Grève générale ou désarmement ?
Par Raimund Löw le Lundi, 17 Juillet 2000 PDF Imprimer Envoyer

Depuis le début du marxisme l'idée que la force croissante du mouvement ouvrier représente un obstacle à la guerre est un postulat fondamental du socialisme. Néanmoins, l'histoire des discussions sur les méthodes par lesquelles il serait possible de garantir la paix même dans le cadre du capitalisme, est aussi vieille que le mouvement ouvrier lui-même. Plus précisément le problème se pose dans les termes suivants : d'un côté il faut faire peser la menace d'une insurrection de masse et d'une révolution pour dissuader les classes dominantes de prendre le risque d'une guerre, de l'autre il faut adresser l'appel au désarmement y compris aux gouvernements capitalistes.

C'est surtout dans les années 1920 que ces deux pôles s'opposent dans la forme la plus «pure»: d'un côté la politique de l'Internationale communiste, de l'autre celle de l'Internationale Socialiste Ouvrière. Puisque dans le débat sur la guerre et la paix l'orthodoxie marxiste a joué un grand rôle, il est opportun de rappeler les prises de position de la Ie Internationale et de la IIe Internationale de l'époque classique.

« GREVE GENERALE » : GADGET OU « PHRASE CREUSE » (LENINE) ?

La question de savoir comment il serait possible d'empêcher activement la guerre par des actions de masses est posée pour la première fois concrètement au Congrès de Bruxelles de la Ie Internationale, en 1868, à la veille de la guerre franco-allemande. Un point avait été introduit hâtivement à l'ordre du jour : « Qu'est-ce que devrait faire la classe ouvrière en cas d'éclatement d'une guerre entre deux ou plusieurs grandes puissances et notamment contre ses responsables ? ».

Le délégué allemand Johann Phillip Becker proposa une motion dans laquelle on affirma qu'une guerre, en particulier entre l'Allemagne et la France, serait une guerre « purement bourgeoise » et qu'il faudrait s'y opposer en refusant le service militaire et le travail dans l'industrie de guerre en allant jusqu'à une grève militaire. Finalement on se mit d'accord sur un texte, proposé par Charles Longuet après des objections des proudhoniens contre la motion de Becker, qui recommande : « l'arrêt de tout travail » contre une guerre qui commencerait. La solution de la « grève des peuples contre la guerre » y était présentée - avec des espoirs qui aujourd'hui apparaissent très peu fondés - comme « un moyen efficace, légal et applicable immédiatement ».

La question de savoir comment on utiliserait les méthodes de lutte pour la défense de la paix dans l'industrie est également posée à ce congrès de Bruxelles, mais sans y donner une réponse satisfaisante. L'approche naïve dans le raisonnement de Longuet devait être maintenue dans les décennies suivantes sous forme de recommandation du mot d'ordre de la grève générale.

Karl Marx, qui n'avait pas participé au congrès et qui n'avait rien préparé pour sa part sur la question de la guerre, écrit dans une lettre à Engels du 16 septembre 1868 que la grève contre la guerre était « une histoire belge ». Derrière cela, il y a une double idée. D'un côté, sous l'influence de la révolution française et de 1848, Marx estime que des guerres pourraient déboucher sur des révolutions, (la guerre contre la Russie pour aider à l'émergence de la démocratie en Europe, avait été un point important dans le programme de la Neue Rheinische Zeitung). De l'autre, Marx pense que la lutte contre l'ordre social capitaliste et le renforcement de l'Internationale sont le seul chemin effectif vers la paix. Un an auparavant, au congrès de l'Internationale à Lausanne, il s'était opposé énergiquement à la participation de l'Internationale à la Ligue pour la paix et la liberté, regroupement de gauche pacifiste. Dans une lettre à Engels il avait parlé de « tarte à la crème de la paix».

Le mot d'ordre de grève générale, avancé par le congrès de Bruxelles, est oublié lors de la guerre franco-prussienne, qui éclate deux ans plus tard. Dans les deux textes de Marx sur la guerre franco-prussienne on reconnaît d'abord aux ouvriers allemands, et après la chute de Napoléon III aux ouvriers français, le droit de défendre leur pays. Sur la question de comment éviter de nouvelles guerres, voilà ce qui est écrit : « Elle - la classe ouvrière - est fermement convaincue que quelle que soit la manière dont l'horrible guerre imminente se termine, l'alliance des travailleurs de tous les pays finira par mettre fin à toute guerre. Alors que la France officielle et l'Allemagne officielle s'enfoncent dans une guerre fratricide, les ouvriers s'envoient des messages réciproques de paix et d'amitié ».

La question de la grève générale contre la guerre est discutée beaucoup plus amplement dans la IIe Internationale de l'époque classique. Avant l'exclusion des anarchistes, le Hollandais Domela Nieuwenhuis refuse au congrès de Bruxelles en 1891 et à celui de Zurich en 1893 la distinction entre guerre d'agression et guerre défensive et prône en cas de guerre « un arrêt généralisé du travail ». Les résolutions majoritaires, présentées par Wilhelm Liebknecht et Plékhanov, se limitent à indiquer que le « triomphe du socialisme » est le « seul moyen » d'éviter une guerre mondiale. En opposition aux anarchistes, qui exigent des actions révolutionnaires, les dirigeants marxistes de la IIe Internationale affirment la primauté de l'éducation politique et de l'organisation des travailleurs.

En 1893 Wilhelm Liebknecht écrit : « Si la grève militaire et la grève économique étaient plus qu'un vœu pieux, si les partis sociaux-démocrates avaient la force, en Europe et dans le monde entier, de mener de telles grèves, alors existeraient en Europe des conditions qui rendraient toute guerre impossible. .. Si nous poussons les soldats à la désertion et au refus du service militaire, nous allons offrir de nouvelles victimes au Moloch du militarisme.. Certes, c'est notre tâche de renverser le Moloch... Nous ne pouvons pas le faire par des conspirations infantiles dans les casernes, nous pouvons le faire seulement par une propagande inlassable parmi le peuple ». On ne le disait pas explicitement, mais on avait derrière la tête l'idée que si on projetait une telle grève avant tout en Allemagne, on laisserait au tsar une liberté d'action en Europe.

LE DESARMEMENT : VOEU DE VIEILLESSE D'ENGELS

Pendant des décennies Marx et Engels ne se préoccupent pas du désarmement militaire et du maintien d'une paix européenne réactionnaire après la défaite de 1848. « C'est le côté exaltant de la guerre - écrit Marx encore en 1855 dans le New York Tribune -Une nation est mise à l'épreuve. Les momies se désagrègent immédiatement si on les expose à l'air. De même, la guerre représente la condamnation à mort de toutes les institutions sociales qui n'ont aucune vitalité ».

Pendant la guerre austro-italienne de 1859, Engels publie une étude où il appelle à une guerre de l'Allemagne sur deux fronts, contre la France et contre la Russie. Même pendant la guerre turco-russe de 1877-1878 Marx stigmatise les sentiments anti-guerre des ouvriers anglais qui vont à l'encontre d'un engagement britannique aux côtés des Turcs. Curieusement, il estime condamnable que les députés prolétariens à la Chambre des communes votent avec le secteur du « grand parti libéral », enthousiaste du tsar, contre les crédits de guerre au gouvernement conservateur Disraeli. L'idée d'empêcher la guerre par des accords internationaux lui semble aussi absurde que celle de surmonter les crises économiques par des mesures gouvernementales.

