Dossier Israël: Une descente folle vers l’abîme, dont on ne connaît pas la fin.
Par Michel Warschawski, Gilbert Achcar le Samedi, 28 Août 2010 PDF Imprimer Envoyer

Dominé par l'extrême droite, l'Etat d'Israël semble pratiquer la fuite en avant dans tous les domaines, tant dans sa politique interne qu'étrangère. Dans ce dossier, Michel Warschawski revient sur la nature de la Knesset (Parlement) et sur l'évolution du mouvement de la paix israélien. Gilbert Achcar analyse quant à lui les relations internationales d'Israël depuis l'attaque de la Flotille pour Gaza. (LCR-Web)

Une Knesset israélienne fasciste

Par Michel Warschawski

Cette semaine, la Knesset entame ses vacances d’été, ses membres ont reçu leurs congés : dans les derniers jours de la session qui prend fin, ils ont fait un grand nombre d’heures supplémentaires pour présenter diverses propositions, dont le dénominateur commun est de sauver l’Etat de ses ennemis intérieurs.

Nous n’évoquerons que quelques-unes d’entre elles : proposition de déclarer le Mouvement islamiste illégal ; d’organiser un référendum pour dire si le gouvernement peut ou non accepter un accord de paix qui inclurait le retrait de Jérusalem-Est ou du plateau du Golan ; de conditionner l’octroi de la citoyenneté à la loyauté envers l’Etat, en tant qu’Etat juif ; de criminaliser les citoyens qui soutiennent les sanctions et/ou un boycott contre Israël, notamment un boycott des produits des colonies. A celles-ci et à toutes les autres, nous devons ajouter la vieille proposition interdisant toute commémoration publique de la Naqba.

Le visage de la Knesset est comme celui de sa plus récente législation : fasciste, avec une opposition qui est la plus minuscule et la plus lamentable. Il n’est pas surprenant, dès lors, que la Knesset ait du mal à accepter en son sein des membres comme Hanin Zoabi, spécialement car il n’est pas possible de l’exclure, pas encore ? Dans cette optique, la Knesset lui a retiré certains de ses droits en tant que personnalité publique élue. Mon cœur est avec Hanin Zoabi, Jamal Zahalkha, Dov Hanin, et la poignée de personnes saines qui restent dans la législature, obligées de côtoyer une centaine de petites brutes grossières et faibles d’esprit qui démontrent à leur égard une violence verbale qui, tôt ou tard, va se transformer en une véritable agression.

Il s’agit d’une législature que nous avons héritée directement de l’agression sanglante contre les habitants de Gaza en hiver 2008/2009. Le vaste soutien, quasiment unanime, aux crimes de guerre d’Olmert, Barak et Ashkenazy a donné naissance à une Knesset fasciste dans laquelle Benjamin Netanyahu ressemble à un homme d’Etat modéré et Tzipi Livni à une gauchiste radicale.

En conséquence, l’Etat d’Israël fait l’expérience en ce moment d’un isolement international sans précédent, et même « l’atmosphère amicale » censée caractériser la dernière rencontre entre Netanyahu et le Président US ne peut dissimuler le sentiment de gêne de la Maison-Blanche devant les actions israéliennes. La violence meurtrière utilisée par l’armée contre la Flottille de la Liberté a choqué le monde entier, non seulement parce qu’il y eut de nombreux morts et blessés, mais surtout en raison du message qu’Israël voulait transmettre au monde : nous faisons ce que nous voulons, sans considération aucune du droit international, de notre image et des implications pour la communauté internationale, notamment nos partenaires stratégiques telle que la Turquie. « Nous avons montré au monde que nous sommes prêts à devenir fous, » fanfaronnait Tzipi Livni après le massacre dans Gaza, ce qui prouve qu’il y a un héritage de Golda Meir quand celle-ci disait : « Ce qui importe, ce n’est pas ce que les goys disent, mais ce que les juifs font ». Meir avait elle aussi l’habitude de se vanter, avec, entre autres conséquences, la défaite d’Israël dans la guerre du « Yom Kippur » en 1973. Il n’y a aucun doute, un autre « Yom Kippur » attend Israël, bien plus amer que le précédent. Ce n’est qu’une question de temps, et cette fois, il viendra indubitablement du Nord.

C’est une descente folle vers l’abîme, dont on ne connaît pas la fin. Les Grecs avaient l’habitude de dire que, avant de détruire leurs ennemis, les dieux devaient les rendre fous. Toutes les lois proposées dans la dernière période par la Knesset, et le monstre législatif qui leur a donné le jour, expriment cette folie qui précède la chute.

