Document: 1944.Travailleurs de l'Europe! Soldats allemands et alliés!
Par IVe Internationale le Dimanche, 16 Juillet 2000 PDF Imprimer Envoyer

Déclaration du Comité exécutf européen de la IVe Internationale, juin 1944

Les batailles qui décideront de la guerre en Europe sont commencées. La partie occidentale du continent est devenue de nouveau le théâtre de monstrueux massacres, de dévastations et de souffrances inouïes pour les populations. Avec une violence extrême, les forces accumulées des impérialistes américains et anglais, volontairement laissées longtemps dans l'inaction pour affaiblir à la fois l'Allemagne et l'Union soviétique et rendre l'Europe épuisée incapable de résister à leur domination, se lancent aujourd'hui à l'assaut pour emporter la victoire.

Après avoir longtemps alimenté la machine de guerre nazie contre l'Union soviétique en lui procurant par la voie des "neutres" (du Portugal, de l'Espagne, de la Turquie, de la Suède, de l'Argentine), le pétrole, le wolfram, le chrome, le manganèse et autres matières indispensables à la conduite de la guerre moderne, après avoir assisté en spectateurs souriants à l'écrasement de tous les peuples de l'Europe sous la botte hitlérienne, à l'épuisement des  richesses du continent, à l'affaiblissement physique de ses populations sous-alimentées, après avoir détruit par des bombardements massifs ses villes les plus populeuses, les financiers yankees et anglais, les hommes des grandes banques et de la grosse industrie jugent maintenant le moment opportun de consolider leurs gains.

Les buts des "libérateurs" alliés

Ecarter l'Union soviétique de l'Europe, briser la force expansive de l'impérialisme allemand, ouvrir dans toute l'Europe la voie à leurs capitaux et à leurs marchandises, en l'absence de tout autre concurrent, mettre les populations du continent à la portion congrue pour qu'elles arrivent à payer, par leur travail forcené, les énormes dettes que les Etats capitalistes ont contractées pendant la guerre, ainsi que les sommes qu'elles doivent aux fabricants de canons et de bombes yankees et anglais, grâce auxquels elles doivent leur "libération", voilà les buts que les rois de la finance de New York et de Londres cherchent à atteindre aujourd'hui en Europe. L'avance de l'Armée rouge et l'agitation grandissante des masses dans tous les pays occupés, de la Norvège à la Grèce, de la Pologne à la France, mettaient en danger la réalisation de ces plans de rapine. Il a fallu agir et agir vite.

Travailleurs de l'Europe !

Pendant cinq ans vous avez cruellement souffert sous la tyrannie hitlérienne. Vous avez connu la terreur, la famine, le froid, la mort. Vos organisations ont été détruites, vos libertés les plus élémentaires ont été foulées aux pieds. Entassés dans les usines de guerre, vous avez peiné jour et nuit, sans repos, sous-alimentés, brimés, exposés aux pires risques pour fabriquer les armes que la dictature nazie a tournées contre l'URSS, contre les peuples de l'Europe et contre le peuple allemand lui-même. On vous a déracinés de votre sol natal, on vous a déportés, on vous a utilisés comme des bêtes de somme, sans égards pour votre condition humaine. Des centaines et des milliers des vôtres sont tombés sous les coups de la Gestapo et des prétoriens SS. Les prisons et les camps de concentration regorgent des innombrables victimes de la tyrannie hitlérienne. L'ampleur que la terreur fasciste a prise pendant cette guerre n'a fait qu'esquisser la situation terrible qui attend les travailleurs s'ils n'arrivent pas à abattre le capitalisme générateur du fascisme et de la guerre.

