Pour mieux comprendre et combattre l'extrême-droite
Par David Baele le Dimanche, 28 Décembre 2008 PDF Imprimer Envoyer

Depuis la chute du mur et de l'ancien bloc de l'Est, nous sommes témoins en Europe d'un virage de la société vers la droite radicale. Cela se manifeste sous différentes formes. Les victoires significatives des partis néofascistes depuis les années 80 sont les formes les plus frappantes mais à côté de ça, nous voyons une politique qui devient toujours plus répressive de la part des gouvernements européens, à l'égard des demandeurs d'asile par exemple. Avec leur "Forteresse européenne", ces gouvernements essaient depuis des années déjà de bloquer l'entrée pour les masses paupérisées du tiers monde. En plus, les réactions agressives d'extrême droite ne se font pas attendre. Hélas, si en plus du cordon sanitaire, des groupes d'intérêts développent diverses stratégies pour repousser cette évolution, les stratégies proposées pour combattre l'extrême droite semblent peu efficaces. D'où vient cette impuissance? (photo: Miluskaya)

Des stratégies insuffisantes

Chaque stratégie antifasciste exige une analyse préalable de la nature et de la cause du fascisme. Il va de soi qu'on doit chercher la réponse dans les racines de cette tendance. Vis-à-vis du capitalisme (et de sa forme actuelle, le néolibéralisme), le fascisme n'est pas un opposant radical contrairement au communisme de jadis. Les grands bénéfices que les industries ont réalisés pendant le fascisme montrent clairement que l'antithèse des principes libéraux à la base du marché ce n'était pas le fascisme mais bien le communisme. Le principe du marché libre, avec ses dérégulations, libéralisations et privatisations qui amènent avec elles une augmentation de l’insécurité et provoquent des ravages sociaux, joue-t-il un rôle dans cette droitisation? Ou faut-il plutôt chercher la base des développements actuels dans la confusion morale qui jaillit du relativisme?

Une comparaison des standards de vie de la population belge indique que les facteurs socio-économiques n'offrent qu'une réponse partielle à cette question. Peut-être y a-t-il aussi un facteur psychologique qui entre en jeu? Sans une analyse fouillée de ce qui se passe dans le "peuple", on ne peut pas résoudre le problème.

Dans les différentes stratégies actuellement utilisées chez nous pour combattre l'extrême droite on trouve en premier lieu l’optique traditionnelle, progressive : la tendance à la droitisation est considérée comme un problème d'attitude personnelle. Et donc, la solution consiste à essayer de modifier ces idées négatives via des méthodes éducatives. En même temps, nous voyons que le programme d'intégration traditionnel libéral évolue de l'assimilation institutionnalisée des minorités vers l'idée d'une communauté multiculturelle. Dans ce cadre là, la société est en quelque sorte une collection de groupes ethniques, avec des gens de culture différente et donc un compromis pluraliste doit être recherché sur base d’une compréhension réciproque.

Pour des antifascistes plus radicaux, le fascisme n'a pas tellement à voir avec les idées dans la tête des gens mais il s'agit plutôt d'une question d'oppression et d'une inégalité systématique des droits, venant d'une structure sociale d'exploitation. Le remède se trouve dès lors dans la lutte politique. Des antifascistes s'inspirant du marxisme font partie de ce groupe. Pour eux, le fascisme est le produit du capitalisme. Le capitalisme utilise le fascisme pour perdurer et cela en divisant la classe des travailleurs. Par conséquent, la meilleure façon de combattre le fascisme c’est une réforme socialiste radicale de la société, réalisée par une classe ouvrière réunifiée. En fait, une union des travailleurs de différentes cultures pour combattre leurs exploiteurs communs.