Lundi 9 Août 2010


Où en est le mouvement israélien contre l’occupation ?

Par Michel Warschawski

Bien que les manifestations du 4 juin aient été plus nombreuses que celles de ces dernières années, le mouvement pacifiste en Israël traverse une crise depuis le début de la décennie. Si les militants restent présents, ils trouvent beaucoup plus difficilement écho dans l’opinion publique modérée.

Quatre à cinq mille personnes ont participé à la manifestation du 5 juin à Tel Aviv qui, traditionnellement, commémore le jour anniversaire de l’occupation de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et du plateau du Golan. Un bon score si on le compare aux années précédentes où nous étions en général entre 1000 et 2000. D’autant plus que, la veille, plusieurs centaines d’Israéliens s’étaient joints à plus d’un millier de Palestiniens pour manifester à Beit Nuba-la Neuve, du nom d’un des villages palestiniens de la Poche de Latroun rasés au lendemain de la guerre de Juin 1967.

Certes, l’impact de la crise internationale provoquée par la flottille Free Gaza est pour beaucoup dans la participation relativement élevée à la manifestation de Tel Aviv. Nombreux sont les modérés israéliens qui réalisent que la politique de l’extrême droite au pouvoir risque de mener l’État d’Israël à la catastrophe, et que son isolement international risque d’avoir de graves répercussions à moyen terme et certainement à long terme. Ce qui (re)motive les pacifistes modérés c’est, en premier lieu, la crise avec l’administration nord-américaine: on peut se fâcher avec le monde entier tant que les relations avec la Maison Blanche restent au beau fixe, mais si des nuages s’accumulent au-dessus de l’alliance stratégique qui lie les deux pays, il y a lieu de se faire du souci.

Cela dit, le mouvement dit pacifiste n’est pas encore sorti de la crise structurelle dans laquelle il se trouve depuis 2000. Dès son apparition, au cours de la première guerre du Liban en 1982, le mouvement de la paix était fait de deux composantes, ce que le journaliste Uri Avneri appelle «le mécanisme de la grande roue et la petite roue». La petite roue est constituée par les organisations militantes, motivées par la défense du droit et des droits, actives en permanence contre la politique de guerre et de colonisation des divers gouvernements israéliens. Dès qu’une nouvelle agression est perpétrée, ses composantes diverses se mobilisent pour réagir et protester. Le plus souvent ensemble, dans le cadre de la coalition contre l’occupation ou contre la guerre ou contre le siège de Gaza, selon l’enjeu immédiat. Cette aile, que l’on appelle parfois «radicale», du mouvement de la paix est composée des organisations de femmes pour la paix, du mouvement Gush Shalom, des partis de gauche, d’ONG comme les Rabbins pour les droits de l’homme ou le Centre d’information alternative, ainsi que de groupes militants plus jeunes comme les Anarchistes contre le Mur. Elle peut mobiliser plusieurs milliers de manifestants.

La grande roue est – ou, plutôt, était – composée d’une partie de l’opinion publique modérée qui craint les implications politiques, diplomatiques et morales de la politique de guerre et d’occupation, même si une de ses caractéristiques est précisément de commencer par soutenir l’effort de guerre / répression et le discours sécuritaire qui le sous-tend. Elle était fortement représentée dans les partis de centre-gauche (Parti travailliste, Meretz) et pouvait donc avoir un poids réel sur les décisions politiques.

La petite roue qui met, petit à petit, en branle la grande roue, c’est bien là le mécanisme du mouvement de la paix israélien. Et ce mécanisme a été d’une grande efficacité entre 1982 et 2000 : c’est lui qui a créé les conditions du retrait du Liban après le fiasco de 1982-1984 ; c’est lui qui a forcé la main du gouvernement israélien pour reconnaître l’OLP et ouvrir les négociations d’Oslo et de Washington.

Où en sommes-nous, aujourd’hui?

Si la petite roue a perdu un peu de ses forces et ne mobilise plus que quelques milliers de manifestants, elle reste une réalité visible et tangible dans la politique israélienne et, comme l’a montré la manifestation du 5 juin, maintient ses positions. Le problème, c’est la disparition de la grande roue, que représentait en particulier la Paix Maintenant. Si la présence, acquise depuis deux ans, d’un représentant de la Paix Maintenant aux réunions du collectif national des organisations qui luttent contre l’occupation et la guerre, et la participation de ce mouvement aux manifestations unitaires sont des avancées symboliques dans l’unité d’action contre la politique gouvernementale, elles marquent cependant la groupuscularisation d’un mouvement qui avait une base de masse et pouvait mobiliser des dizaines de milliers de personnes. La Paix Maintenant n’est plus qu’un groupe parmi d’autres, comme le Gush Shalom ou Ta’ayush, bien moins significatif que le comité d’action contre la colonisation, Cheikh Jarah ou que les Anarchistes contre le Mur.

