Etat espagnol: Espacio alternativo devient «Izquierda Anticapitalista» et participera aux élections européennes
Par Izquierda Anticapitalista le Jeudi, 27 Novembre 2008 PDF Imprimer Envoyer

Espacio Alternativo, notre organisation-soeur dans l’Etat espagnol, a définitivement rompu tout lien organisationnel avec le parti Izquierda Unida dont la crise interne et stratégique semble terminale après des années de subordination à la social-démocratie et de déroutes électorales consécutives qui l’ont pratiquement laminé. Lors d’un congrès confédéral tenu le 22 novembre dernier, Espacio alternativo a résolument opté pour se construire comme un parti autonome, qui connaît d’ailleurs une croissance notable depuis quelques temps et dont 80% des membres ont entre 25 et 35 ans. Le congrès a également décidé de changer le nom de l’organisation en « Izquierda Anticapitalista » (Gauche Anticapitaliste), de lancer un processus de discussion sur la nécessité d’une nouvelle force anticapitaliste large et unitaire et de déposer une liste pour les élections européennes de juin 2009. Nous publions ci-dessous leur résolution sur ces dernières.

Construire une alternative à l’Europe du Capital

Résolution d’Izquierda Anticapitalista sur les élections européennes de juin 2009

1) La situation des pays membres de l’UE est déterminée par le contexte ouvert par la crise économique mondiale. Cette crise véritablement systémique combine de multiples éléments tels que la crise économique et financière, la crise écologique globale et énergétique et une crise alimentaire dans les pays du Sud.

Cette crise, combinée à la volonté d’augmenter la compétitivité internationale de l’économie européenne dans le cadre de la globalisation capitaliste, provoque une intensification sans précédent des attaques et des réformes néolibérales qui cherchent à démanteler le dénommé « modèle social européen ». Les systèmes de protection sociale et les régulations du marché du travail existants dans les pays de l’UE constituent, du point de vue des classes dominantes, autant d’obstacles dans la voie à pour obtenir une position hégémonique et compétitive au sein de l’économie globalisée.

Face à la crise, ces classes dominantes veulent mettre encore plus sous pression le monde du travail salarié afin de réduire les « coûts du travail », démanteler les systèmes de protection sociale et accentuer l’exploitation des travailleurs/euses. La Directive sur le temps de travail (qui permet de l’augmenter jusqu’à 65 heures/semaine) et la « directive de la honte » contre les droits des travailleurs/euses migrants sont deux exemples de cette offensive en règle contre les maigres droits sociaux et démocratiques qu’ils n’ont pas encore pu détruire après 30 années de politiques néolibérales.

Toutes les politiques mises en œuvre par les gouvernements européens ont pour objectif de faire payer aux secteurs populaires le coût de la crise du capitalisme. Les nouvelles formes de régulation économique et financière que peuvent appliquer ces gouvernements n’ont d’autre but que de garantir la stabilité du système financier du seul point de vue des intérêts du capital, elles ne représentent nullement un « tournant » vers des politiques favorables aux intérêts des secteurs populaires.

2) L’intensité des attaques néolibérales a donné lieu dans l’UE à une montée des luttes sociales au cours de ces dernières années, bien que de manière inégale en fonction des pays. La dynamique générale de ces luttes reste toujours essentiellement défensive, malgré quelques exceptions importantes. De nombreuses luttes s’achèvent par des défaites ou par des victoires précaires. La coordination des mobilisations à l’échelle européenne ainsi que « l’européanisation » des luttes est faible, en dépit des quelques avancées dans ce sens réalisées depuis la fin des années ’90, notamment avec l’émergence du Forum social européen et de quelques initiatives syndicales.

L’orientation générale des grandes organisations syndicales européennes et de la Confédération européenne des syndicats (CES) en particulier est celle d’une adaptation « critique » aux réformes néolibérales de l’UE dans le but d’en « corriger les excès ». La mobilisation n’est envisagée que comme un ultime recours, on donne au contraire la priorité à une stratégie syndicale de concertation alors que la marge de manœuvre de cette dernière est sans cesse plus réduite et les reculs constants.