A partir de ces différentes optiques, des groupes développent des méthodes différentes allant d'initiatives de conscientisation via l’action politique jusqu'à la confrontation directe. On peut difficilement ne pas comprendre de telles initiatives : la droitisation de la société belge est en effet difficile à nier aujourd'hui. Depuis les élections fédérales du 10 juin 2007, nous sommes témoins de la manière dont la classe dominante flamande essaie de restructurer l'appareil d'Etat avec l'aide de ses représentants politiques. Elle fait ceci pour pouvoir mener une politique néolibérale plus efficace et assurer son propre pouvoir. Et pour gagner la majorité de la population travailleuse, un discours nationaliste de droite est utilisé, avec une touche latente de racisme. Ceci ouvre toute grande la porte à ceux qui tirent les conclusions les plus conséquentes et radicales de ce nationalisme et du racisme: l'extrême droite.

Réactions fascistoïdes

Le 1er octobre 2007, Hans Van Themsche devient le premier dans l'histoire du droit Belge à comparaître devant la Cour d'Assises comme assassin raciste parce qu'il avait consciemment choisi ses victimes sur base de leur ethnicité. Fin janvier 2008, Bart Debie, ex-commissaire de police et conseiller communal Vlaams Belang a été condamné à 4 années d'emprisonnement, dont une effective, pour coups et blessures, falsifications de PV, détournement, perquisitions irrégulières, coups de pieds dans le visage à des personnes arrêtées et violences graves contre une famille turque. Le Procureur du Roi avait déjà attiré l'attention l'année précédente sur le danger d'un état policier où des personnages comme De Bie recevraient carte blanche. Néanmoins, le Vlaams Belang continue à défendre son "spécialiste-Sécurité" à l'encontre de toutes les preuves, en considérant le jugement comme un règlement de comptes politique et en le poussant dans un rôle de victime.

Le 1er avril 2000, l'association d'extrême droite "Blood and Honour" a organisé une cérémonie solennelle à Belleghem en commémoration du leader nazi allemand Adolf Hitler né le 20 avril 1889. Ce serait le 10e grand événement en Belgique en deux ans de temps.

Le Front Antifasciste tire le signal d'alarme depuis longtemps déjà en signalant que notre pays est un havre pour les néo-nazis; et que durant ces petites fêtes néo-nazies, l'incitation à la haine et la violence envers les Juifs, les homos, les émigrants et autres s'exprime dans les termes les plus durs, tandis qu’on se salue en continu par des "zieg heil" tant sur le podium que dans le public. Mais il a fallu qu'un journaliste allemand clandestin prenne des images de ces réunions pour que la justice pèse le pour et le contre et se mette en route. Le fait que ces petites fêtes sont annoncées sur des sites web et des forums internet rend caduque l'argument des services d'ordre et de sécurité qui prétendent ne pas pouvoir intervenir dans des "petites fêtes privées". L'argument du ministre des affaires intérieures, Patrick Dewael, disant qu'il n'y a tout simplement pas d'instrument juridique pour empêcher les réunions, ne tient pas non plus la route. Leo Neels, spécialiste en droit des médias, écrit: "Selon le droit constitutionnel, en matière de réunion en privé, quand le but manifeste est commettre un délit, un délit de racisme, un délit d'opinion raciste, il s'agit d'un abus de droit et il est parfaitement légitime d'enquêter et de poursuivre".

La diabolisation des allochtones qui luttent pour une émancipation réelle des groupes ethniques continue elle aussi. Cinq ans après le meurtre raciste de Mohamed Achrak, les responsables de la Ligue Arabe Européenne, Dyab Abou Jajah et Ahmed Azzuz ont été condamnés par le juge de première instance à un an de peine d'emprisonnement. Leur crime: ils n'auraient pas empêché que des émeutes éclatent à Anvers après cet assassinat! Récemment, ils ont été totalement innocentés.