C'est un monstrueux mensonge de dire que ceux qui oppriment dans leurs colonies plus de cinq cents millions d'hommes, que ceux qui refusent la liberté à l'Irlande, qui ensanglantent et affament l'Inde, qui convoitent la Chine, qui veulent mettre à nouveau sous leur joug les Indes néerlandaises et les Philippines, qui dépouillent l'impérialisme "ennemi" italien et l'impérialisme "allié" français de leurs colonies à leur propre profit puissent apporter la liberté aux peuples de l'Europe. C'est un monstrueux mensonge de dire que Churchill et Roosevelt qui défendent ouvertement Franco, le sinistre bourreau du prolétariat espagnol, qui embrassent le fasciste Badoglio et le réactionnaire Giraud, qui continuent à entretenir des relations amicales avec les plus réactionnaires représentants de l'entourage de Vichy, combattent contre le "fascisme" et pour la "démocratie". (...)

Roosevelt et Churchill, ces champions de la "démocratie" qui, à les écouter, n'ont pris les armes que pour écraser la dictature hitlérienne, vous refusent aujourd'hui le droit de choisir vous-mêmes votre gouvernement et vos représentants municipaux. A la place de Hitler, des Quisling et des Laval, de leur Gestapo, de leurs SS, de leur police et de leur Milice, ils vous envoient Eisenhower et ses généraux, qui se proposent d'assumer pendant toute une période le gouvernement des pays "libérés". De Gaulle lui-même s'est vu obligé de protester contre ce traitement humiliant que lui ont infligé ses "alliés" ingrats. Seule votre action peut les faire reculer. (…)

Que fait l'URSS ?

A cette heure critique où le sort de l'Europe et de l'humanité se décide au moins pour quelques dizaines d'années, les yeux des travailleurs du monde entier se tournent avec anxiété vers l'URSS et l'Armée rouge. Les travailleurs doivent regarder les masses soviétiques et l'Armée rouge comme leurs meilleurs alliés dans leur lutte contre l'impérialisme mondial, mais ils ne doivent avoir aucune confiance dans la politique que mène dans cette guerre la bureaucratie stalinienne. Cette politique est une politique de soumission et de retraite devant la marche menaçante de l'impérialisme yankee. C'est une politique de trahison envers les masses travailleuses du monde capitaliste et de l'URSS même.

Par ses reculs, ses concessions aux impérialismes, malgré les victoires éclatantes de l'Armée rouge, par les coups surtout qu'elle porte au mouvement révolutionnaire en dissolvant l'Internationale communiste et en engageant les partis communistes des pays capitalistes dans la voie de l'union sacrée et du chauvinisme, cette politique se dresse chaque jour plus nettement contre la révolution prolétarienne en Europe et dans le monde. La défaite de la révolution signifierait inéluctablement la chute des dernières conquêtes socialistes en URSS. Laisser triompher l'impérialisme yankee et anglais en Europe signifie laisser se resserrer autour de l'URSS le nœud qui l'étranglera dans un délai beaucoup plus bref que celui qu'il a fallu depuis la dernière guerre au capitalisme pour se lancer contre elle.

Travailleurs de l'Europe !

Au moment où la guerre des impérialismes entre dans sa phase finale en Europe, les partis dits ouvriers, réformistes et staliniens, ne trouvent rien de mieux à vous dire que de vous ranger derrière les drapeaux des brigands yankees et anglais, pour conquérir ainsi votre "libération". Pendant des années, les partis communistes s'étaient efforcés de conquérir votre confiance par leur attachement à la révolution. Mais aujourd'hui, au moment décisif où le pouvoir de la bourgeoisie en Europe, miné et rongé par cinq ans de guerre,  se décompose, les partis communistes entrent dans les gouvernements bourgeois des de Gaulle et des Bonomi et mettent leur autorité au service des exploiteurs. Vous avez d'autres tâches à accomplir que de jouer le rôle misérable que vous proposent les cyniques agents de la bourgeoisie et les méprisables bureaucrates staliniens. Vous avez la tâche d'opposer à la solution impérialiste de la guerre votre solution: celle qui vous donnera la paix, la liberté, le pain par le triomphe de la révolution socialiste et les Etats-Unis socialistes d'Europe et du monde.(...)

Le Comité exécutif européen de la IVe Internationale. Juin 1944

Voir ci-dessus