Nouvelles formes de lutte pour en finir avec le capitalisme
Par Juan Tortosa le Jeudi, 11 Octobre 2012 PDF Imprimer Envoyer

La crise sociale, économique, politique et écologique que vivent les peuples de l’Etat Espagnol est sans précédent dans l’histoire récente de ce pays. Avant le début de la crise en 2008, les gouvernements espagnols successifs comptaient entrer dans le cercle restreint des 10 pays les plus riches de la planète. Aujourd’hui, ce pays s’affiche dans le haut du palmarès mondial en termes de chômage massif (plus de 25 %) et d’inégalités sociales (l’Espagne est en 4e position dans l’Europe des 27). Le taux de chômage officiel dépasse les 30 % pour l’Andalousie, l’Estrémadure et les Iles Canaries. Par ailleurs, le chômage des jeunes a franchi la barre des 50 %. A nouveau, toute une génération boucle ses valises pour émigrer vers l’étranger : Argentine, Angola, Allemagne…

Pourtant, le secteur bancaire privé a reçu de nombreuses aides (141 000 millions d’euros rien qu’en décembre 2011), tandis que de nouvelles politiques d’ajustements structurels étaient imposées. Cette politique d’austérité ne touche bien sûr que l’éducation publique, la santé, l’indemnisation chômage, etc. Le budget de la défense, en revanche, a augmenté de presque 25 % cette année et la mission de l’armée a été redéfinie : l’ennemi n’est plus à l’extérieur des frontières, mais à l’intérieur. Il importe de se préparer à réprimer les velléités de ces peuples qui refusent la soumission aux dictats des marchés et de la troïka et qui aspirent légitimement à l’autodétermination (la manifestation massive pour l’indépendance le 11 septembre dernier en Catalogne représente un signal fort). Nous allons assister à une crise de la structure de l’Etat : la constitution espagnole et le modèle d’autonomie des régions ont périclités. Une nouvelle forme d’organisation de l’Etat doit naître dans un contexte politique et économique de crise accompagné d’une forte perte de crédibilité de la monarchie.

Le Parti Populaire (PP, de droite) au pouvoir mène une politique extrêmement agressive envers les maigres conquêtes sociales. Le code du travail a été modifié, transformant les travail­leurs en serfs dignes du Moyen-Age. Les horaires des en­seignant·e·s ont été étendus, leurs salaires réduits, le statut des fonctionnaires modifié, etc.

Avant l’apparition des Indignés espagnols le 15 mai (15 M 2011), le mouvement social était atomisé. L’émergence de ce mouvement a représenté la pointe de l’iceberg d’un malaise qui s’exprimait avec peine : la population était dégoûtée par les deux partis majoritaires (PP et PSOE) menant une politique identique. Ce mouvement s’est essoufflé au niveau médiatique, mais l’expérience politique de milliers de personnes et notamment le travail des assemblées par quartiers ont continué à germer. Ces secteurs ont mené des luttes très efficaces et radicales contre l’évacuation de familles dans l’impossibilité de payer leurs hypothèques. En outre, ils ont constitué un mouvement très actif dans la réussite de la grève générale du 29 mars, convoquée avec beaucoup d’hésitation par les deux centrales syndicales majoritaires (UGT et CC.OO). Lors de cette journée de grève, le mouvement social dans sa diversité souhaitait la continuation d’actions plus radicales, mais les directions syndicales ont préféré s’asseoir à la table des négociations et ont tenté d’étouffer le mouvement. Elles n’ont cependant rien obtenu. Au contraire, le gouvernement a décidé de poursuivre sa politique de destruction massive de la société et sa répression de toute contestation sociale.

Malgré une répression qui n’a rien à envier aux dernières années du franquisme, de multiples secteurs se sont lancés dans le combat, comme les mineurs des Asturies et la région de Léon. Durant deux mois, ils ont organisé une grève dans toute la région avec un fort soutien social et des méthodes de lutte très radicales. Autres résistances remarquables : le Syndicat Andalou des Travailleuses et travailleurs (SAT) a mené, dans les supermarchés, des actions d’expropriations d’aliments, remis ensuite à des familles sans domicile fixe de Séville. Il a également organisé des occupations de terres non cultivées possédées par l’armée ainsi que des occupations de banques. De grands magasins comme Zara ont aussi été occupés pour dénoncer le travail des enfants dont profite cette multinationale. L’écho social de toutes ces actions fut sans précédent : des milliers de personnes ont accompagné tant les marches des mineurs que celles des ouvriers agricoles de toute l’Andalousie. La mobilisation des syndicats à Madrid le 15 septembre dernier, malgré une participation plus faible qu’escomptée, peut signifier le début d’une dynamique de remobilisation sociale contre les politiques criminelles du gouvernement de droite.

Une chose est sûre, devant l’ennemi auquel fait face le mouvement social, la grève générale d’un jour ou la manifestation bon enfant sans lendemain n’ont aucune répercussion. De nouvelles formes de résistances et de luttes pacifiques plus radicales, capables de susciter un large soutien de la population, doivent être mises en œuvre afin de remettre profondément en question le système. « En cette période de crise, lorsqu’ils exproprient le peuple, nous voulons exproprier les expropriateurs, c’est-à-dire les grands propriétaires terriens, les banques et les grands magasins qui se font de l’argent en pleine crise économique », clame Juan Manuel Sanchez Gordillo, maire de Marinaleda (Andalousie) et animateur avec Diego Cañamero du Syndicat Andalou des Travailleurs (SAT). Les actions des ouvriers de la mine en Asturies et les ouvriers agricoles andalous ouvrent un chemin que nous devons emprunter en l’adaptant à notre situation locale. Si nous n’en finissons avec le capitalisme, ce système assassin en finira avec l’humanité et la planète.

Cet article a été publié sur http://www.europe-solidaire.org


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