Où est passé l’argent ? Dans la poche des actionnaires ! La FGTB de Verviers continue « l’opération vérité »
Par Denis Horman le Jeudi, 19 Avril 2012 PDF Imprimer Envoyer

En mars 2011, la FGTB wallonne sortait son petit « livre rouge » : « Où est passé l’argent ? Dans la poche ses actionnaires ! ».

En juin, la FGTB de Verviers et Communauté germanophone allait, dans une Opération Vérité,  montrer, chiffres à l’appui (extraits des comptes annuels des entreprises, consultables sur le site de la Banque nationale de Belgique) qu’il ne s’agit pas d’un beau slogan, mais bien d’une réalité incontestable.

En se penchant sur les bénéfices, pour l’année 2009 (officiellement déclarés et enregistrés) des 15 entreprises verviétoises, les plus performantes de la région, la FGTB faisait savoir publiquement –ce qui n’a pas du tout plu aux patrons verviétois- que plus de 60%  de ces bénéfices (après impôts) sont tombés, en dividendes, dans la poche des actionnaires de ces sociétés. Et, en même temps, soulignait la FGTB, ces « fleurons » de la région continuaient à recevoir des cadeaux de l’Etat, bénéficiaient de diminutions continuelles de l’impôt des sociétés, de réductions des cotisations patronales à la sécurité sociale, sans oublier l’augmentation des intérêts notionnels (passant pour les 15 sociétés de 2.614.335 euros en 2006 à 8.801.389 euros en 2009 (1).

Plenesses : les actionnaires ont empoché 99% des bénéfices !

Le 13 avril 2012, lors d’une conférence de presse, la FGTB de Verviers et Communauté germanophone divulguait (toujours sur base des comptes de la BNB) une nouvelle étude, cette fois sur 30 firmes du zoning des Plenesses, regroupant aussi bien de PME que de plus grosses sociétés.

Chiffre d’affaire, bénéfices, dividendes redistribués, recours aux intérêts notionnels, emploi, rémunération du capital, productivité, niveau d’imposition de chaque entreprise, et tout cela, en comparant les chiffres connus depuis 2005 à 1010 : l’analyse est édifiante, le constat saisissant !

Le chiffre d’affaire de ce panel a augmenté de 16% entre 2009 et 2010. La productivité a crû de 12%, rien que sur un an (de 2009 à 2010). Le bénéfice global, pour les 30 entreprises, est passé, de 7.031.776 euros en 2005 à 13.327.576 euros en 2010 (une moyenne de  444.252 euros par société).

Et surtout, stigmatise la FGTB : selon les comptes officiels déposés par ces sociétés auprès de la banque nationale, quasi l’intégralité des bénéfices, pour 2O10, a été reversée en dividendes aux actionnaires.

Sur les 13.327.576 euros de bénéfices en 1010 (pour l’ensemble des 30 sociétés), 13.250.501 euros ont été reversés aux actionnaires : soit 99% des bénéfices !

« La richesse créée par les travailleurs des PME des Plenesses est à 99% redistribuée uniquement aux actionnaires »  commente Daniel Richard, le secrétaire régional interprofessionnel de la FGTB verviétoise. Et il poursuit : « Alors même qu’on nous dit partout, qu’en ces temps de crise, il faut que tout le monde fasse des efforts, ce n’est pas le cas vraiment pour tout le monde. Faut-il y voir comme explication que les actionnaires de ces entreprises ont de cette manière comblé les pertes qu’ils avaient subies dans des placements purement financiers » ?

Deuxième cerise sur le gâteau : pour l’ensemble de ces entreprises, les intérêts notionnels – permettant légalement une baisse substantielle de l’impôt ses sociétés- ont connu une progression continuelle : de 455.651 euros, en 2006, ils atteignaient 2.086.525 euros en 2010 (des chiffres incomplets, car seules certaines entreprises ont l’obligation légale de publier le bilan complet !).

La contrepartie ? On aurait du mal à la trouver : en tout cas pas dans l’investissement productif, pas dans l’augmentation de l’emploi, ni des salaires.  Facile à comprendre que la principale contrepartie de l’explosion des dividendes, c’est le blocage, voire la baisse des salaires.

Opérations Vérités et mobilisations sociales

La région verviétoise n’est pas une exception. En 2012 les sociétés belges, cotées en Bourse (BEL20), distribueront à leurs actionnaires  (en référence à l’année 2011) 6,2 milliards en dividendes, soit une augmentation de 10% par rapport à l’année 2010. Ce qui correspond à 82% des bénéfices nets (au lieu de 46%, en 2010) Et, aux 6,2 milliards d’euros, on peut ajouter la somme totale de 34,3 millions versés à 17 PDG du BEL20 (2).

Alors que commence en Belgique une offensive généralisée  contre les travailleur/euse/s, les allocataires sociaux, la majorité de la population, une offensive non seulement du patronat et de la droite, mais aussi assumée par des gouvernements dirigés par la social-démocratie– nous en voyons déjà les terribles dégâts sociaux dans d’autres pays européens-, ce type d’Opération vérité, menée par la FGTB verviétoise, peut, si elle est relayée et impulsée du haut en bas par le mouvement syndical dans les autres régions du pays, contribuer, à coup sûr, à stimuler et fortifier les indispensables mobilisations sociales. Et d’abord pour changer radicalement la répartition des revenus.

Comme le soulignait justement la FGTB wallonne, lors de son dernier congrès en mai 2010, « Il s’agit pour les travailleurs de récupérer la part des richesses qui a sur-rétribué les actionnaires pour financer l’augmentation des salaires bruts, le relèvement de la pension légale, le rattrapage et la liaison au bien-être des allocations sociales, la réduction collective du temps de travail, le financement des services publics… »


(1) Voir le site de la LCR (www.lcr-lagauche.be): « Où est passé l’argent ? Dans la poche des actionnaires ! la FGTB de Verviers a déclenché « l’opération vérité », 21 juillet 2011.

(2) Le journal L’Echo, 31/3/2012.








Voir ci-dessus