Dans l'année révolutionnaire 1848 la Ligue des Communistes avait pris une position claire à propos de l'armée et de l'armement : il fallait exiger « l'armement général du peuple ». Ainsi on pouvait s'opposer à la menace représentée par l'armée des princes et en même temps ouvrir la voie à la guerre révolutionnaire qu'on souhaitait contre la Russie. Engels avait salué l'introduction du service militaire obligatoire dans la Prusse de Bismarck comme un pas dans cette direction. Le congrès de l'Internationale de Lausanne en 1867 avait approuvé cette position et, conformément aux conceptions militaires d'Engels, il s'était prononcé temporairement pour des petites armées, susceptibles de devenir une école d'officiers pour les milices.

Dans le même congrès on avait discuté également sur le rapports entre l'Internationale et la Ligue pour la paix et la liberté. Malgré l'opposition de Marx, les délégués avaient décidé d'envoyer une délégation à une assemblée pacifiste à Genève, tout en rejetant les idées humanistes d'un désarmement généralisé et d'un nouvel ordre en Europe.

Vers la fin de sa vie Engels assume une orientation politique précise. Dans une série d'articles publiés dans l'organe du parti Vorwärts, et édités en brochure sous le titre « l'Europe, peut-elle désarmer ? », il prend position pour un désarmement sous forme de réduction du temps de service militaire au niveau européen. Comme d'innombrables partisans du désarmement le feront après lui, il tente de baser sa proposition sur l'intérêt commun qu'auraient le capitalisme et le prolétariat d'éviter une guerre : le fardeau économique du réarmement, la crise sociale, les dévastations prévisibles en cas de guerre : voilà les arguments qu'il avance et qui seront repris jusqu'aujourd'hui. Tout cela est lié à un grand optimisme sur le développement quasi naturel de la classe ouvrière. « Bref – écrit-il en 1895 - la paix assure la victoire de la social-démocratie allemande dans dix ans environ. La guerre apporte soit la victoire dans deux ou trois ans soit la ruine complète, au moins pour quinze-vingt années ».

A son congrès de Londres en 1896 la IIe Internationale discute pour la première fois de l'armement du peuple. Les délégués revendiquent l'institution d'un tribunal d'arbitrage « pour concilier pacifiquement les conflits entre les peuples ». Dans le cas où les gouvernements refusent les décisions d'un tel tribunal, le peuple devrait voter sur la guerre et la paix. C'est un programme dont le but n'est pas tellement d'avancer des revendications immédiates, mais plutôt d'esquisser des formes de rapport démocratiques entre les Etats. En même temps le refus du budget pour l'armée bourgeoise va de soi pour les socialistes.

Cela n'implique pas pour autant que les Etats n'aient pas le droit de se défendre y compris si leurs gouvernements sont bourgeois. Une ambiguïté qui au début de la guerre servira à légitimer la politique de défense de la patrie. Ce que Marx et Engels avaient traité à leur époque avec passion - à savoir une analyse concrète des tendances de développement internationales - n'apparaît pas tellement dans la IIe Internationale.

Les dénonciations générales contre le capitalisme et l'appel à la paix sans aucune obligation cachent même dans la dernière décennie avant l'éclatement de la guerre, le fait que l'on était de moins de moins d'accord sur les problèmes concrets de la « responsabilité ». Seule Rosa Luxembourg avait introduit une nouvelle note dans le congrès de Paris en 1900 : elle avait expliqué que le politique coloniale des puissances impérialistes relevait aussi du domaine de la « guerre » et exigé des actions de protestation internationales contre les expéditions  coloniales.

REVOLUTIONNAIRES OU DIPLOMATES : LE DILEMME DE L'AVANT-GUERRE

1905, c'est le contraire de ce qu'on avait supposé jusqu'alors : la première révolution russe devient le point culminant de toute une vague de luttes de masses en Europe. Dans le débat sur la grève de masse au sein du SPD (Parti social-démocrate allemand) se cristallisent trois courants, typiques de la période de la première guerre mondiale et de l'après guerre : la gauche, le centre et la droite.

Au congrès de l'Internationale socialiste de Stuttgart en 1907 et à celui de Copenhague en 1910 le clivage n'est pas le même : la division fondamentale sur la question de la guerre n'est pas entre la gauche et la direction du parti. La revendication de la grève générale et de l'insurrection contre la guerre est avancée par la majorité non marxiste des socialistes français, dirigée par Jean Jaurès et Edouard Vaillant, de même que par le dirigeant historique de la classe ouvrière écossaise, Keir Hardie qui dans son parti se situe à droite. Elle est par contre rejetée aussi bien par la droite que par la gauche marxiste.

La forme apodictique par laquelle la direction du SPD refuse à Stuttgart et à Copenhagen toute prise en considération de la grève générale même comme l'une des formes possibles de lutte contre la guerre, découle du ressentiment national croissant à l'égard des partis français et britannique de même que de la peur d'une exacerbation des discussions internes dans leur propre pays. Dans ce contexte, il faut relativiser aussi l'appréciation courante selon laquelle le passage bien connu introduit dans la résolution de Stuttgart par Luxembourg, Lénine et Martov serait une « victoire de la gauche ». Face à l'opposition entre Allemands et Français dans la commission sur la guerre au congrès de Stuttgart, la proposition d'amendement russo-polonaise apparaît comme un pont, permettant aux Allemands de faire ce qu'ils veulent. Elle est formulée abstraitement et elle évite d'avancer toute forme concrète de lutte extraparlementaire. En même temps, elle provient de représentants de l'extrême gauche et elle est radicale dans ses conséquences : cela permet à la délégation française de renoncer à sa proposition sans perdre la face.

Trois ans plus tard à Copenhagen est adoptée une résolution qui traite uniquement de propositions de désarmement parlementaires et la fameuse motion de Keir Hardie et d'Edouard Vaillant en faveur d'une grève de l'industrie de guerre est renvoyée au congrès de Vienne (1913). Les représentants de la gauche marxiste s'abstiennent lors du débat.

C'est seulement dans le SPD qu'une discussion sur la question du désarmement a lieu. L'occasion est fournie par des motions présentées au parlement par la fraction du SPD en faveur d'une entente internationale et de limitations généralisées de l'armement (1910 et 1911). Dans la commission pour le désarmement du congrès de Copenhagen, c'est Karl Radek qui explique le point de vue de la gauche : une entente internationale est impossible aussi longtemps qu'il n'existe pas une force exécutive internationale. Par conséquent les propositions du SPD sont, dans le cadre d'un monde capitaliste, illusoires et réformistes. En fait, l'idée dominante de la résolution sur le désarmement, formulée par Karl Renner, est celle d'une compensation réciproque des intérêts des puissances impérialistes.

