Maroc : aux ordres du roi et du FMI
Par Aissam Stanou le Mardi, 02 Octobre 2007 PDF Imprimer Envoyer

Après les élections législatives marocaines, le 7 septembre, notre camarade Ismail El Manouzi, directeur du journal « Al Mounadil » (« Le Militant »), nous donne ici son point de vue. Nous publions également un communiqué de notre organisation-sœur au Maroc.

Que signifie le faible taux de participation ?

 

Ismail El Manouzi - L’abstention est de 63 %, et même plus dans les grandes villes. Avec l’abdication totale des partis de « l’opposition » bourgeoise, l’Istiqlal (Indépendance) et l’Union socialiste des forces populaires (USFP), qui ont renoncé à réformer la Constitution et participent au gouvernement, le régime n’a plus besoin, pour les élections, d’utiliser des méthodes grossières de falsification et de pression. Les élections ont fait apparaître l’indignation et l’indifférence politique des masses populaires. Rien n’a changé, les partis du Palais gardent la majorité. Les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) n’ont pas réalisé ce qu’ils escomptaient, même s’ils représentent la première force politique du pays. Les élections ont confirmé que le danger islamiste n’était pas imminent, mais plutôt un épouvantail utilisé par les partis bourgeois pour justifier leur acceptation d’une Constitution donnant le pouvoir absolu au roi.

 

Comment est représentée la classe ouvrière ?

 

I. El Manouzi - Elle est politiquement inexistante. L’ancien Parti communiste, le Parti du progrès et du socialisme (PPS), n’est plus qu’un groupe d’intellectuels sociaux-libéraux et monarchistes, qui n’ont rien fait pour amender la Constitution et font partie du gouvernement depuis 1988. Les centrales syndicales se sont alignées sur l’Istiqlal et l’USFP. C’est est le cas de l’UGTM [Union générale des travailleurs marocains, NDLR], de la FDT et d’une frange de la bureaucratie de l’UMT [Union marocaine du travail, NDLR]. La Confédération démocratique du travail (CDT), organisation la plus combative pendant les années 1980 et 1990, a appelé à voter pour une coalition de petits partis d’opposition. La bureaucratie de la CDT n’a pas respecté l’indépendance du syndicat, en engageant ses structures dans la campagne des partis politiques. Les militants de la IVe Internationale ont défendu la position socialiste révolutionnaire vis-à-vis des institutions bourgeoises en période non révolutionnaire et de dénonciation du pouvoir absolu. Efforts limités par la modestie de leurs forces et leur répartition, géographiquement inégale.

 

Quelle est la situation des luttes sociales actuellement ?

 

I. El Manouzi - Depuis 2000, il y a un creux dans les luttes ouvrières. Les marches du 1er Mai ont été les plus faibles depuis des décennies. Les luttes, comme celle en cours à Jbel Aouam (lire Rouge n° 2219), sont isolées. La combativité se manifeste surtout dans des luttes rurales, qui revendiquent des infrastructures et des services sociaux. La deuxième composante est le Réseau de coordination des luttes contre la vie chère. Les manifestations récentes, à Bouarfa et Sefrou, ainsi que la crainte d’une contagion générale, ont obligé le gouvernement à revenir sur l’augmentation du prix du pain. Ce mouvement offre une chance de rajeunir les forces du mouvement social et de sortir du climat morose dû à la capitulation des directions syndicales.

 

Propos recueillis par Aissam Stanou

 


Communiqué d’Al-Mounadil (section marocaine de la IVe Internationale) : Il ne faut attendre aucun changement des élections parlementaires

Nous n’attendons aucun changement avec les élections parlementaires du 7 septembre. Le changement ne viendra que des luttes populaires des opprimés et des exploités.

 

Les médias et les meetings politiques ont diffusé l’idée dominante selon laquelle ces élections pour un nouveau parlement et un nouveau gouvernement résoudront tous les problèmes du Maroc. Les programmes de plusieurs partis en lice promettent la création de milliers d’emplois, des taux de croissance élevés, l’élimination de la pauvreté et de l’exclusion dans tout le pays et la libération de la femme. Ces discours hypocrites sont entendus depuis plus de 30 ans, depuis les élections de 1977.

 

Depuis lors, nous n’avons vu qu’une intensification des politiques d’austérité qui ont hypothéqué l’avenir du Maroc, au travers de politiques d’endettement et d’ajustement structurel imposés par les grandes institutions financières internationales.

