Avec les indigné-e-s du Mouvement du 15 Mai dans l’Etat espagnol !
Par LCR le Vendredi, 27 Mai 2011 PDF Imprimer Envoyer

La LCR salue avec enthousiasme le Mouvement du 15 Mai qui secoue actuellement l'Etat espagnol. Après les manifestations massives du dimanche 15 mai, des milliers de personnes occupent en permanence des centaines de lieux publics. C’est de manière totalement spontanée que la jeunesse, d’abord, et une partie de la population ensuite, s’est mobilisée ainsi pour exprimer son « indignation » face à la situation sociale actuelle, contre la caste politique, son régime et sa soumission aux pouvoirs économiques.

L’Etat espagnol a été frappé de plein fouet par la crise du capitalisme. Le taux de chômage dépasse les 20% et touche près de 43% des jeunes. La politique espagnole est dominée par le bipartisme étouffant et la fausse alternance entre la social-démocratie du PSOE et la droite réactionnaire du Parti Populaire (PP). Le régime institutionnel espagnol repose sur une « transition démocratique » faussée – à commencer par l’installation d’un monarque désigné par Franco lui-même - qui n’a jamais jugé ni puni les crimes de la dictature franquiste, ni rendu pleinement justice à ses victimes.

La caste politique, éclaboussée par de multiples scandales de corruption, se plie servilement aux intérêts du patronat, des banques et des institutions capitalistes internationales telles que l’Union européenne ou le FMI. Les mesures d’austérité dans l’Etat espagnol, destinées à faire payer la crise aux travailleurs, ont été parmi les plus dures en Europe ; réforme du code du travail qui facilite les licenciements et vide de tout contenu les conventions collectives ; recul de l’âge de la retraite à 67 ans ; suppressions d’indemnités de chômage et d’aides sociales, réduction drastique des dépenses publiques, notamment dans l’enseignement ; privatisations de services et d’entreprises publiques…

Les syndicats dans l’Etat espagnol sont profondément affaiblis depuis des années par la politique de cogestion de leurs directions bureaucratiques, qui ont transformé les organisations de travailleurs en prestataires de services aux affiliés. En riposte à la violente offensive d’austérité pilotée par le gouvernement du « socialiste » Zapatero, les syndicats ont pourtant appelé à une grève de 24 heures, le 29 septembre dernier. Le succès considérable de cette action a montré la possibilité pour le mouvement ouvrier de renouer avec une stratégie de lutte basée sur la mobilisation des travailleur/euse/s, et de commencer ainsi à changer les rapports de forces. Mais les appareils des CCOO et de l’UGT n’en ont pas voulu. Ils ont préféré la concertation, au terme de laquelle les mesures anti-sociales du gouvernement sont passées, moyennant quelques modifications insignifiantes.

C’est dans ce panorama que le Mouvement du 15 Mai a surgi de manière inespérée, à l’initiative de jeunes et d’étudiant-e-s qui, s’étant investi-e-s de façon militante dans le soutien à la grève du 29 septembre, et étant frappé-e-s de plein fouet par les effets de la crise, se sentaient particulièrement trahi-e-s par la capitulation des bureaucraties syndicales.

Ce n’est pas par hasard que la jeunesse a commencé à mettre le feu aux poudres par sa mobilisation, entraînant dans son sillage d’autres couches sociales. Qu’elle soit constituée d’étudiants, de travailleurs précaires ou de jeunes diplômés au chômage, la jeunesse subit de plein fouet les politiques d’austérité et c’est précisément cette situation qui la rend la plus sensible à la crise du sens de l’existence capitaliste. Par son action, elle renoue avec les meilleures traditions autogestionnaires du mouvement ouvrier espagnol.