L'axe central de cette idée, qui est repris à Bâle en 1912, implique la conviction implicite, qu'exprime ouvertement le hollandais Willem Hubert Vliegen dans son rapport pour le congrès qui aurait dû avoir lieu à Vienne en 1914 : une guerre va à l'encontre des intérêts du capitalisme international lui-même. Le passé immédiat lui semblait le prouver : « La façon dont a été tranché le conflit sur le Maroc qui avait mis sérieusement en danger la paix en Europe, démontre que la voie des accords internationaux est possible dans des situations très difficiles ».

Derrière les innombrables objections, imparables du point de vue de la logique formelle, des marxistes orthodoxes contre les partisans de la grève générale se cache en réalité le conservatisme social de ces bureaucrates qui n'aiment pas les propositions des Français et des Britanniques dans la mesure où elles troublent la routine parlementaire et syndicale.

La catastrophe du 4 août 1914 est déterminée aussi par le fait qu'on est prisonnier d'une telle routine. Georges Haupt a expliqué d'une façon magistrale comment le 29 et 30 juillet les dirigeants du socialisme, réunis au Bureau de l'Internationale socialiste, ont évité toute discussion concrète sur l'attitude à prendre en cas de guerre, par des proclamations générales en faveur de la paix. A l'exception de la direction autrichienne, qui estimait qu'une guerre était inévitable et que la social-démocratie n'avait pas les moyens d'en empêcher l'éclatement, tous les participants se faisaient des illusions aussi bien sur l'amour de la paix de leurs propres gouvernements que sur l'efficacité de leur propagande pacifiste. Même Jean Jaurès, qui pourtant critiquait durement la social-démocratie allemande, croyait en la fermeté internationaliste du SPD. Même Rosa Luxembourg, qui était parmi ceux qui critiquait le plus l'impérialisme allemand, encore une semaine avant le début de la guerre s'attendait de la part de l'empereur allemand à un « signal pacifiste ».

Le 2 août le SPD avait organisé un rassemblement de masse contre la guerre et un appel de la direction du parti du 25 juillet avait très concrètement indiqué le comportement provocateur du gouvernement austro-hongrois comme le détonateur de la crise qui s'aggravait. Le membre de la direction allemande, Herman Müller, avait été le premier août hôte des socialistes français à Paris et avait exclu devant le groupe parlementaire socialiste que le SPD puisse voter pour les crédits de guerre.

Le jour suivant, le 3 août, le groupe parlementaire du SPD changeait radicalement son attitude: pris par la psychose nationaliste du pays et dans la conviction que l'Allemagne devait se défendre contre une attaque de la Russie tsariste, les parlementaires votaient « oui » (78 contre 14). Le 4 août Karl Liebknecht lui-même respecte la discipline du groupe parlementaire et vote pour les crédits de guerre. Contre les apparences, la politique d'union sacrée avait été déjà adoptée par presque tous les partis sociaux-démocrates dans les jours précédents.

Le 29 juillet 1914, Südenkun, au nom de la direction du parti, avait donné au chancelier allemand Bethman-Hollweg l'assurance que - justement dans le but de servir la paix - aucune des actions projetées auparavant (grève générale ou grève partielle, sabotage ou quelque chose d'analogue) n'était prévue et n'était pas à craindre. Deux jours plus tard, le 31 juillet, la direction de la CGT décide à Paris de renoncer à la grève générale et le communique immédiatement au ministre de l'intérieur, Malvy. Dans la même nuit, celui-ci ordonne de ne pas prévoir l'arrestation de personnes inscrites dans le « dossier B » de la police politique.

La guerre fait exploser les contradictions entre les partis sociaux-démocrates des différents pays de même qu'entre la gauche et la droite. Il s'avère que les proclamations pacifistes de la période d'avant-guerre ne sont que des « momies » qui - comme le disait Marx - se désintègrent face à la guerre. Ceux qui autrefois avaient cru à la tendance spontanée du capitalisme à la paix, déclarent désormais que la classe ouvrière est impuissante et la guerre inévitable. Un facteur, qui n'avait joué presqu'aucun rôle dans la discussion d'avant la guerre, devient décisif pour l'engagement contre le massacre massif : l'attitude politique vis-à-vis de son propre gouvernement. Lénine développe ce point jusqu'à ses conséquences extrêmes. Il avance comme noyau d'une position socialiste contre la guerre le mot d'ordre du « défaitisme révolutionnaire », qui est une innovation dans la tradition socialiste.

Certes, en 1914 rien n'est plus éloigné qu'une grève générale qui s'oppose à la marche des armées. Mais déjà deux ou trois ans plus tard, grèves et actions révolutionnaires de masses apparaissent comme les moyens les plus efficaces de lutte de la classe ouvrière contre la guerre. L'attitude face à l'Etat et à la révolution est désormais très étroitement liée à l'attitude face à la guerre.

L'ESPOIR COMME AUTO-INTOXICATION : LE DESARMEMENT PAR LA SOCIETE DES NATIONS ?

Il y a un parallèle dont la signification n'a jamais été saisie par les sociaux-démocrates. On a l'impression de se retrouver dans un monde de revenants lorsqu'on voit qu'à partir, au plus tard, de la fondation de l'Internationale socialiste ouvrière en 1923 les positions les plus droitières sont relancées dans les discussions sur la paix comme si rien ne s'était passé. L'exigence - avancée surtout par Friedrich Adler - d'une réflexion des sociaux-démocrates sur le passé n'avait aucune chance de se traduire dans la pratique. En effet, l'unité internationale de la social-démocratie se basait sur le principe qu'il fallait laisser de côté toutes les questions susceptibles de provoquer des divergences insurmontables.

Ainsi, au commencement des années 1920 les partis sociaux-démocrates avaient pris leurs distances par rapport aux traités signés dans la région parisienne sans pour autant s'attaquer ouvertement aux réalités qui en découlent. De cette façon, aussi bien les partis des pays de l'Entente, qui soutiennent le plus souvent les traités, que les partis des puissances vaincues qui souffrent les conséquences de Versailles, peuvent être satisfaits. La tendance générale est d'exploiter au mieux la nouvelle situation par des réformes démocratiques. Cela vaut avant tout pour la Société des Nations : jusqu'à l'écroulement de l'Internationale socialiste ouvrière la société des Nations sera l'axe primordial des propositions de paix et des actions des sociaux-démocrates.

Certes, au congrès de fondation de la l'Internationale socialiste ouvrière (ISO) à Hambourg (1923) les délégués expriment leur scepticisme à propos de la Société des Nations comme «alliance des puissances victorieuses». Mais on se tire d'affaire en demandant sa démocratisation. Selon la résolution du congrès, la classe ouvrière a le devoir d'« utiliser sa force dans chaque pays pour obtenir que, par l'admission de toutes les nations dans la Société, la démocratisation de son organisation et le contrôle décisif de la classe ouvrière de chaque pays sur les délégués de ce pays, afin que la Société des Nations soit transformée de manière à devenir un instrument effectif pour la défense de la paix et du droit des peuples et pour la révision des traités internationaux existants ».

Friedrich Adler rappelait toujours que l'institution de Genève était un « instrument du capitalisme », sans pour autant esquisser une autre politique, fondamentalement différente. En 1926 il utilisait l'expression de « parlementarisme international » et il proposait que le mouvement ouvrier ait par rapport à la Société des Nations la même approche que par rapport à l'Etat bourgeois : elle pourrait devenir utile à la classe ouvrière si la représentation des gouvernements était la même qu'aux parlements, ce qui assurerait le droit de se prononcer y compris aux partis socialistes dans l'opposition.

