Rejet des lois anti-immigrés
Par Édouard Soulier le Samedi, 13 Mai 2006 PDF Imprimer Envoyer

Comme cela avait été le cas trois semaines auparavant, des centaines de milliers de personnes ont manifesté aux États-Unis, le 1er Mai, suivant ainsi un appel au boycott des écoles et du travail pour protester contre le durcissement de la politique migratoire. Le pays compte douze millions de sans-papiers.

La proposition de loi HR 4437, déposée par le député Sensenbrenner (républicain), qui a mis le feu aux poudres, avait été votée par la Chambre des représentants. Cette loi est un outil répressif étendant la barrière dite de sécurité à la frontière mexicaine et prévoyant des peines de prison pour quiconque aiderait un étranger en situation irrégulière (il suffirait de le conduire à l’hôpital pour tomber sous le coup de cette loi), ainsi que pour ceux qui ne les dénonceraient pas.

Nativo Lopez, président de l’Association politique des Mexicains-Américains, ne mâche pas ses mots : « La loi Sensenbrenner est la loi la plus odieuse et détestable que nous ayons connue depuis la loi sur les esclaves en fuite, en 1857. Les gens devraient la lire - c’est une loi qui demande aux citoyens de participer à la persécution d’autres personnes ainsi qu’à la remise des esclaves à leur ancien maître. » Surtout, cette loi se situe dans la continuité de toutes les législations, qu’elles soient fédérales ou étatiques, depuis plus d’une dizaine d’années. Elle s’accompagne d’une augmentation de la persécution des immigrés entamée depuis le 11 septembre 2001.

Mais les travailleurs ne se sont pas laissés faire. En mars et en avril, se sont déroulées les plus grandes manifestations depuis la lutte pour les droits civiques et contre la guerre du Viêt-nam. Le 10 mars, 300 000 personnes ont défilé à Chicago et plus du double à Los Angeles, quelques jours plus tard. Depuis, des dizaines de manifestations de grande ampleur ont eu lieu à travers tout le pays, y compris dans des bastions « anti-immigrants » comme le Nouveau-Mexique et l’Arizona. Ces deux États ont une frontière avec le Mexique et possèdent des groupes extrêmement actifs de minutemen - miliciens armés qui surveillent les frontières et intimident les Latinos.

C’est pourquoi certains sénateurs républicains, soutenus par des démocrates, se plaçant nettement du côté des entreprises qui emploient la main-d’œuvre immigrée à bas prix, ont proposé un autre projet de loi : le Guest Worker Program (« programme des travailleurs invités »). Ces dispositions donnent un visa temporaire de travail aux immigrants. Le premier effet serait d’expulser immédiatement deux millions d’immigrants illégaux qui pourront, par la suite, demander le fameux visa temporaire. Pour ceux qui résident aux États-Unis depuis plus de deux ans, mais depuis moins de cinq ans, obligation leur serait faite de se présenter aux frontières. Beaucoup craignent que ce soit un piège pour « reconduire » plus rapidement les indésirables. Enfin, ceux qui résident aux États-Unis depuis plus de cinq ans pourraient commencer les démarches de naturalisation et devraient, en plus d’apprendre l’anglais, payer des amendes pour séjour illégal ! En revanche, si l’immigré s’engage dans l’armée pour plusieurs années, la citoyenneté pourrait être accordée. Pas assez américain pour rester aux États-Unis, mais assez pour se faire tuer en Irak !

Beaucoup de démocrates, notamment Hillary Clinton, ont déjà fait savoir que ce consensus leur convenait. Mais, pour le mouvement, aucune de ces dispositions n’est acceptable, d’autant que le consensus sénatorial prévoit de faire un mélange : inclure dans le Guest Worker Program certaines dispositions de la HR 4437 - comme la barrière de sécurité - dans le produit final.

Ce n’est donc pas terminé. Le mouvement demande purement et simplement l’amnistie pour tous les résidents actuels. Des centaines d’associations et d’organisations ont été à l’initiative, dans tout le pays, des manifestations géantes et d’un boycott des écoles et du travail, le 1er Mai.

De New York, Édouard Soulier

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