 

Ces politiques n’ont bénéficié qu’aux seuls grands capitalistes, aux prédateurs corrompus qui ont pratiqué la malversation et la dilapidation des fonds publics au détriment d’une population qui a vu s’appauvrir quotidiennement un grand nombre de personnes.

 

Les conséquences de ces politiques ont été le démantèlement du secteur public, l’éducation et la santé, au travers de privatisation qui n’ont provoqué que plus de chômage; de surexploitation ; d’insécurité et de pauvreté. Parallèlement à cela, les libertés publiques sont toujours étouffées. La répression,  qui a frappé tous les soulèvements populaires dans plusieurs villes et villages, se poursuit toujours actuellement et de sinistres prisons, telle Tazmamart, constituent toujours la destination de tous ceux qui se battent contre ces politiques.

 

A chaque nouveau rendez-vous électoral, nous entendons des slogans miraculeux afin d’améliorer des conditions de vie qui n’ont cessé d’empirer. Après plus de 30 années de démocratie parlementaire, les structures sociales minimales qui existaient au Maroc ont été détruites, réduisant la jeunesse à chercher l’émigration clandestine. Toutes ces fausses promesses n’ont fait que briser les espoirs des jeunes générations.

 

Ce parlement et les institutions pseudo démocratiques seront issus d’élections venant d’une constitution née à son tour d’un référendum frauduleux. Cette constitution concentre tout le pouvoir entre les mains d’une seule personne. Cette démocratie, loin de donner le pouvoir au peuple, est de facto une dictature dans le sens le plus strict du terme. Et ce parlement n’est qu’un masque destiné à appliquer les politiques anti-populaires décidées par des législateurs qui ne servent que les intérêts du capital international en poursuivant le pillage des richesses au détriment de nos vies et de nos revenus. En réalité, les différents partis qui concourent aux élections ne sont que les voix d’un parti unique qui applique la même politique néolibérale. Derrière l’indépendance formelle du Maroc, ce « processus démocratique » ou d’ « alternance démocratique » n’a servi qu’à affirmer la domination d’une minorité.

 

Le changement ne viendra pas du parlement, il ne se produira qu’à travers les luttes menées depuis des décennies par les travailleurs, les paysans pauvres et le reste des opprimés.

 

Quelles sont les tâches pour parvenir à un changement réel ?

 

- Développer et unir les luttes des travailleurs et des opprimés

- Amplifier les réseaux de solidarité nationale et internationale

- Récupérer la confiance dans les luttes afin de revivifier l’espoir d’un changement général

- Fortifier les instruments de lutte tels que les syndicats et les organisations de jeunesse, des femmes et du reste des opprimés et des exploités

- Unir les forces combatives dans la construction d’un parti révolutionnaire. Le chemin de la liberté des opprimés passe par la construction d’un pouvoir social, économique et démocratique réel au travers de leur auto-organisation. Et cela ne peut se produire sans une rupture avec le capitalisme. Seul un parti révolutionnaire peut atteindre cet objectif.

 

Dans un contexte de démocratie bourgeoise, les élections ne sont qu’un moyen afin d’élever la conscience de classe. Les changements réels viendront dans les lieux de travail, dans les quartiers et dans les rues, autour de certaines revendications telles que :

 

- Abolition de la dette et rupture avec les organismes financiers internationaux ; FMI, Banque mondiale, Organisation mondiale du commerce

- Abolition des accords de libre échange avec les Etats-Unis et l’Europe

- Une véritable politique sociale, qui redistribue réellement les richesses et les ressources en respectant les équilibres environnementaux

- Une vaste démocratisation de l’ensemble de la vie économique et sociale, au service du peuple et non du capital

 

Notre principale demande est la mise sur pied d’une assemblée constituante qui permette l’élaboration d’une nouvelle Constitution et d’un nouveau Maroc au service des intérêts populaires.

 

L’émancipation des opprimés sera l’œuvre des opprimés eux-mêmes. Notre libération n’aura lieu qu’au travers de la construction d’organisations de lutte, démocratiques et de masse, de mouvements sociaux ainsi qu’au travers de la formation d’un parti révolutionnaire afin d’organiser la société sur de nouvelles bases ; anti-bureaucratiques, anti-capitalistes, socialistes et internationalistes.

 

Le 29 août 2007

Voir ci-dessus