise, de demander la fin de la dictature des marchés, de demander la que les institutions financières soit la propriété publique et de déclarer que les travailleurs européens sont unis et solidaires.

Nous invitons votre organisation à discuter de la possibilité de soutenir cette initiative et de s'engager à participer à l’organisation d’importantes manifestations européennes à cette date. Pour nous les enjeux clés sont clairement la solidarité avec les travailleurs grecs, mais également mettre en cause les attaques subit dans les différents pays où auront lieu les manifestations.

Nous comprenons bien sur que les détails précis et slogans devrons être établis en fonction du contexte politique spécifique de chaque pays. Cependant, nous suggérons que ces demandes basiques forment une base de discussion à travers l’Europe :

• Les travailleurs n’ont pas à payer pour la crise - il faut faire payer les plus riches et les banquiers

• Solidarité avec les travailleurs grecs et unité des travailleurs à travers l’Europe

• Non aux coupes budgétaires, aux baisses de salaires, au chômage et à une augmentation de l’âge de la retraite

• Non à la privatisation des services publics

• Mettre fin à la dictature des marchés, des institutions de crédits et du FMI

• Stop au renflouage des banques - nationalisation des banques et des établissements financiers dans l’intérêt des travailleurs.

Nous pensons que des manifestations massives et coordonnées dans la semaine du 21 au 27 juin auraient un impact majeur et enverraient un signal clair aux dirigeants européens. Cela aiderait la lutte des travailleurs dans les différents pays d’Europe et serait une étape vitale dans la construction d’une résistance européenne à l’agenda ultralibéral actuellement mis en place.

Bien sur le temps presse. Nous souhaitons construire une vaste coalition sur une base européenne pour mettre en place ces manifestations, qui serait relayée par des coalitions au niveau national. Nous vous serions très reconnaissants de nous répondre rapidement.

Nous espérons que vous aurez un regard favorable face à ces propositions et que votre organisation pourra participer à la construction d’une manifestation européenne fin juin. Merci de diffuser cet appel, et de nous contacter pour nous tenir informé de vos réactions. Nous serions ravis de vous rencontrer pour discuter ensemble du développement de ce projet.

Les signataires ci-dessous forment une liste initiale.

Solidairement,

Joe Higgins MEP (Socialist Party - Ireland) joe.higgins europarl.europa.eu

Nikolaos Chountis (Syriza - Greece) nikolaos.chountis europarl.europa.eu

Søren Bo Søndergaard (Folkebevægelsen mod EU - Denmark) sorenbo.sondergaard europarl.europa.eu

Eva-Britt Svensson (Left Party - Sweden) eva-britt.svensson europarl.europa.eu

Kyriacos Triantaphyllides (AKEL - Cyprus) kyriacos.triantaphyllides europarl.europa.eu

Marisa Matias (Bloco de Esquerda - Portugal) marisa.matias europarl.europa.eu

Miguel Portas (Bloco de Esquerda - Portugal) miguel.portas europarl.europa.eu

Rui Tavares (Bloco de Esquerda - Portugal) rui.tavares europarl.europa.eu

Nouvelles signatures

Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche - France) jean-luc.melenchon europarl.europa.eu

Sabine Wils (Die Linke - Germany) sabine.wils europarl.europa.eu

Olivier Besancenot (Nouveau Parti Anticapitaliste - France)


Le peuple grec est victime d’un véritable racket

Ce qui se passe en Grèce nous concerne tous. La population paye une crise et une dette qui ne sont pas les siennes. C’est le tour du peuple grec, demain d’autres suivront tant les mêmes causes produiront les mêmes effets si nous nous laissons faire.

D’abord et avant tout, exprimons notre solidarité pleine et entière à la population qui souffre d’un plan d’austérité sans précédent, doublé d’un mépris et d’une arrogance qui confinent au racisme. Les grèves, les manifestations sont légitimes, nous les soutenons. Ce n’est pas la crise du peuple grec, c’est la crise du système capitaliste mondial. Ce que subit le peuple grec est révélateur du capitalisme d’aujourd’hui. Le plan dicté par l’Union européenne et par le Fonds monétaire international (FMI) foule aux pieds les règles les plus élémentaires de la démocratie.

Si ce plan est appliqué, il produira un effondrement de l’économie et des revenus de la population sans précédent en Europe depuis les années 1930. Est éclairante également, la collusion des marchés, des banques centrales et des gouvernements pour faire payer à la population la facture des errances du système. M. Sarkozy ose encore parler de la nécessaire régulation du marché alors que toutes les mesures qu’il fait appliquer sont plus que jamais libérales. Un consensus droite-gauche mortifère accompagne le mouvement. Le plan est conçu par des gouvernements européens de droite et de gauche... et par Dominique Strauss-Kahn, directeur du FMI, institution qui sévit dans le tiers-monde depuis des décennies, et qui s’attaque désormais à l’Europe. Un plan qui est appliqué par un gouvernement socialiste, celui de Papandréou et dont le versant français est adopté par l’UMP... et les députés PS réunis.

La crise de la dette grecque est le troisième étage d’une crise plus globale qui a commencé, à l’été 2008 aux Etats-Unis. La spéculation financière menée par les principales banques occidentales a mené le monde au bord du gouffre et plongé l’économie dans la récession. Le chômage qui explose, les revenus et le pouvoir d’achat en berne en sont les principales conséquences. Les Etats ont sauvé ce capitalisme financier, ont ressuscité les banques, relancé le capitalisme à coups de centaines de milliards d’euros et de dollars, faisant ainsi exploser dettes et déficits ; mettant en difficulté les Etats les plus fragiles, comme la Grèce.