En réalité, il y avait un autre espoir, dans une certaine mesure plus réaliste : par le truchement d'une plus grande participation gouvernementale social-démocrate on pourrait exercer une influence positive correspondante sur les négociations pour le désarmement en cours. En 1930 Emile Vandervelde écrit dans un article : « Si à Londres il y avait cinq MacDonald au lieu d'un, la question de la flotte serait résolue. Les progrès de la démocratie, de la véritable démocratie, de la social-démocratie sont la mesure des progrès sur le chemin de la sécurité internationale par les arbitrages et le désarmement ».

En fait, l'ISO a salué toutes les déclarations allant dans le sens de la construction d'une autorité supranationale et comportant des professions de foi sur la paix et le désarmement comme des pas dans la juste direction. Cela vaut pour le protocole de Genève de 1924 qui avait été amorcé essentiellement par le gouvernement travailliste anglais. Après le naufrage du protocole - avant sa ratification les conservateurs étaient arrivés au pouvoir à Londres -on salue le traité de Locarno, à la suite duquel l'Allemagne est acceptée dans la Société des Nations, et quelques années plus tard également le pacte Briand-Kellog qui bannit la guerre.

Dans la pratique la politique de paix de l'ISO se limite à cela : agir comme groupe de pression dans la Société des Nations. Conformément à une déclaration du protocole de Genève, à partir de 1925 l'ISO estime que la convocation d'une conférence générale sur le désarmement serait le moyen plus efficace pour empêcher une nouvelle guerre. Une commission d'étude sur le problème du désarmement est formée et le congrès de Bruxelles (1928) et celui de Vienne (1931) avancent un programme détaillé de revendications des sociaux-démocrates. Ces idées sont exprimées parallèlement aux travaux de la « commission préparatoire de la conférence pour le désarmement » qui tient des réunions innombrables jusqu'à la réalisation de cette conférence en 1932.

Peu d'idées ont été avancées sur le moyen de mettre en pratique les revendications sur le désarmement. Par contre les différentes commissions de l'Internationale social-démocrate ont dépensé beaucoup d'énergie pour préciser jusqu'aux moindres détails leurs projets de traités, lois et accords. Ainsi, la résolution du congrès de Bruxelles engage les partis sociaux-démocrates à revendiquer des lois interdisant une mobilisation dans les différents pays avant qu'un conflit ne soit soumis à la Société des Nations. Une revendication pas très réaliste, si on considère qu'une situation de guerre immédiate comporte l'écroulement de tous les mécanismes « normaux » de rapports entre les Etats.- En même temps, le congrès souhaite un contrôle parlementaire plus fort sur l'armée et la flotte.

Lorsque le congrès de Vienne se réunit pendant l'été 1931, tous les grands espoirs dans la conférence de la Société des Nations sur le désarmement, prévue pour le début de 1932, sont largement retombés. Déjà en 1930 l'Exécutif de l'ISO avait dénoncé la « mauvaise volonté de la majorité des gouvernements » comme la cause de la faillite des négociations : « Jamais de si grands espoirs n'ont été si lamentablement déçus ! ». Néanmoins, le congrès se préoccupe surtout d'élaborer des propositions pour la réunion de Genève. Les armes chimiques et bactériologiques devraient être bannies et les flottes aériennes supprimées. Les puissances victorieuses et les Etats vaincus devraient être mis sur pied d'égalité, mais cela devrait se réaliser par le désarmement et non par un réarmement des « pays désarmés ».

Pendant les négociations à la Société des Nations l'ISO et l'Internationale syndicale organisent à Zurich une réunion commune sur le désarmement pour donner un poids plus grand à leurs revendications qui sont présentées à Genève par Vandervelde et Jouhaux. C'est le point culminant d'une campagne de pétitions que les sociaux-démocrates avaient menée dans les mois précédents dans de nombreux pays européens pour une conclusion positive de la conférence de Genève. Ensemble avec la « tempête de pétition », conçue d'une manière similaire en 1929, qui avait comme but d'accélérer les travaux préparatoires de la conférence pour le désarmement, ce fut la plus grande campagne internationale de l'ISO au cours des années 1920. Toutefois, déjà à la réunion de l'ISO et de l'Internationale syndicale de Zurich, le scepticisme prévalait quant aux possibilité de succès de la réunion de Genève. En fait, celle-ci se termina sans aucun résultat dans l'été de 1932.

Les prises de position de Friedrich Adler, Otto Bauer et autres pour une orientation socialiste internationale indépendante de la Société des Nations n'avaient aucun poids politique. Seule, l'idée de la défense internationale de l'Union Soviétique a pu s'insérer dans le programme de l'ISO. Toutefois, à partir de 1925, on oppose à cette idée l'argument que la politique soviétique serait-elle aussi un facteur de danger pour la paix ; une affirmation sur laquelle on reviendra et qui dans le cas d'un conflit militaire sérieux avec l'Union Soviétique laissait aux sociaux-démocrates des pays occidentaux la porte ouverte pour un alignement contre Moscou. Les revendications des minorités social-démocrates au congrès de Vienne sur le désarmement unilatéral et le refus des crédits de guerre aux gouvernements bourgeois sont repoussés ou renvoyées aux calendes grecques.

La rupture décisive entre les revendications de désarmement de la IIe Internationale de l'époque classique et la politique social-démocrate dans l'après-guerre est, donc, claire : elle réside dans l'attitude fondamentale-ment positive des partis sociaux-démocrates les plus influents en faveur de la défense de leurs propres Etats. Les revendications sur le désarmement sont présentées par les différents partis de façon qu'elles ne puissent pas léser les intérêts vitaux de leur propre bourgeoisie. Ainsi, pendant des années les socialistes français considèrent le désarmement comme un principe subordonné à la « sécurité », à savoir à la stabilité des rapports introduits par le traité de Versailles, qui avait fait de la France la plus grande puissance du continent européen.

A son tour le Labour Party prétend que dans la réduction des armées on exclut du calcul le troupe des colonies. Même le SPD, qui comme parti d'un « pays désarmé » aurait pu se battre sans problème pour le désarmement avec une plus grande énergie, se prononce en 1928, dès sa rentrée au gouvernement, pour une reconstruction de la Wehrmacht, fût-elle discrète. L'engagement militaire des partis social-démocrates au gouvernement fournit l'occasion de dures polémiques dans la propagande du Komintern : « Tank- Wels, Congo-De Brouckère », avion de combat-Renaudel » écrit Inprekor le 19 avril 1929.

La formule consacrée de l'ISO, selon laquelle les Etats devraient maintenir les moyens militaires nécessaires à leur défense, signifie que les partis sociaux-démocrates expriment fondamentalement leur solidarité nationale réciproque avec leur propre bourgeoisie. La politique   internationale   social-démocrate continue à miser sur la possibilité d'une conciliation des intérêts des puissances impérialistes. Dans la mesure où les contradictions entre les différents blocs de puissances s'aggravent - comme c'est le cas après l'arrivée au pouvoir de Hitler -, cela implique inévitablement une désintégration de l'Internationale social-démocrate, un processus qui jusqu'aux accords de Munich pourra être caché derrière la revendication générale de la « sécurité collective ».