Suite au rapport de l’ONU publié récemment, concernant la Belgique, il est difficile de nier que dans notre pays, les allochtones sont de plus en plus victimes de discrimination structurelle. Le rapport émet clairement des critiques sur le Code d'habitation flamand, l'usage excessif de la violence par les services de police, l'enfermement et le traitement inhumain des demandeurs d'asile dans les centres fermés. La ségrégation des minorités ethniques dans les habitations sociales prend des proportions inquiétantes. Sans parler de la menace sur les droits sociaux, économiques et culturels des Tziganes (les Roms, aussi bien en Wallonie qu'en Flandre, ont de moins en moins de terrains où ils peuvent se rassembler).

Au sujet de la nouvelle législation antidiscrimination, l’ONU souligne le peu de procédures judiciaires entamées. Chacun est-il réellement égal devant la loi? Un grand nombre de plaintes pour racisme ne sont pas suivies, "principalement en ce qui concerne les actes de violences, délits de haine et discrimination commis par des membres des services de police". Récemment, la Cour Européenne pour les Droits de l'Homme a jugé que "la Belgique a porté atteinte à la Convention européenne des Droits de l'Homme par son traitement inhumain et dégradant des demandeurs d'asile".

Le néolibéralisme

Depuis les années 90, on assiste dans toute l'Europe à une montée des partis d'extrême droite. La responsabilité majeure de cette progression ne doit pas être recherchée chez les électeurs des quartiers les plus pauvres qui ont voté Vlaams Belang, mais chez ceux qui, par leur politique, ont laissé ces quartiers se dégrader. Dans son livre "Le néolibéralisme", le philosophe Jaap Kruithof montre très bien comment notre système économique néolibéral contribue à la droitisation: "Il faut prendre en compte le chômage, la mafia immobilière, la discrimination des étrangers etc. L’impact des méga- systèmes qui génèrent des « déserts », rénovent les centres urbains avec des bâtiments de marbre coûteux et laissent la banlieue se transformer en taudis. On investit dans de nouveaux espaces touristiques et de meilleures équipes de football mais avec les pauvres, il n'y a pas de bénéfices à faire, il n'y a que des frais. Donc, on fuit la misère parce que là, il n'y a pas de profit". Ce marché sauvage et la pauvreté grandissante dans le tiers monde et dans les quartiers multiculturels des villes mondiales occidentales créent des conditions dans lesquelles l'extrême droite peut prospérer. "Le nationalisme ethnique et le fondamentalisme religieux grandissent sur les ruines que le néolibéralisme laisse ici et là derrière lui".

Du fait de leur soumission aux méga-systèmes économiques, les partis traditionnels sont les grands responsables politiques. "Dans l'effroyable climat universel fait d'insécurité d'existence, avec le chômage et des migrations massives, les réactions agressives de droite augmentent. L'inégalité sociale et la paupérisation génèrent le racisme, le protectionnisme ethnique (des éléments étrangers ne peuvent pas toucher à la particularité de notre peuple), le fondamentalisme, le nationalisme et le fascisme.

L'idéologie fasciste ne nous est pas inconnue: cela veut dire le séparatisme au service de notre propre peuple, notre propre communauté, notre propre nation, l’éloignement des immigrants de notre territoire, la limitation des droits syndicaux, le rejet des homos et des lesbiennes, le rejet de l'avortement et l'euthanasie, les préjugés racistes. Parce qu'aucun parti traditionnel ne peut aider réellement les victimes du néolibéralisme, le Vlaams Belang devient un parti impuissant.

Un autre élément qui contribue indubitablement à la droitisation de la classe des travailleurs belges, c'est la modification du rapport entre la classe des travailleurs du nord et celle du sud à l'échelle mondiale. Avec le néo-libéralisme, la fragmentation à l'intérieur de la classe des travailleurs et entre la classe des travailleurs du nord et celle des pays du tiers monde a encore pris de l'ampleur. De grandes parties de la classe ouvrière des pays industrialisés sont exclues du processus de production parce que sous la pression de la concurrence capitaliste, des industries se déplacent vers des pays à bas salaires. Les intérêts à court terme des travailleurs occidentaux ne concordent naturellement pas automatiquement avec les intérêts de l'humanité dans son ensemble.