Il reste, évidemment, à expliquer cette disparition d’un mouvement qui avait pourtant joué un rôle essentiel sur la scène politique israélienne. Celle-ci est due à la conjonction de deux facteurs : le grand mensonge d’Ehoud Barak, en août 2000 et le 11 septembre. En août 2000, Barak est revenu du sommet de Camp David en affirmant que tous ceux qui avaient cru – et, en particulier, Yitzhak Rabin – qu’Israël avait un partenaire pour négocier une paix israélo-palestinienne en la personne de Yasser Arafat se trompaient gravement. Lui, Ehoud le Grand, avait les preuves que derrière la soi-disant modération du leader de l’OLP se cachait un plan diabolique d’éradication d’Israël. Venant d’Ehoud Barak, qui avait été élu sur un programme de paix, c’étaient, pour les pacifistes israéliens, des paroles d’Évangile. Deux ans plus tard, ce misérable personnage reconnaîtra qu’il avait menti ; mais c’était trop tard car, entre-temps, il y avait eu le 11 septembre qui confirmait, après coup, qu’Israël se trouvait en première ligne d’un clash des civilisations entre l’Islam et l’Occident judéo-chrétien, et que la guerre préventive menée à partir d’août 2000 par le trio néoconservateur Netanyahou-Barak-Sharon était indispensable.

Les deux victimes du grand mensonge de Barak furent son propre parti, devenu groupusculaire au détriment d’une droite extrême, hégémonique dans l’opinion publique et à la Knesset, et la Paix Maintenant qui, en quelques jours, a disparu du paysage politique israélien, après que tous ses dirigeants et porte-parole eurent publiquement fait amende honorable et demandé pardon à la droite qui avait vu juste sur la véritable nature du mouvement national palestinien et ses plans éradicateurs.

Cette disparition de la Paix Maintenant que le journaliste israélien Guideon Levy considère comme irréversible change évidemment le rôle de l’aile dite radicale du mouvement qui, de catalyseur d’une mobilisation de masse pouvant peser sur les décisions politiques nationales, redevient un mouvement cantonné dans la protestation et la dénonciation.

Il faut souligner, en outre, un second changement majeur et négatif dans le mouvement anti-occupation: la cassure entre Juifs et Arabes. Depuis 1982, la force du mouvement antiguerre et anti-occupation, à la fois d’un point de vue quantitatif et d’un point de vue symbolique, était le résultat d’une mobilisation judéo-arabe commune. Dans toutes les grandes manifestations, des milliers – parfois des dizaines de milliers – d’Arabes se mobilisaient aux côtés des militants anticolonialistes juifs. C’était d’ailleurs une des différences avec les rassemblements de la Paix Maintenant qui étaient composés presque uniquement de juifs… et de sionistes, comme ses porte-parole aimaient le souligner.

Depuis 2000, les Palestiniens d’Israël ne viennent plus manifester à Tel Aviv; c’est dans leurs villes et leurs villages qu’ils se mobilisent (50.000 personnes à Nazareth lors de l’agression contre Gaza, il y a un an et demi), ce qui explique, en partie, les dimensions modestes des manifestations dites «nationales», qui deviennent de plus en plus des initiatives de militantEs juifs uniquement.

Cette cassure doit nous interpeller, car elle montre que la politique de séparation ethnique a également contaminé le mouvement anticolonialiste, contribuant ainsi à son affaiblissement.

Contrebalancent, dans une certaine mesure, ce recul, les liens étroits qu’a réussi à créer la nouvelle génération militante. Que ce soit à Bil’in, à Cheikh Jarah ou à Silwan, jeunes militants palestiniens et israéliens ont su, à travers leur propre chemin, créer une coopération forte qui, contrairement aux générations précédentes, s’est forgée dans l’action plutôt que sur un travail idéologique et programmatique. En ce sens, elle est dans l’esprit de notre temps et participe de cette nouvelle dissidence qui a émergé, il y a une décennie, à Seattle et a été le socle sur lequel se sont développés les forums sociaux. En ce sens, malgré ses spécificités, l’état du mouvement anticolonialiste israélien n’est pas très différent de celui du mouvement social global.

Publié dans la revue « Tout Est A Nous » n°12 (juillet août 2010)


Israël : Une situation en permanence tendue et dangereuse

Entretien avec Gilbert Achcar, mercredi 4 août 2010

Quelles sont aujourd’hui les relations entre Israël et les États-Unis?