Dans une telle optique les menaces de grève générale, qui, comme auparavant, font partie de l'arsenal de la propagande social-démocrate, apparaissent encore plus loin de la réalité qu'avant la première guerre mondiale.

LES MENACES SOCIAL-DEMOCRATES DE GREVE GENERALE S'ESTOMPENT

Il est étonnant que la consigne de grève générale soit avancée après la guerre par cette Internationale syndicale qui fut traditionnellement dominée par la droite de la social-démocratie. C'est un signe de la politisation que la guerre et l'après-guerre avaient provoquée dans des milieux syndicaux.

En avril 1922 un congrès de l'Internationale syndicale, réalisé à Rome, décide que « les ouvriers organisés ont 'e devoir d'utiliser tous les moyens existants contre les menaces de guerre future et d'empêcher l'éclatement effectif d'une guerre par la proclamation et la réalisation d'une grève générale internationale ». Dans les années précédentes les syndicats avaient mené une campagne partiellement efficace contre la Hongrie de Horty de même que contre l'aide occidentale à la Pologne en guerre contre la Russie soviétique. C'est pourquoi la menace de grève générale avait une certaine crédibilité politique.

Sur la base de la résolution de Rome un congrès international pour la paix est convoqué à La Haye en décembre 1922. Y participent des représentants syndicaux, des délégués des deux internationales social-démocrates et des syndicats soviétiques, et des représentants d'organisations pacifistes. Des propositions de désarmement sont avancées, ensemble avec la consigne de grève générale, pour empêcher une nouvelle guerre.

Dans son rapport à La Haye le syndicaliste hollandais Edo Fimmen fait explicitement référence à la résolution de Bruxelles de la Première Internationale et aux motions des représentants aux congrès socialistes d'avant la guerre. Des organisations antimilitaristes et pacifistes demandent, en outre, le refus du service militaire et le boycott de la production d'armes.

Alors que les représentants de la Deuxième Internationale et de l'Internationale deux et demi - dont est porte-parole Friedrich Adler - expriment leur scepticisme sur la possibilité de réaliser une grève générale en cas de guerre, la délégation bolchevique, dirigée par Karl Radek, fait des avances positives sur ce terrain. La grève de masse - dit Radek - exige l'abandon de la défense de la patrie et de la politique de coalition. Il est incontestablement difficile de proclamer la révolution sociale pour un jour déterminé, toutefois le Komintern est disposé à collaborer avec les représentants réformistes pour préparer des mesures concrètes en direction de la grève de masses.

Conformément à l'orientation de front unique adoptée par le IIIe et IVe congrès de l'Internationale communiste, la délégation bolchevique propose une campagne commune contre l'impérialisme et la guerre qui devrait déboucher sur une grève générale internationale d'un jour. Déjà quelques mois avant, après la conférence de Berlin des Comités Exécutifs des trois Internationales on était arrivé à une détérioration dans les rapports, pourtant limités, entre sociaux-démocrates et communistes. Par conséquent de telles propositions n'avaient aucune chance de se traduire dans la pratique. Les notes que Lénine avait données à la délégation bolchevique au moment de son voyage, devaient jouer un rôle important dans la politique du Komintern. On y reviendra.

Bien que le mot d'ordre de grève générale de l'Internationale syndicale soit maintenu dans les années suivantes, il ne joue aucun rôle dans la pratique du mouvement ouvrier social-démocrate, marqué par le parlementarisme. Le congrès de fondation de l'ISO (Hambourg, 1923) se place formellement sur le terrain de la déclaration du congrès de la paix de La Haye. Il rejette un amendement du Labour Party Indépendant qui mentionnait explicitement la grève générale.

Cinq ans plus tard une discussion véhémente a lieu dans la commission sur le désarmement au congrès de Bruxelles de l'ISO sur une déclaration, prônée par le Labour Party Indépendant, sur « la fermeture des industries de base et le refus du service militaire et de la production de munitions », et se termine par un plein succès des courants antipacifistes et pro-étatiques. La menace exprimée en même temps par les délégués, selon laquelle en cas de conflit international, on devrait exercer la plus forte pression possible, y compris sous des formes révolutionnaires, sur les gouvernements ne se soumettant pas à un arbitrage, reste sans conséquences.

A la conférence de l'ISO, réalisé à Paris en 1933 quelques mois après l'arrivée de Hitler au pouvoir, l'acceptation de la formule avancée par l'Internationale syndicale, à savoir une grève générale contre un agresseur ne se soumettant pas à l'arbitrage de la Société des Nations, n'était qu'un geste radical retentissant, qui cachait la crise d'orientation du mouvement ouvrier social-démocrate.

La persévérance avec laquelle des partis et des syndicats, qui sont désormais très loin d'utiliser des moyens de lutte extra-parlementaires insistent sur les menaces de grève générale, indique la disposition à s'opposer au danger de guerre par les méthodes les plus radicales. Dans une telle éventualité on est prêt à dépasser les limites de l'activité réformiste « normale». Pendant une courte période le Komintern avait compris que cela pouvait permettre une action commune de même qu'une différenciation par rapport au réformisme dans le cadre de l'Etat, typique de la vieille pratique social-démocrate. La proposition de Radek à la conférence de La Haye de marcher ensemble « sincèrement et ouvertement » pour combattre le militarisme et le désarme-ment et préparer une grève générale internationale contre la paix de Ver-sailles, représente une démarche différente de la politique malheureuse visant à « démasquer » les sociaux-démocrates, qui sera menée plus tard.

DE LA GREVE GENERALE A L'INSURRECTION : LE RADICALISME DE L'INTERNATIONALE COMMUNISTE

Dans la phase de formation du Komintern la bataille pour le maintien de la paix n'est pas un sujet pour les communistes. Le congrès de fondation condamne la paix de Versailles et lance un appel à la défense de la jeune république soviétique. La révolution prolétarienne et le pouvoir des conseils sont affirmés comme base programmatique des forces révolutionnaires dans le mouvement ouvrier international. La polémique contre le social patriotisme et le centrisme de l'époque de la guerre a un but bien précis : définir la ligne de démarcation entre réformistes et révolutionnaires.

Par conséquent les 21 conditions du IIe Congrès de l'Internationale communiste contiennent elles aussi un net refus de la « malhonnêteté et de l'hypocrisie du social-patriotisme ». Les partis communistes avaient le devoir de développer une activité anti-militariste et de construire un appareil clandestin dans l'armée. La majorité des partis communistes ont effectivement accompli cette tâche (le PCF a dissout cet appareil après la reconnaissance par Staline de la défense nationale française au printemps 1935, ce qui dans les premières phases de la résistance a été ressenti comme une grave carence).

En 1920 ces problèmes sont, toutefois, posés sous l'angle de l'actualité immédiate de la révolution. Les limitations de l'armement, telles qu'elles étaient discutées dans les conférences internationales des grandes puissances, sont déclarées tout simplement impossibles. Un appel du Comité Exécutif de l'Internationale communiste pour la conférence de Gênes (printemps 1922) affirme dans des termes ultimatistes : « Encore une fois, tous les ouvriers qui ont une conscience de classe doivent se dire : si nous voulons le désarmement, nous devons lutter pour la révolution prolétarienne. Mais pour atteindre ce but il faut soutenir le parti communiste ».