Le facteur psycho-social

Toutefois, une explication strictement socio-économique ne suffit pas pour expliquer la droitisation sociale. L'extrême droite progresse en effet aussi dans des périodes économiquement plus favorables et, au niveau électoral, elle gagne aussi des voix dans les classes aisées et ce ne sont pas, loin s’en faut, que des gens de la classe la plus défavorisée qui votent en faveur de l’extrême droite. Ceci nous oblige à compléter les explications économiques par des explications psychologiques et ce que Wilhem Reich appelle "l'analyse de la psychologie des masses". Dans les périodes de droitisation, un changement général en termes d’attitude et de valeurs se produit de plus en plus chez les gens. Lorsqu'on examine la structure de la personnalité dans les périodes de montée de l'extrême droite, on trouve un sentiment massivement saisissant d'insécurité et de menace comme première expression de ce qu'Helmut Gaus appelle "le syndrome autoritaire". L'extrême droite irait de pair avec ce que Sigmund Freud décrivait comme "régression": un retour à un stade de développement psychologique antérieur. Des parties de la population confrontées à un haut niveau d'insécurité et d'angoisse commencent à réagir comme elles le faisaient dans une phase antérieure de leur développement psychologique.

Ce syndrome est caractérisé par la soumission ou la servilité, une agressivité autoritaire et la rigidité morale. La conscience de vivre dans une crise de culture forte et menaçante a pénétré de larges couches de la population. Ce n'est pas par hasard que les mêmes caractéristiques se retrouvent dans le fondamentalisme religieux. L'augmentation de la malchance gonfle certains mécanismes psychiques. Un sentiment de culpabilité créé par l'angoisse provoque un besoin de punition, de soi-même ou des autres. Lorsqu'on compare différentes périodes de montée de l'extrême droite, on remarque effectivement la présence qu'une telle psycho-dynamique consécutive à l'insécurité et à l'angoisse liée au déclin économique.

Ce processus psychologique a un impact sur la conscience politique et économique et la manière dont la population évalue le marché, avec méfiance, pessimisme et angoisse. Ceci s’observe surtout parmi la petite bourgeoisie et la classe moyenne (dirigeants de petites entreprises, petits commerçants, artisans et paysans). Le succès des partis fascistes dans le passé (1890, 1930, 1990), à côté du soutien du grand capital, a surtout été rendu possible grâce au mouvement de masse de la classe moyenne. Ceci découle du fait que cette classe moyenne essaie, avec le grand capital, d'empêcher que la crise économique mène à un revirement de la société ou à une révolution sociale qui joue en sa défaveur. En période de néolibéralisme aussi, la concentration du capital en faveur de la grande industrie, plus rentable, plus rationnelle, fait des petits entrepreneurs un groupe particulièrement fragile. D’ailleurs les mouvements fascistes du passé s’efforçaient d’affilier la petite bourgeoisie.

Les medias de masse et le showbiz jouent aujourd'hui un rôle particulièrement fonctionnel dans la stimulation de cette identification. Dans une optique de gauche, le travailleur est invité à se défaire d'une mentalité d'esclave dans laquelle il se sous-estime. Cette mentalité lui interdit en effet de comparer son sort à celui de la bourgeoisie. Une telle comparaison pourrait en effet l'amener à un moment ou l'autre à être sûr de lui et à exiger une redistribution de la richesse. Pour la gauche, cela revient à dire que les travailleurs s'identifient avec leurs semblables: salariés ou chômeurs, compatriotes ou étrangers, avec qui ils sont solidaires. Dans une optique de droite (et par extension d’extrême droite) le schéma est complètement inversé: le travailleur s'identifie aux riches et se compare à ceux dont il partage les valeurs. Dès lors, les émigrants et les chômeurs sont des profiteurs, mais lui pas. De cette manière, son sentiment de rancune est adroitement détourné de son but légitime et il est dirigé vers un cercle vicieux : plus ses conditions de vie empirent, plus il vote pour une politique qui détériore sa situation.

