Le capitalisme peut-il être vert ?
Par Daniel Tanuro le Mercredi, 20 Juin 2012 PDF Imprimer Envoyer

Nous publions ci-dessous l’entretien que notre camarade Daniel Tanuro accorda à La Libre Belgique, à l'occasion de Rio+20 et de la réédition au format de poche de son livre "L'impossible capitalisme vert". 


La Libre Belgique : Qu’est-ce que le capitalisme vert ?

Daniel Tanuro : C’est une contradiction dans les termes. Si on entend par là une économie qui respecte les limites du rythme de renouvellement des ressources, alors elle ne peut pas être basée sur la production de marchandises qui implique une croissance continue du volume de la production. Le capitalisme est incapable d’être vert en ce sens qu’il est incapable de respecter les limites des ressources et du fonctionnement de la biosphère.

Investir des capitaux dans des programmes “propres” ne suffit donc pas pour parler de “capitalisme vert” ?

Si on définit le capitalisme vert comme les capitaux qui s’investissent dans un secteur "propre" de l’économie, il existe et il est même très rentable. Mais ce n’est pas de cela qu’il est question ! Il faut savoir si, globalement, l’ensemble des capitaux qui constituent le capitalisme peuvent respecter les limites des ressources. Et là, la réponse est clairement non !

Même si, dans le système de production, certains efforts sont accomplis pour économiser l’énergie ?

La réponse reste non. On économise l’énergie, oui, mais on produit de plus en plus. Donc, il y a une économie relative dans l’utilisation de l’énergie, mais il y a une augmentation absolue du volume de la production. Un exemple concret dans le secteur de l’automobile et de l’aéronautique : l’efficience des moteurs ne fait qu’augmenter, on utilise de moins en moins de combustible au kilomètre, donc on produit de moins en moins de gaz à effet de serre au kilomètre, mais la quantité globale de gaz à effet de serre produits par les transports ne fait qu’augmenter parce que la quantité de véhicules mis sur le marché explose plus vite que leur efficience.

Que proposeriez-vous comme solutions ?

Je pense qu’il faut changer de système économique. Il en faut un qui produise en fonction des besoins des populations et en tenant compte des limites des écosystèmes et des rythmes de renouvellement des ressources, et non plus en fonction du profit des entrepreneurs privés.

Aucune mesure ne vous semble donc opportune à l’intérieur du système actuel (incitants financiers ou taxes, par exemple) ?

Les technologies qui permettraient de se passer complètement des combustibles fossiles et du nucléaire en deux générations existent. Il n’y a pas besoin d’une révolution scientifique. Le problème est uniquement économique et donc politique. Les technologies vertes aujourd’hui dans le domaine énergétique sont encore moins profitables que les technologies fossiles et le nucléaire. Et cette situation va perdurer au moins pendant quinze à vingt-cinq ans. Donc, si on ne sort pas du mécanisme basé sur la quête du profit par les grands groupes énergétiques, on est incapable de trouver une solution pour remplacer les fossiles par les renouvelables. Il n’y a pas de solution pour la transition énergétique sans une mise sous statut public par expropriation des énormes groupes multinationaux qui contrôlent le secteur pétrolier, du charbon et du gaz naturel.

Cela n’a rien d’utopique ?

Mais on a besoin d’utopies : des utopies concrètes dont on peut discerner les possibilités de concrétisation dans la société actuelle.

Quel est le risque ? Dans votre livre, vous parlez de “basculement” climatique plutôt que de “changement”. Pourquoi ?

Selon le Giec, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 à 80 % au niveau mondial d’ici 2050. Si on n’y arrive pas, les conséquences peuvent être des hausses de plus d’un mètre du niveau des océans d’ici la fin du siècle. On parle donc des conditions d’existence voire de survie de centaines de millions de gens sur notre Terre. C’est plus violent et plus brutal qu’un "changement" climatique du type de ceux qu’a déjà connus la planète. Je le répète : la logique économique nous mène à la catastrophe, même repeinte en vert.


Daniel TANURO, auteur de “L’impossible capitalisme vert” (éditions Les empêcheurs de penser en rond/La découverte)

Interview réalisée par M.Bs à consulter sur lien  http://www.lalibre.be/

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