Dans la même période pourtant, on ne peut plus nier une certaine stabilisation du capitalisme. Le Comité Exécutif de l'Internationale communiste développe une analyse exhaustive de la nouvelle situation et traite du danger d'une nouvelle guerre qui en découle. Le texte de mars 1922, par la complexité de son analyse et son réalisme politique, est bien différent de nombreuses déclarations postérieures, déclamatoires et catastrophiques.

On y indique comme source de guerres futures aussi bien les contradictions inter-impérialistes que le front commun des puissances capitalistes sans pour autant affirmer qu'une guerre est imminente. En partant d'« une lutte de classes révolutionnaire radicalisée », qui est présentée comme le seul moyen efficace pour empêcher une guerre, le Comité Exécutif prend une attitude inconditionnellement favorable à la solution de la grève générale : les actions de masses qu'on propose - et on y inclut la grève générale - sont intégrées dans une perspective d'ensemble de révolution sociale.

Il est étonnant qu'il n'y ait aucune allusion au « défaitisme révolutionnaire » de Lénine de l'époque de la guerre. Comme moyen de lutte pour empêcher la guerre, à côté d'une campagne de clarification politique et d'une agitation antimilitariste dans l'armée, on indique « l'affirmation de la volonté du prolétariat, en cas d'éclatement d'une guerre impérialiste, d'empêcher par tous les moyens et à tout prix le transport de matériel de guerre et de troupes ; le renforcement de la volonté révolutionnaire des larges masses de s'opposer à l'éclatement d'une guerre impérialiste par tous les moyens à leur disposition : manifestations de rue, grève générale, insurrection armée ». Concrètement, on exige la suppression de tous les traités de l'après-guerre, la restriction de tout armement, le transfert à la bourgeoisie de tous les frais de la guerre et de la reconstruction, et la défense de l'Union Soviétique.

Ce n'est qu'après la mort de Lénine, fin avril 1924, qu'on publie ses « notes » sur les « tâches» de la délégation soviétique à La Haye, qui devaient jouer un rôle important sur la pensée du Komintern dans les années suivantes. Lénine y souligne les grandes difficultés politiques d'une bataille contre le danger de guerre et rejette le « préjugé » comme quoi « cette question serait simple, claire et relativement facile ». L'idée selon laquelle il serait possible de « riposter » à la guerre par une grève, était superficielle et illusoire : « il faut expliquer aux gens la situation réelle, à savoir que la guerre sera engendrée dans le plus grand secret et que l'organisation normale des ouvriers, même celle qui se définit révolutionnaire, ne sera pas en condition de s'opposer à l'éclatement effectif d'une guerre... ». Ce qui est important ce n'est pas la condamnation théorique abstraite de la guerre comme un crime, mais le refus de la défense de la patrie et la volonté de développer un travail illégal prolongé contre la guerre. Le boycott de la guerre est « une expression vide » : « les communistes doivent participer à chaque guerre réactionnaire dans le but de gagner à la lutte contre le gouvernement les gens mobilisés ».

Lorsque le VIe congrès du Komintern (1928) traite de nouveau de manière très détaillée la question de la guerre et de la paix, l'accent est clairement différent de ce qu'il était en 1922. On souligne l'inévitabilité de la guerre sous l'impérialisme et on esquisse la perspective d'une attaque immédiate des puissances occidentales contre l'Union Soviétique. On fait appel aux partis ouvriers révolutionnaires pour qu'ils se préparent à des grands bouleversements imminents du capitalisme et à des actions insurrectionnelles de masse : c'est le début de la politique de la « troisième période ».

Par rapport à la politique antérieure de front unique, on opère un changement d'orientation, qui ne correspond pas à une radicalisation de la classe ouvrière en Europe. Au contraire, par rapport au commencement des années 1920 la plupart des partis communistes avaient perdu massivement en influence. Mais pour le Komintern l'élément décisif était déjà représenté par les intérêts de la fraction de Staline dans le Parti communiste de l'URSS, qui, après sa lutte victorieuse avec l'Opposition de gauche, devait régler leurs comptes aux « droitiers ».

A propos de l'isolement international durable de l'Union Soviétique le VIe congrès présente l'opposition entre monde capitaliste et Union Soviétique comme la « contradiction principale». Il en découle logiquement que les intérêts de la classe ouvrière des pays capitalistes et du monde colonial doivent être subordonnés à ceux de l'Union Soviétique. Une conclusion à laquelle le Komintern avait été déjà préparé depuis des années par les thèses de Staline sur la réalisation du « socialisme dans un seul pays ».

Déjà une année avant le VIe congrès une résolution du Comité Exécutif avait parlé - du point de vue du radicalisme verbal, en opposition à 1922 - de « transformation de la guerre impérialiste en guerre civile », en renouant avec la ligne de Lénine. La grève générale y occupait une place importante comme « premier pas vers l'insurrection ».

Dans la discussion au VIe congrès on fait un autre pas en avant et on commence à découvrir des côtés positifs dans des formes de « boycott de la guerre », toujours rejetées par les marxistes orthodoxes. Le rapporteur britannique Bell critique le Parti communiste allemand parce que celui-ci avait soutenu le mouvement des objecteurs de conscience en Allemagne, et les thèses du congrès envisagent même des situations où la consigne de la désertion aurait un sens ; des situations où on pourrait envisager la formation d'unités de partisans derrière la ligne du front. En même temps, on exige que contre les pacifistes et sociaux-démocrates soit menée une lutte excluant toute alliance. La propagande contre le pacifisme est même indiquée comme « première obligation des communistes dans la lutte contre la guerre impérialiste ». Le rapporteur Bell dénonce à nouveau la social-démocratie qui « dans certaines cas serait plus impérialiste que les impérialistes eux-mêmes ».

Les leaders sociaux-démocrates prennent leur revanche en reprochant au Komintern de pousser à « une nouvelle guerre » pour stimuler la révolution mondiale. Déjà au congrès de l'ISO à Marseille en 1925 Otto Bauer avait déclaré que l'Union Soviétique encourageait les mouvements révolutionnaires contre la Grande-Bretagne en Asie et en Afrique « dans l'espoir de pouvoir donner par la guerre le coup mortel au capitalisme ». Une exagération polémique qui fut rejetée violemment par le porte-parole du Komintern, mais qui, toutefois, révélait en même temps le noyau d'une opposition d'intérêts réelle : les partis sociaux-démocrates les plus importants, comme le Labour Party et la social-démocratie belge défendaient les colonies de leurs Etats. L'ISO se prononçait, certes, en faveur d'une sorte de démocratisation du colonialisme, mais elle mettait sur le même plan la mise en danger du status quo colonial par les luttes de masse et la mise en danger de la paix. Par contre, pour le Komintern l'affaiblissement des grandes puissances impérialistes avait une place centrale aussi dans la lutte pour empêcher la guerre. Par conséquent, dans son approche il n'y avait pas de contradiction entre soutien aux mouvements de libération des colonies et lutte contre la guerre.