3) Face à cette situation, l’ensemble de la gauche européenne poursuit son évolution social-libérale. La social-démocratie traverse toujours sa phase de mutation qui la pousse à appliquer des politiques qui présentent de moins en moins de différences sur les questions socio-économiques avec celles de la droite - bien qu’il existe encore quelques différences entre elles en termes de valeurs symboliques et culturelles ou des forces sociales qui les appuient.

Les partis communistes européens sont toujours plongés dans une longue crise historique qui a considérablement affaibli leur influence politique et sociale au cours de ces 25 dernières années. Englués dans une crise idéologique et identitaire de grande ampleur, ils connaissent de graves difficultés d’orientation stratégique. A l’exception du PCP au Portugal et du KKE en Grèce, qui incarnent une orientation néostalinienne ultra-sectaire, les principaux partis communistes européens ont choisi de s’adapter ou de se mettre à la remorque de la social-démocratie, en soutenant ou en participant directement à des gouvernements sociaux-libéraux.

Cette orientation n’a fait qu’accentuer leur crise politique, affaiblir leur base sociale et les déconnecter des luttes sociales. Le déclin du PCF, le désastre de Rifondazione en Italie après son soutien au gouvernement Prodi, sont des exemples frappants de cette évolution. La subordination vis-à-vis de la social-démocratie ne contribue aucunement à tirer cette dernière vers la gauche, c’est le contraire qui se produit; ceux qui se subordonnent à elle sont tirés vers la droite.

Quant aux partis écologistes européens, leur évolution au cours de la dernière décennie a confirmé leur conversion ultra-rapide en formations subalternes au social-libéralisme. Aujourd’hui, les Verts européens sont pleinement insérés dans une orientation gouvernementaliste et sont coresponsables des politiques social-libérales, anti-écologiques et répressives. Le cas d’ICV en Catalogne en est un exemple limpide.

4) Dans l’Etat espagnol, les conséquences se font de plus en plus durement ressentir. Nous assistons à la fin d’un « modèle de développement » dont le moteur ; le secteur de la construction et la spéculation immobilière, s’est définitivement effondré et dont la chute entraîne tous les autres secteurs économiques, tout particulièrement les commerces, les services et les industries. Si nous ajoutons à cela la pression inflationniste sur les produits de première nécessité et l’augmentation répétée de la valeur monétaire dans la zone Euro, on peut facilement comprendre que la situation économique de centaines de milliers, voire de millions de personnes, est déjà plus que critique. Ces temps de « vaches maigres » affaiblissent durement les ressources de l’Etat et augmentent le déficit des administrations qui gèrent l’augmentation des dépenses de protection sociale induite par la montée du chômage.

Malgré toute sa réthorique, la réponse à la crise avancée par le gouvernement de Zapatero va au contraire approfondir les mesures fiscales régressives, les privatisations, les œuvres publiques pharaoniques non durables et les cadeaux fiscaux au grand capital.

5) Face à ce panorama, s’il faut souligner l’existence de multiples luttes sociales au cours de ces dernières années. Mais il faut également constater que la majorité d’entre elles ont été relativement modestes quant à leur ampleur et leur base sociale, et ont souvent été très localisées. La fragmentation et l’isolement ont durablement marqué le développement de nombreux conflits. Il n’y a eu que très peu de luttes qui ont été capables d’atteindre un haut niveau de centralisation, exception faite de quelques luttes territoriales et de quelques conflits syndicaux emblématiques. (…)

La dynamique générale des luttes reste ici aussi défensive et réactive, à quelques exceptions près comme la grève des transports publics à Barcelone ou des nettoyeurs du métro de Madrid. A la fin 2007-début 2008 a eu lieu une remontée des luttes sociales avec plusieurs mobilisations importantes successives, mais on ne peut pas encore parler de l’ouverture d’un nouveau cycle ascendant des luttes. Parmi les noyaux militants, il existe de grandes capacités d’initiatives et un niveau d’activités considérable, mais le degré d’organisation des mouvements reste faible. Dans le contexte de la crise économique, on peut prévoir une augmentation du malaise et des conflits, en particulier dans les entreprises en crise, mais toujours avec une logique défensive et à partir de rapports de forces très défavorables du fait de l’atomisation du monde du travail salarié consécutif aux transformations dans la production, au chômage et à la précarité.