L’idée de l' « American dream », de plus en plus présente dans notre culture, en est un exemple, avec systématiquement la mise en évidence de gens qui ont atteint un succès individuel. Les média de masse, induisent ainsi chez les travailleurs la conviction qu’il suffit de cultiver un espoir strictement individuel. Le travailleur, au lieu de s’unir avec ceux qui partagent son sort pour améliorer leur sort commun, ne voit en eux que des obstacles dans la perspective d’une "success story" individuelle ( success story illustrée par l’histoire de quelques acteurs de cinéma, musiciens, mannequins, entrepreneurs partis de rien, personnages à qui naturellement les medias donnent systématiquement la parole, et qui dès lors peuvent expliquer en long et en large comment ils ont été "découverts" , comment ils ont persévéré malgré leur situation, au départ désespérée, et comment ils vivent une fois devenus célèbres et avec le bien-être financier qu'ils ont atteint.

Les razzias par lesquelles, dans toute l'Italie, le 15 mai 2008, 383 personnes dont 268 émigrants ont été ramassés et les attaques violentes qui s'étaient produites les jours précédents à Naples contre des Roms illustrent bien le phénomène. On lit ce qui suit dans le Standaard du 16 mai: "Les événements de Naples s'inscrivent dans un climat d’hostilité croissant dans toute l’Italie. Une partie importante de la population ne se sent pas protégée contre la criminalité et de plus en plus souvent ce sont les émigrants illégaux qui sont pointés du doigt. Que la criminalité ait augmenté en Italie à cause de l'immigration illégale n'est pas démontré mais au niveau politique, tant la majorité de droite que l'opposition de gauche, utilisent cette perception négative."

Dans le même article, on donne la parole à un collaborateur de Médecins sans Frontières au sujet des propositions pour une politique d'immigration plus sévère du ministre des affaires étrangères du nouveau gouvernement Berlusconi, Roberto Maroni: "L'immigration clandestine peut devenir un délit, punissable d'une peine allant jusqu'à quatre ans de prison. Maroni veut aussi prolonger les périodes durant lesquelles des illégaux peuvent être maintenus dans des centres fermés. La situation dans ces centres d'accueil est épouvantable, même pour un court séjour. Après que nous ayons révélé les situations dans les centres d'accueil, notre équipe a étéepnednat huit mois privée d'accès à Lampedusa (la petite île proche des côtes de Sicile, où les émigrants arrivent en bateaux). Un éventuel lien causal entre la communication dans les medias et le sentiment croissant de xénophobie dans une grande partie de la population mérite au moins, à mon avis, d'être mentionné dans un pays où le premier ministre a un monopole sur 90% de la presse italienne. Suite aux lois qui ont réformé fondamentalement le système des medias en 2004 et renforcé vigoureusement la position de monopole de Berlusconi, l'Italie s’est retrouvée à la 77e place en ce qui concerne la liberté de la presse. Tant Reporters Sans Frontières que la Fédération Internationale des Journalistes estiment que les intérêts contradictoires du premier ministre et du magnat des medias Berlusconi menacent la diversité de l'information.

La dialectique des cycles longs de Kondratieff

Lorsqu'on soumet le développement et le déclin de l'extrême droite à un examen historique, nous nous heurtons aussi à une périodisation, une division en plusieurs phases historiques correspondant à des périodes déterminées que l'économiste et statisticien N. Kondratieff a constatées dans l'évolution économique. Sur base de données statistiques, Kondratieff pensait pouvoir reconnaître des cycles longs dans le processus économique. Un cycle long englobe chaque fois deux générations de 25 ans, et depuis le milieu du dix-neuvième siècle, les sommets sont écartés exactement d’un demi-siècle les uns des autres. Le prochain sommet se situerait vers 2020.