LE « DESARMEMENT » POUR L'AGIT-PROP : MOSCOU DANS LE CONCERT DES NATIONS

Néanmoins la consigne du désarmement à joué un certain rôle dans la propagande du Komintern des années 1920 aussi. Bien entendu, la conclusion était, à l'inverse de la social-démocratie, un net refus des rapports étatiques issus des traités de paix. Déjà Lénine avait considéré la Société des Nations comme une union passagère des puissances impérialistes victorieuses. En fait, il s'agissait « d'un groupe de brigands qui luttaient les uns contre les autres sans la moindre confiance réciproque ». Le point 6 des 21 conditions pour l'admission dans l'Internationale communiste affirme que c'est « le devoir de chaque section de l'Internationale communiste d'attirer systématiquement l'attention des ouvriers sur le fait que sans le renversement révolutionnaire du capitalisme, aucun arbitrage international, aucun bavardage sur les limitations des armements, aucune réorganisation « démocratique » de la  Société des Nations ne sauvera l'humanité d'une nouvelle guerre ».

En ce qui concerne la Société des Nations l'Union Soviétique ne pouvait pas accepter notamment ce qui, par contre, représentait aux yeux des sociaux-démocrates le plus grand espoir : le principe des sanctions contre un agresseur reconnu en tant que tel par la Société elle-même. Des mesures coercitives et des représailles, selon les porte-paroles soviétiques, ne pourraient que servir les intérêts de groupes de grandes puissances et être dirigées contre les pays petits et faibles. Par conséquent, aussi les déclarations du Comité Exécutif de l'Internationale communiste sur les conférences de Washington (été 1921) et de Gênes (printemps 1922) rejetaient nettement tout espoir de désarmement comme résultat de négociations entre puissances impérialistes.

Les thèses sur la guerre du Comité Exécutif de mars 1922, dont nous avons déjà parlé, placent l'armement et la politique internationale des puissances capitalistes dans le cadre de l'offensive bourgeoise généralisée visant à repousser la vague révolutionnaire de l'après-guerre : « Le développement ralenti de la révolution prolétarienne mondiale après son premier élan audacieux, la révolution russe, permet à la bourgeoisie des grands pays capitalistes de tenter de reconstruire sur une base capitaliste l'économie en ruines et l'Etat ébranlé... Si subsiste la propriété privée des moyens de production, un armement énorme, le danger de guerre permanent et le danger de guerre mondiale, où des millions d'hommes et femmes seront massacrés et estropiés et des centres de culture florissants transformés en déserts, sont des traits typiques inévitables du capitalisme en décadence ».

Au-delà de la critique idéologique pendant une courte période on a reconnu dans le pacifisme bourgeois un allié possible : « Le pacifisme, de même que le réformisme social, n'est pas en condition de surmonter les contradictions, les maux et les crimes du capitalisme. Mais il peut provoquer la discorde et l'insécurité dans les rangs de la bourgeoisie, de la moyenne et de la petite bourgeoisie et, donc, affaiblir l'ennemi de classe du prolétariat ».

Lorsque au mois de mai 1927 le Comité Exécutif de l'Internationale communiste revient sur la question du danger de guerre, on croit être au débat d'une « époque de grandes guerres ». Le développement politique interne d^s pays impérialistes les plus importants est interprété comme une préparation immédiate à la guerre et la social-démocratie traitée comme la force qui prépare la guerre sur le terrain idéologique. La solution du désarmement est rejetée en 1927 aussi : « Dans une situation de préparation accélérée de la guerre impérialiste tous les discours des gouvernements capitalistes et des pacifistes petits bourgeois sur le désarmement ne sont qu 'hypocrisie et raillerie... Les communistes doivent démasquer fondamentalement le caractère mensonger et réactionnaire des solutions de désarmement avancées par la bourgeoisie et ses agents, les sociaux-démocrates, dans le cadre du maintien de l'ordre social capitaliste. Ceux qui soutiennent une telle solution ne font que créer l'illusion qu'il est possible d'éviter les guerres sans détruire le capitalisme ».

Une année plus tard le VIe congrès du Komintern dénonce ouvertement la Société des Nations comme « un instrument de la préparation et de la réalisation de la guerre impérialiste contre l'Union Soviétique ». Le pacifisme et les groupes bourgeois pacifistes sont également présentés comme des phénomènes manipulés par l'impérialisme.

Tout à fait autre est le langage utilisé par la diplomatie soviétique sur l'arène internationale : la revendication de la limitation de l'armement est un thème constant de la politique étrangère soviétique. A la conférence de Gênes de 1922 le commissaire du peuple aux affaires étrangères Tchickerine avait présenté pour la première fois devant une large audience internationale les propositions soviétiques : elles apparaissaient comme une anticipation des thèses postérieures de l'ISO. Moscou se prononçait pour des limitations de l'armement : il était temps de convoquer une congrès international de tous les pays sur une base d'égalité pour « la création de la paix universelle ».

Dans ce but le gouvernement soviétique était même disposé à prendre comme base les traités existants, mais il exigeait des changements substantiels. Il était aussi prêt à participer à une révision des statuts de la Société des Nations. Le but devrait être de « transformer celle-ci en une véritable société des nations, excluant l'hégémonie des uns sur les autres et de surmonter la division entre vainqueurs et vaincus ». C'était un programme dirigé surtout contre la France et visant à renforcer le rapprochement avec l'Allemagne (Rapallo).

En décembre 1922 eut lieu à Moscou une conférence est-européenne sur le désarmement, dans laquelle la Russie soviétique fit une tentative pour obtenir une réduction généralisée des armements dans la région en offrant une réduction des effectifs de l'Armée rouge de 800.000 à 200.000 hommes. La proposition se heurta à la résistance de la Pologne, alliée de la France. Fin 1927 l'Union Soviétique participe aux travaux de la « commission préparatoire du désarmement » (elle ne sera pas, pourtant, membre de la Société des Nations jusqu'à 1934). Son représentant, Litvinov, propose un désarmement complet de tous les Etats en l'espace de quatre ans, et dès la première année les mesures auraient dû être si radicales qu'elles mettent toute armée dans l'impossibilité de mener une guerre.

A part le but diplomatique du rapprochement avec l'Allemagne, de telles déclarations ont avant tout un but propagandiste : on veut démontrer que l'Union Soviétique a des intentions pacifiques, contrecarrer la propagande sur l'« impérialisme soviétique» et face au rejet prévisible des propositions soviétiques par les puissances occidentales faire apparaître encore une fois ceux qui avaient des intentions belliqueuses. Les représentants sociaux-démocrates ont des difficultés à argumenter contre la démarche soviétique. Ils ne peuvent pas repousser tout simplement la position soviétique, mais ils veulent rester sur le terrain d'une politique de petits pas, que les revendications maximalistes de Litvinov ne facilitent pas. Par conséquence, les porte-parole de l'ISO se limitent à affirmer que les désirs soviétiques ne peuvent pas « se réaliser dans le monde capitaliste », mais en même temps ils laissent entrevoir une certaine sympathie.

