Focus genre: on change de lunettes!
Par Virginie Godet le Lundi, 13 Septembre 2004 PDF Imprimer Envoyer

Le genre, un concept qui est de plus en plus manipulé par les institutions internationales, y compris le FMI et la Banque Mondiale. Par contre, dans les mouvements altermondialistes, l'introduction de ce que l'on appelle gender mainstreaming ou analyse sexospécifique coince un peu, au nom de l'universalisme. Complot machiste ? Mauvaise information ? Laissez-moi croire que c'est la deuxième hypothèse qui l'emporte, la plus plausible, la moins douloureuse. Pour remédier à cela, un peu de théorie s'impose. Alors, qu'est-ce que le genre?

Vous avez certainement remarqué que l'espèce humaine est subdivisée en deux groupes biologiquement différents: les choux et les roses... euh... les hommes et les femmes. La différence biologique s'appelle sexe. Mais on peut envisager la subdivision sur d'autres bases, comme le comportement qui est socialement attendu des parties, et la place qu'elles sont censées tenir dans la société. C'est cela qu'on appelle genre: la différenciation des sexes dans leur dimension sociale.

En voilà une notion qu'elle est transversale !

Dans toute problématique à visée universelle ou universaliste, on peut par conséquent considérer que, si l'ensemble de l'humanité(1) est concerné, il sera touché différemment selon le genre, en plus des inégalités prises en compte selon l'appartenance socio-économique et la localisation géographique. Introduire la variable genre complique l'analyse, c'est un fait, mais ne peut que l'enrichir, l'affiner.

L'analyse de genre peut prendre des formes on ne peut plus pragmatiques lorsqu'elle touche au partage des tâches(2), aux inégalités salariales, à la formation de l'identité sexuée (les images que reflète le monde sur l'être femme et l'être homme, et qui fait que l'enfant accepte ou rejette son sexe, le vit bien, moins bien, pas bien du tout), à l'accès à la santé, à l'éducation, à la propriété...

Quelques chiffres en pagaille, même si on trouve l'exercice répétitif et rébarbatif :

  • Les femmes possèdent moins de 1% des richesses de la planète; elles fournissent 70% des heures travaillées et ne reçoivent que 10% des revenus.
  • Les deux tiers des enfants qui ne vont pas à l'école sont des filles.
  • 80% des réfugiés vivant dans des camps sont des femmes. En ce qui concerne le travail, les femmes représentent:
  • 90% des temps partiels,
  • 71% des chômeurs cohabitants,
  • 90% des exclusions pour chômage longue durée,
  • 70% du montant du salaire moyen perçu par les hommes(3).

Si les avancées en matière d'égalité méritent un "peut mieux faire" dans les pays du Nord, qu'en est-il au Sud ? Rien, ou si peu. Et si les institutions internationales veulent intégrer les femmes au processus d'aide au développement, c'est malheureusement toujours au nom de leur statut de pauvres méritantes, en ne leur offrant qu'un rôle consultatif en amont (pas de droit de regard en cours de route, pas de droit d'évaluation), sans même les aménagements nécessaires à une conciliation entre leur charge de travailleuses et de mères, et leur toute nouvelle fonction de consultantes.

Encore pas mal de pain sur la planche. Alors que, lorsque la condition des femmes s'améliore, c'est la vie de la société toute entière qui est améliorée...

Voir ci-dessus