6) L’opposition de gauche à la politique de Zapatero se trouve paralysée par l’orientation de concertation et de démobilisation des syndicats CCOO et UGT et par l’absence d’un projet politique indépendant du PSOE. Izquierda Unida (IU) traverse depuis très longtemps une crise identitaire et de projet particulièrement profondes. La vocation actuelle d’IU est d’être une organisation subalterne au PSOE dont la survie dans les institutions constitue le principal but à son existence. IU est coresponsable de nombreuses politiques contraires aux intérêts des salarié/es, elle reste déconnectée des luttes sociales et manque de crédibilité en tant qu’instrument valable pour une transformation sociale, malgré le fait qu’en son sein existent encore des militants dévoués et engagés.

7) Nous considérons qu’il est nécessaire de travailler à organiser la résistance politique et sociale, dans l’Etat espagnol et dans l’ensemble de l’UE, contre le renforcement des politiques néolibérales. Il faut avancer vers une articulation européenne des luttes et des résistances sociales. Tout comme il est nécessaire d’impulser les luttes sociales et l’auto-organisation, il est également nécessaire de construire une gauche de combat qui puisse être un instrument de lutte utile sur tous les terrains.

Au niveau politique, il existe en effet une absence criante d’alternative politique à la gauche de la gauche. L’existence des résistances sociales, bien que limitées, la mutation social-libérale de la social-démocratie et la subordination envers cette dernière des partis communistes et écologistes, ouvrent un espace politique et social pour une gauche anticapitaliste dans les pays européens, bien qu’avec une intensité inégale selon les pays. Cet espace est encore limité, variable et contradictoire. Il est surtout, pour l’instant du moins, plus le fruit d’un déplacement vers la droite des grands partis politiques que de la force et de la radicalisation sociales « d’en bas ».

Face à une intégration européenne au service du capital, nous pensons qu’il est important d’avancer vers la création d’un pôle anticapitaliste européen, capable d’offrir une alternative internationaliste aux attaques néolibérales. La création du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) en France représente un point d’appui important pour avancer vers cet objectif stratégique. Nous avons besoin de construire, dans l’Etat espagnol et à l’échelle européenne, une gauche anticapitaliste indépendante de la gauche social-libérale, insérée dans les luttes sociales, écologistes, féministes, en défense du droit des peuples sans Etat et résolument internationaliste. Telle est la tâche dans laquelle nous nous sommes engagés depuis longtemps.

8) Avec cette perspective stratégique en toile de fond, nous pensons qu’il est utile que nous soyons présents aux prochaines élections européennes dans le cadre d’un bloc anticapitaliste européen, avec des organisations telles que le NPA français, Sinistra Critica en Italie et d’autres encore.

Nous devons constater, qu’actuellement, il n’y a pas de courants politiques au niveau de tout l’Etat espagnol avec lesquels nous pourrions obtenir un accord de confiance afin de présenter un projet unitaire. Ce projet ne pourra être le résultat que d’une pratique préalable commune qui n’existe pour l’instant que sous forme de plateformes, de campagnes ou de coordinations pour des événements ponctuels et concrets.

Le processus de consolidation d’un travail politique commun et dans la confiance suffisamment fort doit être la priorité pour construire une alternative politique de ce genre. Avancer « à froid » un projet unitaire à l’échelle de tout l’Etat espagnol serait contre-productif à cette étape. Il peut cependant exister des situations régionales spécifiques et particulières qui, au contraire, le permettent.

Sur le terrain de la gauche sociale, le nombre d’activistes intéressés à impulser et à s’engager concrètement dans une nouvelle force politique anticapitaliste ayant cette caractéristique unitaire est encore trop peu élevé que pour garantir sa construction effective « par en bas ». Cependant, cela ne doit pas constituer un obstacle afin d’interpeller un maximum d’activistes, de syndicalistes, d’intellectuels, de petits collectifs pour participer à un tel processus à l’avenir et pour continuer à débattre avec eux sur comment avancer dans la construction d’un nouveau projet anticapitaliste unitaire.

