La Belgique dans le collimateur: Qui se cache derrière les « marchés »?
Par Michel Husson le Dimanche, 09 Janvier 2011 PDF Imprimer Envoyer

Le journal l'Echo du 7 janvier titre: « La dette de la Belgique est aussi risquée que celle de l'Italie » Il est clair que ces « marchés » font déjà pression pour que la Belgique lance sans tarder l'offensive d'austérité pour récupérer 20 à 25 milliards, soit par la formation d'un gouvernement en bonne et due forme avec une réforme de l'Etat à la clé, soit par la voie d'un gouvernement d'urgence socio-économique. Or, comme le montre l'économiste Michel Husson dans cet article, ces « marchés » qui spéculent actuellement sur l'Euro, sont principalement des capitalistes européens, dont l'intérêt à l'austérité est évident puisque leur but est de s'enrichir en appauvrissant la majorité de la population. Il faut donc prendre les mesures nécessaires pour les empêcher de nuire, au lieu de se prosterner devant leurs diktats comme le font tous les partis traditionnels, PS en tête! (LCR-Web)

Qui joue contre l’euro?

Qui se cache derrière cette expression passe-partout de «marchés financiers»? Il serait intéressant de le savoir au moment où ceux-ci exercent une terrible pression sur les gouvernements européens à travers les conditions de financement de la dette publique.

C’est la question que deux économistes de banque ont cherché à éclairer à partir d’un travail de recoupement des sources, qu’ils qualifient eux-mêmes de «gageure» (Sylvain Broyer et Costa Brunner, «Qui détient les dettes publiques européennes?», Natixis, 24 mars 2010). Les données portent sur neuf pays européens pour l’année 2008. D’un côté, cinq pays non concernés (pour l’instant) par les attaques sur les dettes souveraines (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni) et, de l’autre, les fameux PIGS (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne). Cet acronyme infâmant n’est ici conservé que par commodité.

On ne sait rien des évolutions enregistrées depuis lors, mais on peut au moins compléter l’information par la progression des ratios dette publique/Pib entre 2008 et 2009 (Commission européenne, base de données Ameco). Le premier constat est alors que la variation du ratio dette/Pib a été particulièrement importante dans les PIGS (+51,1 pour l’Irlande) et moins marquée dans les cinq pays non-PIGS, à l’exception notable du Royaume-Uni (+41,4). Les principaux enseignements de ces données sont alors les suivantes. Rappelons que celles-ci portent sur 2008 et reflètent donc la situation prévalant avant la crise.

1) La part de la dette publique détenue par des non-résidents est très variable d’un pays à l’autre. Elle est quasi totale au Portugal (98,7%) et réduite au Royaume-Uni (34,7%). Mais elle représente la majeure partie des dettes des cinq pays (61,6%) et encore plus des PIGS (74,5%). De ce point de vue, la France, avec 70,8% de la dette détenue par des non-résidents, apparaît comme l’un des pays les plus dépendants.

2) Parmi les non-résidents, il faut distinguer les pays européens et les autres. Dans le premier cas, la gestion des dettes reste une question interne à l’Europe. La France et l’Allemagne se distinguent par une proportion importante (42%) de la dette détenue par des non-résidents hors Europe. Parmi ceux-ci les États-Unis et le Japon ne représentent que respectivement 7% et 8%, l’essentiel étant donc entre les mains d’autres pays à excédent: probablement les pays émergents ou pétroliers. Dans tous les autres pays sous revue, la part des non-résidents hors Europe est nettement moins importante, puisqu’elle va de 13,7% aux Pays-Bas à 27,7% au Portugal.

3) La particularité importante des PIGS est que leur dette est en grande partie détenue par des non-résidents européens. Cette proportion va de 47% en Espagne à 73% en Portugal. Mais cette dépendance à l’égard de créanciers européens est encore plus forte si l’on ne considère que la seule dette détenue par les non-résidents. Prenons le cas de la Grèce: 78% de sa dette était détenue par des non-résidents, dont 56% par des non-résidents européens, ce qui donne une proportion de 71%. Cette proportion est la même pour les PIGS: elle avoisine ou dépasse les trois quarts.

Ce constat confirme donc ce qu’écrit Jean Quatremer: «Les « marchés » qui déstabilisent l’Irlande, le Portugal ou la Grèce sont, la plupart du temps, des établissements financiers installés dans des Etats membres de l’union monétaire» (Libération, 27 novembre 2010). Parmi ces pays, les cinq pour lesquels on dispose de données (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni) détiennent plus de la moitié des dettes non-résidentes des PIGS. Compte tenu de ces informations, le sens politique de l’offensive des «marchés» est alors le suivant: la «patate chaude» des dettes privées a été dans un premier temps passée aux finances publiques; il faut maintenant qu’elle passe aux peuples européens, à travers des plans d’austérité drastiques.

Voir ci-dessus