Où est passé l’argent ? Dans la poche des actionnaires ! La FGTB de Verviers a déclenché « l’opération Vérité »
Par Denis Horman le Jeudi, 21 Juillet 2011 PDF Imprimer Envoyer

Début 2009, la FGTB wallonne lançait sa campagne « le capitalisme nuit gravement à la santé ». Début 2011, le Bureau de la FGTB wallonne soumettait à la discussion, dans les instances, des fiches thématiques, formulant des revendications précises sur cinq thèmes :« Un meilleur pouvoir d’achat », « 32h/semaine », « Un emploi pour chacun-e-», « Renforcer les services publics », « Qui doit payer ? ». En mars 2011, sortait le petit « livre rouge » de la FGTB wallonne, reprenant ces cinq thèmes et prévu pour une large distribution.

Qui doit payer ?

« Si on veut éviter les crises à venir, l’heure n’est plus aux demi-mesures. Les actionnaires doivent rendre aux travailleurs l’argent qui leur revient et payer la crise ».

La dernière fiche du petit « livre rouge » pose la question : qui doit payer ? La réponse : « Les actionnaires. Ils s’enrichissent sur le dos des travailleurs et des Etats ». Et la fiche de souligner que, ces 40 dernières années, la richesse créée, mesurée par le Produit intérieur brut (PIB), a doublé ; mais les inégalités n’ont jamais été aussi importantes. La répartition de la richesse est toujours plus défavorable aux travailleurs.

« En effet, les actionnaires captent une part de plus en plus importante de cette richesse. En 1981, la part salariale dans le PIB était de 57%, elle n’est plus que de 51% en 2008. Un véritable “hold-up” : 6% de la richesse produite est passée de la poche des travailleurs à celle des actionnaires. Pour la seule année 2010, cela représente près de 20 milliards d’euros. C’est l’équivalent du déficit budgétaire de l’Etat ».

Que font les actionnaires avec cet argent, créé avec les richesses produites par les travailleurs ? Des investissements dans l’économie ? Plutôt dans la spéculation financière ! La création d’emplois ? Plutôt l’inverse ou bien alors de l’intérim, du temps partiel, de l’emploi à durée déterminée… !

« L’opération-vérité » de la FGTB  Verviers !

En juin dernier, la FGTB Verviers et Communauté germanophone décidait de faire la lumière sur « Où est passé l’argent », de concrétiser en fait la campagne de la FGTB wallonne.

« Nous avons voulu répondre à cette question “où est passé l’argent”,  pas d’une manière générale ou idéologique, mais en faisant émerger, au niveau de la région verviétoise, une réalité incontestable », tient à souligner Daniel Richard, le secrétaire régional interprofessionnel de la FGTB.

En sélectionnant les 15 entreprises verviétoises, classées dans le Top 200 des entreprises les plus performantes de la région liégeoise (reprises dans Trends tendance, 11 mai 2011), la FGTB a tout simplement procédé à l’étude, l’analyse des comptes annuels de ces 15 entreprises « fleurons » de la région. Des comptes annuels, pour les années 2005 à 2009, déposés et consultables sur le site de la Banque nationale de Belgique (BNB).

C’est la divulgation de cette étude par la FGTB, dans une conférence et des tracts distribués à la population qui a, subitement, provoqué la réaction des patrons verviétois. « Ne vous trompez pas de combat », tel est l’intitulé de la réponse des patrons à la FGTB de Verviers, envoyée par l’intermédiaire des CCI (Chambre de commerce et d’industrie) de Liège-Verviers et d’Eupen-Saint-Vith. « Avec des slogans tels que ceux exprimés aujourd’hui par la FGTB », souligne la lettre des patrons, « le risque de voir de nouveaux actionnaires investir dans notre région est fortement compromis. Persister dans cette voie, c’est faire fuir les actionnaires actuels et, par conséquent initier le déclin économique de notre région ». Rien que ça !

En fait de « slogans », de quoi s’agit-il ? En se penchant sur les bénéfices (officiellement déclarés et enregistrés) des 15 sociétés verviétoises, il apparaît que, sur les 58.211.110 millions d’euros réalisés pour l’année 2009 (chiffre total pour les 15 entreprises), 31.435.589 sont tombés directement dans la poche des actionnaires de ces sociétés (plus de 60% !). Et qu’en est-il de la réponse patronale à la FGTB soulignant que ces entreprises « sont parvenues à surmonter la crise et donc à préserver l’emploi (direct et indirect) et à générer des investissements porteurs ». « Nous allons affiner l’étude, par exemple sur la part des bénéfices réinvestis », indique Daniel Richard. « Mais nous sommes surtout en présence d’investissements de rationalisation, avec la flexibilité de l’emploi ; quant à l’augmentation des gains de productivité, qui est bien réelle, on n’en a pas vu la couleur dans les salaires ». Sans oublier les cadeaux aux 15 sociétés qui sont pourtant les « fleurons » de la région : les diminutions continuelles de l’impôt des sociétés (ISOC), les fameux intérêts notionnels (passant, pour les 15 sociétés, de 2.614.335 euros en 2006 à 8.801.389 euros en 2009), la réduction des cotisations patronales à la sécurité sociale…

Se préparer à des luttes sociales d’envergure !

« Tout cela est d’autant plus révoltant », précise le secrétaire régional interprofessionnel, « que le patronat, avec le blanc-seing du gouvernement Leterme, n’a, lors du dernier accord interprofessionnel, daigné lâcher pas plus de 0,3% d’augmentation des salaires en… 2012 – rien en 2011 -, soit 6 euros pour un salaire de 2000 euros bruts ». Avec la publication de cette étude, les travailleurs de ces entreprises, et dans bien d’autres entreprises où une telle « Opération Vérité » devrait être menée,  jugeront sur pièces. 

Alors que se prépare en Belgique, comme déjà dans d’autres pays de l’Union européenne, une offensive généralisée contre les travailleurs/euses, les allocataires sociaux, la majorité de la population, ce type « d’Opération Vérité », dans l’ensemble du pays, surtout si elle  est menée avec les délégations syndicales, peut contribuer, à coup sûr, à stimuler et fortifier les indispensables mobilisations.

« Loin d’avoir tiré les leçons de la crise, la droite et le patronat veulent encore nous imposer leurs vieilles recettes libérales : modération salariale, austérité, privatisation des services publics, attaques contre la sécurité sociale… Les travailleurs payent la crise de tous côtés ». Ainsi, s’exprime la FGTB wallonne dans l’introduction au petit « livre rouge » : « Où est passé l’argent ? Dans la poche des actionnaires ».

Malheureusement, il n’y a pas que la droite et le patronat qui se liguent pour essayer d’imposer une régression sociale sans précédent. 

Dans l’hebdomadaire « Moustique » du 13 juillet, le formateur, Elio Di Rupo, récusait toute concession aux  dérives droitières de sa note, dénoncées par les syndicats : « C’est justement quand on est de gauche qu’on doit montrer ses capacités à préserver les mécanismes de solidarité sur le long terme. Ces réformes, n’importe quel gouvernement, même 100% socialiste (c’est nous qui soulignons), aurait dû les mener ».

À bon entendeur !

Voir ci-dessus