Désormais les marchés, une fois la crise digérée, s’attaquent à la dette des Etats et spéculent sur l’avenir des plus faibles. Quelle leçon de choses sur l’amoralité d’un système capable, en une année, de survivre grâce à la perfusion de l’Etat et de plonger ensuite celui-ci dans une punition spéculative. Une spéculation qui se lance à l’assaut de l’Espagne en attendant d’autres victimes. Lorsqu’il a annoncé, le 5 mai sur TF1, des mesures douloureuses imminentes pour « éviter un endettement comme la Grèce », le premier ministre, François Fillon, annonce aussi un plan d’austérité, dont la remise en cause du droit à la retraite à 60 ans ne constitue qu’un élément.

De fait, trois années de gel des dépenses publiques vont entraîner le blocage des salaires pour les fonctionnaires ainsi que des suppressions d’emplois dans les hôpitaux, les écoles et les autres services publiques, dont la population a besoin face à la catastrophe sociale engendrée par la crise. Au contraire, le boulier fiscal, qui gratifie un petit millier de privilégiés du remboursement de 376 000 euros en moyenne, voit son avenir garanti.

Deux poids, deux mesures. La voie grecque plébiscitée par les gouvernements européens consiste à s’attaquer aux droits sociaux. Parce que selon les règles du capitalisme mondialisé qu’appliquent ces gouvernements, l’Europe est en train de perdre la compétition mondiale face aux Etats-Unis et aux pays émergents. Leur solution pour regagner de la compétitivité vise à remettre en cause le niveau de vie et la protection sociale acquise en Europe par des décennies de mobilisation du mouvement ouvrier. Une spirale vers le bas sans fin. Et dire qu’on nous a vendu les traités de Maastricht, le traité constitutionnel, ou encore le traité de Lisbonne, comme les prémisses d’une construction européenne sociale et protectrice ! Quelle foutaise lorsqu’on rapporte cette promesse à la purge imposée aux Grecs - purge vendue à 5 % d’intérêt par ailleurs... Les banques européennes pourront continuer à s’enrichir sur le plan d’austérité grec, alors qu’elles sont les principales responsables du chaos économique mondial. Du coup, voter un tel « plan d’aide » sur les bancs de l’Assemblée n’a rien d’un geste humanitaire. Le PS, en ralliant le choix du gouvernement, se range au côté de la finance et non des opprimés.

Comme quoi l’UE, faute d’être solidaire, sait jouer les usurières sur le dos de la misère d’un peuple. La déclaration commune de M. Sarkozy et M me Merkel pour sauver la zone euro en renforçant la « surveillance budgétaire » des Etats en infraction avec les objectifs du pacte de stabilité, en est une illustration. Dans l’Europe libérale, les pouvoirs publics ne s’autorisent à transgresser le pacte de stabilité que lorsqu’il s’agit d’ouvrir le robinet d’aides publiques pour les banques. L’humanité peut attendre.

Pourtant, jamais la nécessité d’une Europe sociale, solidaire, écologique, anticapitaliste ne s’est fait sentir de façon aussi urgente. Aucun des problèmes posés ne trouve sa réponse dans les frontières nationales. Nous sommes tous et toutes des travailleurs grecs soumis aux mêmes logiques. La dette des Etats est le produit de vingt-cinq années de libéralisme, de défiscalisation des entreprises, du capital et des dividendes des actionnaires, des plus riches. Vingt-cinq années de baisse continue des « fameuses charges » qui pèseraient sur employeurs et nantis. Cette crise n’est pas la nôtre. En Grèce comme partout en Europe, il ne faut pas la payer.

C’est pourquoi nous exigeons l’annulation de la dette grecque. Refuser les plans d’austérité, dessaisir les banques du contrôle qu’elles exercent sur l’économie et sur la société, substituer à la Banque centrale européenne (BCE) un service public bancaire européen unique, qui ait le monopole des crédits, se battre pour l’annulation des dettes, c’est militer pour la vraie construction européenne : celle des peuples et des travailleurs, de la convergence de leurs luttes, pour une Europe solidaire, sociale et écologique. Faute d’entamer cette rupture pour construire une autre Europe, la logique souverainiste et nationaliste, avec son cortège de xénophobie, risque de prendre le dessus. La course de vitesse a débuté.

A l’époque, pour passer à la monnaie unique, tous les gouvernements libéraux, de droite comme de gauche, ont su imposer des critères de convergence économique drastiques. L’heure est venue d’imposer des critères de convergence sociaux avec un smic européen, un droit de veto des travailleurs européens et de leurs organisations contre les licenciements, et des droits sociaux et démocratiques fondés sur les législations nationales les plus favorables. Un tel projet doit être porté par une nouvelle force politique au-delà des frontières, une gauche anticapitaliste européenne qui se construit pas à pas. La leçon grecque est à méditer par toute la gauche radicale.

Partout, cette dernière est tiraillée par un choix : assumer une indépendance vis-à-vis de la social-démocratie ou s’inscrire dans une majorité de gestion avec la gauche libérale. Nous voulons tous battre la droite en Europe, comme en France, et cela implique de créer les voies d’une alternative face à celles de l’alternance programmée, déjà baptisée en France par le PS : « Gauche solidaire »... Solidaire des spéculateurs, en l’occurrence sur le dossier grec.

Olivier Besancenot et Pierre-François Grond (membres de la direction du Nouveau Parti Anticapitaliste, France)

Tribune parue dans le Monde, édition du 14.05

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