Nous devrons chercher les formules appropriées (à travers des comités ou d’autres mécanismes à concrétiser) afin de garantir que ces activistes qui veulent s’engager dans les différentes phases d’un tel processus puissent le faire pleinement. Nous chercherons toujours une discussion franche et honnête avec eux/elles, guidée par le respect mutuel, la transparence et l’absence de toute prétention instrumentalisatrice ou utilitariste. Ainsi, bien que nous reconnaissions la difficulté d’une telle tâche, nous leur donnerons la possibilité de faire avec nous un pas en avant dans la collaboration pour construire une force anticapitaliste dans l’Etat espagnol.

Dès que nous aurons finalisé le processus de récolte des signatures pour les élections européennes, nous réaliserons une Convention politique ouverte à tous les secteurs indépendants et aux activistes sans parti qui ont ou qui veulent participer dans ce projet.

Parmi de nombreux activistes sociaux et parmi les secteurs populaires, il prédomine toujours une attitude de scepticisme vis-à-vis de la possibilité d’articuler une alternative anticapitaliste sur le terrain politique, bien que la nécessité de cette dernière soit progressivement reconnue. L’effet prolongé des politiques néolibérales, les difficultés rencontrées par les luttes sociales et le caractère insoutenable du dilemme entre le « vote utile » pour les différentes forces de la gauche parlementaire existante ou l’abstention résignée, font que le débat sur la nécessité d’une alternative politique émerge peu à peu, bien de que manière encore limitée et contradictoire.

L’impact de la crise peut accélérer la perception de cette nécessité. Dans le contexte de la profonde crise systémique et globale à laquelle nous assistons , avec les premières contestations populaires qui font face à ses conséquences les plus néfastes et face à l’aggravation du processus de décomposition au sein d’IU et à la crise des autres collectifs militants, l’urgence d’une force clairement anticapitaliste pourra être ressentie avec plus de force par les secteurs les plus actifs des mouvements sociaux et de la gauche. C’est pour cela qu’ensemble avec le travail unitaire que nous impulsons dans le cadre des campagnes et des luttes contre l’issue pro-capitaliste à la crise, nous devons également nous adresser à ces secteurs pour expliquer notre proposition.

La crise contribue à augmenter le mal-être accumulé depuis des années, elle augmente les possibilités de construire un nouveau projet anticapitaliste et souligne de manière plus urgente encore sa nécessité. Mais elle rend également plus graves les conséquences d’un possible échec de ce projet, en termes de démoralisation des secteurs populaires et militants.

C’est pour toutes ces raisons qu’Izquierda Anticapitalista prend la décision de lancer un processus de récolte des 15000 signatures de citoyens/nnes de l’Etat espagnol nécessaires pour pouvoir nous présenter aux élections européennes. Ce processus sera une occasion de réaffirmer la nécessité de construire une gauche de combat et une alternative anticapitaliste large et unitaire et d’avancer dans cette direction.

Parallèlement, nous chercherons également, bien que de manière symbolique, à recueillir les signatures de migrants résidants dans l’Etat espagnol et qui n’ont aucun droit démocratique de base, afin de dénoncer les politiques contre les immigrés dans l’Europe forteresse.

Au cas où nous n’obtenions pas les 15000 signatures nécessaires, nous lancerons une campagne alternative de dénonciation de l’Europe du Capital afin de donner quand même de la voix et de la visibilité à une gauche anticapitaliste dans cette échéance électorale. Notre objectif est de faire un pas en avant dans notre construction, celle d’une organisation anticapitaliste et révolutionnaire et nous pensons qu’une telle campagne électorale pourra y contribuer. (…)

Selon nous, les élections ne sont pas le terrain le plus important de la lutte, comme l’attestent notre pratique et notre trajectoire. Il s’agit d’un terrain comme un autre sur lequel la gauche anticapitaliste doit apporter des réponses afin de donner une issue positive aux luttes et aux résistances sociales et offrir une alternative politique. Telle est la manière dont nous envisageons notre défi. La coordination confédérale d’IA et ses organes compétents concrétiseront cette initiative dans les semaines à venir.

Résolution adoptée à la Conférence confédérale extraordinaire d’Izquierda Anticapitalista (IA) par 70% des voix pour, 22% contre et 8% d’abstentions. Traduction de l'espagnol pour le site www.lcr-lagauche.be

 

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