L’attaque de la flottille par Israël a fortement détérioré l’image du pays à l’échelle mondiale y compris au niveau des gouvernements traditionnellement alliés en Occident. Cela dit, le gouvernement américain est peut-être celui qui a été le moins impressionné par les événements. Un certain nombre de gouvernements européens ont eu une attitude plus critique que le gouvernement américain qui a même essayé de couvrir Israël. Cependant, l’opération a eu un effet boomerang, elle a servi à souligner de manière consensuelle, au niveau des gouvernements occidentaux, le fait que le blocus imposé à Gaza ne pouvait continuer, qu’il était inefficace vis-à-vis des objectifs poursuivis et qu’il avait des conséquences humanitaires désastreuses. Il y a donc une pression pour qu’Israël modifie les conditions du blocus. C’est en cours et en principe le gouvernement israélien devrait discuter d’un allègement du blocus.

Les rapports avec les États-Unis se sont tendus depuis l’affront fait lors de la visite en Israël du vice-président Joseph Biden, où Israël a annoncé la construction de 1.600 nouvelles habitations dans la partie arabe de Jérusalem. Le général Petraeus a affirmé que le gouvernement israélien mettait en danger la vie des Américains. Ces signes de mécontentement américain à l’égard d’Israël se sont multipliés.

Ce mouvement est significatif, tout comme l’appel de juifs européens, le JCall, à l’image du J Street américain qui s’est constitué bien avant cette histoire comme un pôle opposé à l’inconditionnalité pro-israélienne du lobby Aipac1 qui agit au niveau du Congrès et couvre tout ce que fait Israël.

Le gouvernement israélien actuel est un gouvernement d’extrême droite où domine les fractions d’extrême droite même si c’est un gouvernement de coalition avec la participation des travaillistes qui sont représentés par un Ehud Barak qui a la gâchette facile. Lui-même est représentatif du fait que les travaillistes suivent la dérive droitière de l’ensemble de la société. Le gouvernement israélien a donc dépassé les limites tolérables par les appuis d’Israël. Des signaux lui sont envoyés pour lui dire qu’il ne faut pas exagérer car cela met les gouvernements occidentaux dans l’embarras. Ce ne sont que des remontrances, à peine marmonnées. On n’est même pas au stade de ce qu’avait fait l’administration de George Bush père en 1991, lorsqu’elle avait exercé un véritable chantage financier pour l’obliger à participer aux négociations de paix qui avait commencé à Madrid.

En 1991, le gouvernement Bush qui venait de mener avec succès, de son point de vue, la guerre en Irak se sentait en position de force aux USA mêmes, et à l’échelle de la région. Ils ont vécu en 1991 ce qu’on peut considérer comme l’apogée de leur hégémonie régionale, mais depuis lors, ils ont reperdu du terrain. À ce moment-là, ils n’avaient pas vraiment besoin d’Israël qui devenait plutôt un problème dans la mesure où il fallait compléter l’hégémonie américaine par une stabilisation de la région et par la résolution du conflit israélo-arabe. Aujourd’hui, le gouvernement Obama est plutôt faible sur le plan intérieur, il est empêtré en Irak – ce qu’il a hérité du dernier gouvernement Bush – et s’enlise en Afghanistan de son propre fait, balbutie face à l’Iran et est incapable de vraiment faire bouger les choses... et sur le plan intérieur, il contemple avec une certaine angoisse l’échéance des élections pour le Congrès en novembre. Pour toutes ces raisons, on peut comprendre les limites des réactions face à Israël.

Les USA avaient un peu lâché Israël sur le nucléaire…

Il y a là aussi une divergence d’intérêt ou d’intensité d’intérêt entre USA et Israël. Pour les États-Unis, un Iran doté de la force nucléaire est une perspective qu’ils veulent combattre mais cela ne représente pas une catastrophe d’une grande ampleur. Par contre, Israël considère la perte de son monopole nucléaire dans la région comme un désastre, un véritable facteur d’angoisse, c’est un rééquilibrage de la balance stratégique à l’échelle régionale. En plus, il y a cette peur permanente de l’anéantissement qui joue. On estime qu’Israël a 200 têtes nucléaires mais, vu sa taille, il suffirait d’une seule explosion nucléaire pour provoquer une hécatombe à l’échelle du pays. On peut dire que le gouvernement israélien affaiblit lui-même son argument en se dotant depuis les années 1960 de l’arme nucléaire. Cela constitue une invitation permanente pour ses voisins à se doter d’armes de destruction massive pour équilibrer les forces. Lorsqu’il s’agit de dire zone dénucléarisée à l’échelle du Moyen-Orient, cela pose directement la question d’Israël. Ils sont empêtrés dans ces contradictions.