Ce Mouvement du 15 Mai a commencé à changer les rapports de forces en faveur des travailleurs-euses,  en brisant la peur et la passivité face à la crise, le repli sur soi ou sur les solutions individuelles. Il permet aux travailleurs de reprendre confiance en leur force collective, en leur capacité à s’organiser et à lutter pour changer les choses. Il constitue ainsi un vibrant appel à la lutte sociale, au « tous ensemble » sans lequel ses revendications sociales et démocratiques exemplaires, et de plus en plus riches, ne pourront être satisfaites. Le rôle du mouvement ouvrier est donc décisif. Pour faire en sorte que la peur change définitivement de camp, la participation et l’intervention de la classe ouvrière, avec ses propres modes d’action capables de bloquer et de mettre à mal le pouvoir du capital, sera décisive.

Hélas, il serait illusoire de compter sur les sommets syndicaux pour saisir la balle au bond. Les initiatives doivent partir de la base, des entreprises, des bureaux, des sections syndicales. En Espagne et ailleurs, les bureaucraties sont trop engluées dans la cogestion de la crise capitaliste et dans le soutien à la construction de l’Union Européenne. A la longue, leur passivité peut d’ailleurs encourager la classe dominante à envisager une répression à laquelle, jusqu’à présent, elle ne peut pas se permettre de recourir, de peur de provoquer une explosion sociale du type de Mai 68.

Plus profondément, le mouvement du 15 Mai représente un événement majeur dans la situation politique et sociale, non seulement en Espagne, mais dans toute l’Europe. Il montre que la situation actuelle ne se caractérise pas seulement par la passivité, l’individualisme, le racisme et la démoralisation du monde du travail. Ces tendances sont certes dominantes aujourd’hui, et très inquiétantes, mais des tournants brusques sont possibles.

En effet, sous la surface, l’absence de toute perspective crédible d’un changement significatif par la voie politique-électorale, la violence des attaques capitalistes, l’arrogance de la classe dominante, l’étalage du luxe ostentatoire et cynique des riches oisifs, la corruption, les inégalités croissantes, les catastrophes environnementales dont les pauvres sont les victimes sans en être responsables… tous ces éléments ensemble alimentent un formidable potentiel de révolte et charrient des aspirations positives qui ne peuvent être satisfaites par les pseudo-solutions réactionnaires.

Au-delà des revendications démocratiques et sociales, ce mouvement met fondamentalement en lumière le fait que l’impérieuse nécessité sociale et écologique objective de sortir du capitalisme productiviste et destructeur cherche son chemin à tâtons dans la conscience des masses, indépendamment de la confusion idéologique de celles-ci. Nous vivons en effet bien plus qu’une crise économique et financière : une très profonde crise de civilisation. Le capitalisme omniprésent détruit et dégrade tout sur son passage, de sorte que son triomphe appelle forcément sa contestation la plus radicale, qui devient une question de vie et de survie.

Un énorme potentiel révolutionnaire s’accumule du fait que, dans un système de vénalité marchande généralisée, la résistance collective devient le principal refuge de la dignité humaine, des relations humaines désaliénées et de la démocratie authentique. Dans ce contexte, tout acte courageux de résistance, s’il est perçu comme légitime, est susceptible de trouver un écho extrêmement large, parce qu’il éveille en chacun-e le besoin vital d’une existence humaine digne de ce nom. Voilà ce qui explique le rayonnement du Mouvement du 15 Mai et la force d’attraction de ses campements improvisés et autogérés sur des espaces publics reconquis.

De ce point de vue, bien que les situations ne soient pas comparables et qu’on ne puisse pas parler à ce jour de « révolution espagnole », ce n’est pas par hasard que le mouvement du 15 Mai reproduit une série de traits des révolutions récentes ou en cours dans le monde arabo-musulman : exigence de la « dignité », rôlé clé de la jeunesse, utilisation des réseaux sociaux informatiques, occupation des espaces publics pour défier l’ordre établi, etc.

Le Mouvement du 15 Mai - comme les révolutions dans le monde arabe - a énormément de choses à nous apprendre et n’a pas fini de nous surprendre. Ces expériences et ces exemples doivent nous inspirer pour qu’en Belgique également la peur commence à changer de camp !

25/05/2011

Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR)

Section belge de la IVe internationale

www.lcr-lagauche.be // Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. // 0476 – 900 – 997

Voir ci-dessus