Bien que dès la fin des années 1920 s'esquisse la tendance qui finalement fera du Komintern un instrument de la politique extérieure soviétique, le terrain de la diplomatie de Moscou reste nettement séparé de celui de la lutte révolutionnaire du Komintern. Cela ne change rien au fait que l'une et l'autre avaient un très important but commun ; la défense de l'Union Soviétique. C'est pourquoi il n'y a aucune directive pour limiter le travail antimilitariste des communistes en Allemagne, même si l'armée de celle-ci collabore avec Moscou après Rapallo et si l'Allemagne est jusqu'à 1933 un interlocuteur inter-national privilégié de l'Union Soviétique.

En même temps on est frappé de constater que le Komintern exploite très peu les possibilités de surmonter dans la lutte pour la paix la division du mouvement ouvrier et d'impliquer dans l'action anti-guerre les secteurs sur lesquels il n'exerce pas une influence directe. Les tentatives faites en ce sens après 1922 dans le cadre de la politique de front unique, ne sont que de courte durée et n'ont aucun effet durable.

Le mouvement anti-guerre d'Amsterdam (1932), appuyé par le Komintern - sujet d'un autre rapport à la conférence dont nous parlons – représente incontestablement une ouverture vers des secteurs intellectuels radicaux et pacifistes, mais on n'effleure pas la question décisive : le refus aussi bien par les sociaux-démocrates que par le Komintern de la politique de front unique contre la menace national-socialiste en Allemagne

« LA REVOLUTION A LA PLACE DE LA GUERRE » : UNE IDEE QUI DISPARAIT

Ce n'est pas la contradiction entre les Etats capitalistes et l'Union Soviétique qui provoque la deuxième guerre mondiale, comme s'y attendait le Komintern. Ce ne sont pas les conférences pour le désarmement et les mesures de démocratisation dans la Société des Nations qui divisent les fauteurs de guerre et les défenseurs de la paix, comme le laissaient entendre les thèses social-démocrates. Pour le développement international des années 1930 l'élément décisif est constitué par l'aboutissement de la lutte de classes dans une série de pays européens: la défaite sans combat du mouvement ouvrier allemand devant Hitler ; la défaite de la Schützbund (milices) autrichienne, le sort de la guerre et de la révolution en Espagne et la canalisation de la montée révolutionnaire des masses en France en 1936 constituent les prémisses sociales et politiques d'une nouvelle guerre mondiale.

Le tournant décisif, c'est la victoire du national-socialisme en Allemagne: une défaite historique pour tout le mouvement ouvrier international, dont les partis ouvriers traditionnels ne saisissent pas toute la signification même pas quelques mois après qu'elle a eu lieu.

Le Komintern s'attend encore à une montée révolutionnaire jusqu'à la fin de 1933 et estime que cette montée serait accélérée par le recul de l'influence social-démocrate allant de pair avec la destruction des illusions démocratiques. Pour sa part, Otto Bauer se prononce encore en été 1933 pour « l'égalité des droits du peuple allemand et pour son égalité sur le terrain des armements » dans le but de maintenir la paix par une sorte d'« équilibre de la peur ». L'opinion des trotskystes, selon laquelle un régime fasciste en Allemagne impliquait « la perspective d'une lutte mortelle entre une Allemagne fasciste et l'Union Soviétique », comme l'avait affirmé une déclaration de l'Opposition de gauche internationale au congrès d'Amsterdam contre la guerre de l'été 1932, n'est partagée pendant un certain temps que par des cercles restreints.

Très rapidement, comme l'on sait, Hitler parvient à reconstruire une armée de combat dans une Allemagne qui avait été « désarmée » par la force à la suite du Traité de Versailles, et une puissante industrie d'armement. Ce fait confirme à posteriori certaines critiques marxistes à l'idée de désarmement. Dans un appel de 1932 Trotsky avait écrit: « Le prétexte du «désarmement » n 'a pas et ne peut rien avoir en commun avec la prévention de la guerre. Le programme du « désarmement » n 'est qu'une tentative - jusqu 'ici sur le papier - de réduire en temps de paix les dépenses pour tel ou tel autre armement...  Les arsenaux, les fabriques de munitions, les laboratoires et finalement, qui plus est, l'industrie capitaliste dans son ensemble maintiennent tout leur potentiel dans tous les « programmes de désarmement ». Mais les Etats ne font pas la guerre parce qu'ils sont armés. Au contraire, ils préparent leurs armes lorsqu'ils doivent se battre. En cas de guerre toutes les limitations des périodes de paix sont balayées... Ce ne sont pas les arsenaux, c'est le potentiel productif qui est décisif ».

A partir du moment où le programme de réarmement de Hitler se dessine dans toute sa gravité, la revendication d'un système collectif de sécurité prend de nouveau la place de la revendication du désarmement dans la politique de l'ISO. Lorsque Staline se convainc que Berlin n'avait aucune intention de poursuivre le cours de Rapallo, et que par conséquent Moscou cherche une alliance avec les puissances occidentales, le Komintern opère un tournant dans la même direction. Dans la perspective de la menace de guerre, une nouvelle donne est nécessaire dans le mouvement ouvrier européen : voilà un thème qui avait été déjà avancé par d'autres.

Pour la social-démocratie internationale l'orientation vers la « sécurité collective » comporte la continuation d'une politique déjà menée pendant la décennie précédente. Pour le Komintern le tournant symbolisé par le VIIe et dernier congrès comporte la disparition pratique de ce qui avait été au centre de la lutte contre la guerre dans les années 1920, à savoir les actions révolutionnaires et les mobilisations de masses anticapitalistes. On mise désormais sur un renforcement des forces bourgeoises favorables à la paix et disposées à collaborer avec l'Union Soviétique.

La ligne de séparation dans le mouvement ouvrier est fondamentalement déterminée par la constellation d'intérêts des puissances auxquelles les différents courants et groupes sont liés. Pour les partis communistes c'est l'orientation internationale de la bureaucratie soviétique qui joue le rôle décisif, comme le prouvent les tournants brusques de 1934, 1939 et 1941. Quant aux groupements au sein de l'ISO, tels qu'ils se dessinent dans les années 1930 et qui à l'époque de l'accord de Munich devaient amener presqu'à une scission, ils sont sous l'influence de gouvernements bourgeois européens qui sont disposés à trouver des arrangements ave avec Hitler.

Dans la discussion sur la grève générale on se posait la question de savoir comment le mouvement ouvrier pourrait contrecarrer par la menace d'une révolution la politique de guerre des classes dominantes. Cette problématique est désormais étrangère à l'approche politique des directions traditionnelles. L'idée d'une politique de paix basée sur des actions prolétariennes de masse visant à affaiblir le pouvoir de la bourgeoisie disparaît, elle aussi.

Quatrième Internationale, n°14, 1er juillet 1984

Notes : Nous n'avons pas reproduit les très nombreuses notes qui accompagnent l'original allemand de cet article. Ces notes font référence aux écrits des différents auteurs cités (Marx, Engels, Lénine, Trotsky, Rosa Luxembourg, Kautsky, Otto Bauer. etc...). Elles font référence aussi aux compte-rendus des congrès internationaux sociaux-démocrates et des congrès du Komintern. Finalement, elles citent comme sources, entre autres, Julius Braunthal, Geschichte der Internationale, 1961 et Pierre Frank, Histoire de l'Internationale Communiste, 1979.

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