Les cycles longs de Kondratieff montrent une phase descendante allant de pair avec un climat de récession et de dépression et l'essor de l'extrême droite, inclus dans un climat de pessimisme général. L'insécurité existentielle est caractéristique de telles périodes. L'émotivité vient fort à l'avant-plan, tout comme le doute à propos de l'importance de la raison, la logique et la réalité. Les liens familiaux reprennent de l'importance, l'histoire, le nationalisme... offrent à nouveau des points d'appui. L'émotivité croissante et le doute favorisent l'astrologie, les sectes, les apparitions de l'au-delà et d'autres formes de l'irrationnel. Le climat de récession et de dépression cause des réactions politiques qui présentent des traits du syndrome autoritaire décrit ci-dessus, avec entre autres chez de plus en plus en gens la demande d'une intervention plus radicale et plus drastique de l'autorité, etc…

En guise de conclusion

 

On peut difficilement nier qu'une des causes majeures de la droitisation est à trouver au niveau socio-économique. Une réponse énergique aux provocations du Vlaams Belang exige entre autres de solides plans de rénovation des grandes villes. Pour éliminer les situations intolérables, des plans décennaux sont nécessaires. Les taudis doivent être éliminés, les habitations doivent être réparées, et il faut absolument construire des logements sociaux. L'offre et la garantie d’emploi doivent augmenter rapidement, des nouvelles écoles, des nouveaux hôpitaux, des nouvelles plaines de jeux, des nouveaux espaces verts sont nécessaires. Il s'agit de faire face à des problèmes très concrets comme des gouttières qui coulent, des plafonds effondrés, des vélos volés, des enfants négligés, des écoliers qui sèchent les cours, des vols en rue, l'insécurité la nuit. Autant de conséquences néfastes du néolibéralisme".

Quoique le socio-économique doive, de mon point de vue, être considéré comme la cause principale, on ne peut pas se limiter à une analyse exagérément déterministe du problème. Il est nécessaire d'enrichir les analyses avec une étude de la psychologie des masses et de la fonction de l'idéologie dans la tendance à la droitisation. Si on veut combattre effectivement l'extrême droite, on doit démonter l'angoisse qui est à la base de celle-ci. Mais seul l'examen des éléments économiques, combiné avec les causes psychologiques, peut nous aider à comprendre comment et pourquoi des gens développent cette angoisse. Quoique Gauss doute de son effectivité, il fait la conclusion suivante: "Dans les comportements d'extrême droite, il s'agit d'une disposition psychique qui doit servir chez l'intéressé à dominer une angoisse et une insécurité fondamentales. Ces comportements illégitimes sont fonctionnels par rapport aux besoins et nécessités primaires. La solution est dès lors aussi théoriquement à portée de la main: l'éloignement du sentiment d'insécurité et d'angoisse qui occasionne ces comportements illégitimes et se trouve aussi à la base d'autres mécanismes, comme la conversion des angoisses en peur".

Mais pour obtenir ces réformes socio-économiques, des gens devront aussi de manière consciente prendre leur sort en mains. Concrètement cette offensive de conscientisation implique que les gens réalisent que le processus néolibéral de production répond à des rapports de production sociaux déterminés; que ces rapports de production sociaux entre des gens qui occupent une position déterminée dans la production dépendent de leur rapport aux moyens de production et se produit indépendamment de leur volonté; que ces rapports dans le cadre du processus néolibéral de production sont porteurs de conflits et que déjà rien que pour cela, le conflit doit être admis et engagé. La droitisation se met en place parce que des gens fuient cette tâche pénible en acceptant une fausse harmonie. Des conflits sur les plans économique, écologique, politique et individuel appartiennent naturellement nécessairement à l'existence humaine.

Voir ci-dessus