Le temps des solutions
Par José Ramón Castaños le Jeudi, 23 Juin 2005 PDF Imprimer Envoyer

Le 17 avril dernier se tenait l'élection de l'assemblée basque. Le taux de participation était de 69 % - onze points de moins que lors du dernier scrutin, notamment en raison du climat d'apaisement ressenti depuis la déroute électorale de la droite "espagnoliste" en 2001. De plus, les socialistes ont changé de stratégie, en modérant leur discours sur la question basque et en rompant l'alliance qu'ils avaient conclue avec le Parti Populaire (PP) contre le Parti nationaliste basque (PNV, droite nationaliste, au pouvoir au Pays basque).

Le PP et le PNV sont donc les deux grands perdants de la baisse de la participation. Le PP perd 6 % et quatre sièges, en partie au profit du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Le PNV perd quant à lui 4 % et quatre sièges, alors que toutes les enquêtes lui donnaient la majorité absolue (38 sièges) en cas d'absence, pour illégalité, de la gauche nationaliste (Batasuna). Cette hypothèse donnait une nouvelle légitimité au plan Ibarretxe (projet de "souveraineté partagée" avec l'Espagne), après qu'il ait été rejeté par le Parlement espagnol. Dans la crainte d’un tel scénario, les socialistes ont favorisé la légalité de la candidature de réserve de la gauche nationaliste, le Parti communiste des terres basques (Ehak). Cela explique l'absence de majorité absolue pour le PNV. Mais son recul en nombre de voix est dû à l'abstention d'une partie de la "majorité silencieuse", qui n'a pas été voter, voyant s'éloigner le péril d'une remise en cause de l'autonomie basque, et à la défection du vote de la gauche nationaliste, qui s'est exprimée pour l'Ehak.

Le retour de la gauche nationaliste a bénéficié de l'absence d'attentats mortels de l'ETA ces deux dernières années, mais également du rejet de la loi sur les partis (réformée le 4 juin 2002, elle permet d'interdire les partis "ayant des liens avec le terrorisme"). et de la mise hors la loi arbitraire et injuste de Batasuna. Il faut mentionner également la peur de l'hégémonisme que le PNV exerce sur le souverainisme basque. Ce projet politique est un patrimoine historique de la gauche nationaliste. C'est elle qui l'a promu, comme un mouvement de rébellion citoyenne associée à l'idée socialiste de transformation sociale. À gauche toujours, Aralar apparaît discrètement, avec un parlementaire élu, pour témoigner de l'opposition d'une partie de la gauche nationaliste à la tutelle politique de l'ETA sur elle. Izquierda unida conserve ses trois sièges, sans avoir convaincu que sa participation au gouvernement basque avait produit un virage à gauche.

La nouvelle carte politique du Pays basque offre un cadre renouvelé. Le PNV continue à être le parti majoritaire, avec 39 % des voix. Le "souverainisme basque" a élargi ses positions par rapport au "constitutionnalisme espagnol". Le Parlement basque est donc plus nationaliste et plus de gauche (60 % des voix et 42 sièges contre 40 % et 33). Les socialistes enlèvent à la droite le leadership du constitutionnalisme espagnol. L'alliance PP-PSOE est rompue et la ley de partidos contre Batasuna est rendue inutilisable.

De nouvelles perspectives politiques se dessinent. Le rejet du plan Ibarretxe par le PSOE n'a pas été accompagné d'une nouvelle offensive du centralisme espagnol, mais de la promesse d'un nouveau statut pour le Pays basque. Si la Constitution n'est plus intouchable, si l'autonomie basque peut être réformée pour parvenir à un niveau de souveraineté politique plus importante et si le pacte antiterroriste est remplacé par la tolérance et le dialogue, nous sommes alors en présence d'un changement de cycle politique.

Le nouveau scénario politique semble ouvrir des perspectives de solution au conflit. Le dialogue multilatéral dans et hors le Parlement peut clore le cycle de l'intolérance ouvert par l'échec du pacte Ajuria-Enea (1997). La reconnaissance mutuelle et l'absence de violence peuvent permettre de transposer la question sur le contenu du pacte. Le plan Ibarretxe devra changer de nom pour que tous les Basques puissent se reconnaître dans le noyau fondamental de son contenu. En dehors de celui-ci, il n'y aura pas de solution démocratique, mais bien permanence du conflit.

Voir ci-dessus