Mais avec un gouvernement aussi aventuriste que le gouvernement israélien actuel, on peut supposer que ces gens souhaitent pouvoir agir militairement contre l’Iran. Ils ont demandé, lors des derniers mois de Bush, un feu vert pour passer au-dessus de l’espace aérien irakien sous contrôle des États-Unis pour frapper les installations nucléaires de l’Iran. Mais ce feu vert leur a été refusé. Parce que les États-Unis devraient en subir les conséquences, cela veut dire enflammer la région, pousser l’Iran à faire usage de tous ses moyens de pression. D’autant plus grave qu’on était en pleine crise économique et que cela aurait donné lieu à une flambée des prix du pétrole. Il a été question dans la presse mondiale de tentatives israéliennes d’obtenir un feu vert du gouvernement saoudien, ce qui a entraîné une réponse officielle de l’État disant qu’il n’admettrait pas que l’on survole son espace aérien pour attaquer n’importe quel État voisin.

Ils ne peuvent donc pas utiliser leur point fort qu’est l’aviation sans passer au-dessus d’autres pays. Ils sont dans cette situation qui n’est pas sans rapport avec le fait qu’ils se défoulent sur le Hezbollah au Liban ou sur le Hamas.

Ce qui semble une plus grande probabilité, c’est qu’ils essayent de s’en prendre au Liban au Hezbollah, à la Syrie... on pourrait imaginer une volonté israélienne de changer le rapport de forces, d’affaiblir les alliés de l’Iran, de manière à faciliter une possible intervention américaine contre l’Iran, en disant «vous avez moins à craindre en y allant». Il n’est pas sûr qu’Israël ait le courage de se lancer dans une opération dont ils ont vu, en 2006, que ce n’était pas si facile.

L’Égypte a levé le blocus, peuvent-ils perdre leur alliés dans la région?

Leur image est détériorée chez leurs alliés traditionnels et encore plus chez ceux qui ont des alliances un peu embarrassées avec Israël. Le gouvernement égyptien a ouvert sa frontière avec Gaza pour l’aide humanitaire, ce qui ne fait que souligner à quel point c’était une véritable collusion avec Israël et que rien ne l’obligeait à collaborer, au sens le plus péjoratif du terme, à cet étranglement de Gaza.

La Turquie qui était un allié plus solide a connu des changements depuis l’agression contre Gaza fin 2008/2009, pour plusieurs raisons: l’opinion publique turque est très remontée contre Israël et a réagi fortement en 2009 et le gouvernement Erdogan a besoin de s’appuyer sur une base sociale à l’intérieur, face à la pression qu’il subit de la part de l’institution militaire, des kémalistes, etc. C’est un gouvernement qui mène une bataille politique à l’intérieur du pays. Cette affaire a été exploitée par Erdogan depuis son esclandre à Davos en 2009. À cela s’ajoute le fait que la Turquie, le capital turc, les petites et moyennes entreprises, en particulier, bien représenté par le gouvernement actuel, avait placé de forts espoirs dans l’adhésion à l’Union européenne, espoirs qui se sont évaporés.

Il y a une forte offensive du capital turc en direction du monde arabe et musulman, de l’Égypte, de l’Iran. Les exportations turques sont en pleine croissance. Cela favorise une réorientation de la Turquie vers le monde arabe. Il y a quelques années, il y avait une collaboration militaire avec Israël en tant que membre de l’Otan aussi. L’infléchissement de la politique turque est réel mais n’a pas atteint le stade d’une rupture avec Israël. Finalement la réaction turque est elle aussi modérée et timide.

Quels sont, selon toi, les différents scénarios possibles?

S’il y a une région où on ne peut faire de prédiction même pour les mois qui viennent... c’est bien celle-là. Il semble que pour Gaza, la flottille a réussi à faire bouger les choses, même si c’est en partie à cause de la façon très maladroite dont Israël a réagi. Gaza va sentir la différence. On peut prévoir que les conditions qu’a subies Gaza depuis 2007 vont être allégées. Au-delà, je ne ferai pas de pronostic. C’est en permanence une situation tendue, dangereuse, et il faut toujours s’attendre au pire et le pire le plus probable, c’est l’action militaire contre le Liban et la Syrie ou le Liban seul, ça c’est tout à fait possible. Contre l’Iran, ce n’est pas l’envie qui manque mais il faudrait avoir les moyens de l’envie.

Propos recueillis par Dominique Angelini

1.American Israel Public Affairs Committee

Publié dans la Revue « TEAN » n°12 (juillet août 2010)

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